vendredi 13 septembre 2019

En exclusivité universelle : La Reynière, au jour le jour à Paris, en septembre 1794. Il pleut des trombes, La Reynière fait ses courses, retrouve Restif de la Bretonne et va beaucoup au théâtre de la République ou au F.s.g.


Durant ce mois de septembre, les heures réglées de La Reynière continuent de rythmer ses journées. Cependant, la vie reprend et notre Alexandre en a deux principales.

Le théâtre tout d'abord. 

Le théâtre est la passion d'Alexandre depuis son plus jeune âge, quand il passait son temps sur les genoux de Melle Quinault, dite Quinault la cadette, qui fit les beaux jours de la Comédie française dans les années 1710-1740. Cultivée et brillante, elle fréquente les littérateurs de son temps, Voltaire, Destouches, Marivaux... au sein d'un petit cercle littéraire et mondain baptisé « Société du bout-du-banc » lit-on dans la chronique de la Comédie française – Société du bout du banc, car on se disputait ses faveurs à tout prix, fût-ce celui d’être assis au bout du banc. C’est aussi elle qui lui a donné le goût des assemblées festives et légèrement décadentes, et c’est d’ailleurs à elle qu’il dédia son fameux Souper du 1er février 1783. 

Je ne vois pas pourquoi je vous raconte tout cela, car vous avez tous lu le GRIHL notamment pages 31 et 32, ainsi que pages 79 et ss.

Donc, en ce mois de septembre, il renoue avec le milieu du théâtre, et se rend à beaucoup de représentations. 

Un petit point d’histoire en quelques dates clés :

La loi sur la liberté des théâtres du 13 janvier 1791 fit perdre ses privilèges de répertoire à la Comédie française. Dès lors, les salles de théâtres se multiplièrent et dans un genre qui déplaisait  fort à La Reynière, un théâtre « Républicain », autrement dit de la propagande pure et simple, en adoptant la forme des Vaudevilles (pièces légères en prose ou en vers mêlé d’ariettes). 

Toujours en 1791, l'interdiction par Louis XVI de la pièce de Marie-Joseph Chénier Charles IX, provoqua un conflit entre les comédiens fidèles au roi et ceux favorables à la République, ce qui conduira au départ de ces derniers en avril 1791, menés par Talma, pour la nouvelle salle du Théâtre de la République au Palais-Royal. Ce sont ces comédiens fidèles à la République qui formeront l'actuelle Comédie-Française. 

Le 2 septembre 1792, 13 acteurs de la Comédie française (alors rebaptisée le Théâtre français) jouent Paméla, une pièce que le Comité exécutif juge franchement monarchiste. Ils sont arrêtés le lendemain et emprisonnés – les actrices à Sainte-Pélagie et les acteurs aux Madelonnettes. Vous en trouverez le récit dans le GRIHL pages 251 et ss. C’est parmi ces derniers qu’Alexandre a ses amis, que nous retrouverons au fil de ces jours du mois de septembre : Fleury, Dazincourt, Louise Contat, Melle Lange etc. 

Vous reconnaîtrez dans les quelques commentaires de la Reynière le style - que vous maîtrisez désormais parfaitement - du Censeur dramatique, journal décadaire et décadent sur le théâtre classique français en général et sur les scènes théâtrales parisiennes en 1797 et 1798. (voir le GRIHL pages 263 et ss.)

Comme autre source sur le théâtre d’alors, ses acteurs et ses actrices, j’aurais pu puiser dans Le Mercure de France. J’ai préféré me référer à un livre totalement inconnu : La nouvelle lorgnette des spectacles, par un certain « Fabien Pillet, et aa. ». Fabien Pillet (1772-1855) a réellement existé, il était accessoirement auteur dramatique et principalement chef de bureau au Ministère de l’intérieur puis au ministère de l’éducation publique. Mais il ne fait guère de doute que le principal contributeur de cet ouvrage est La Reynière lui-même. Le titre même de l’ouvrage est un clin d’œil à La Lorgnette philosophique trouvée par un R.P. capucin sous les arcades du Palais-Royal, opus assez faible, il faut l’avouer, publié par La Reynière en 1785 ; et aussi le style ainsi que les idées, avis, types de critique contenus dans La nouvelle lorgnette des spectacles : tout semble de la main de La Reynière. Il se pourrait ainsi que ce M. Pillet soit le spectateur qui fut tant ému lors de la représentation des Fausses confidences (Marivaux) donnée par des "aliénés" de l’hôpital de Charenton dans le théâtre animé par le marquis de Sade, qui y était interné (voir le GRIHL pages 320 et 321).

A côté de la vie de théâtre, La Reynière parfait sa cartographie gustative de Paris, en multipliant ses visites dans les commerces de Paris. Voilà qui annonce les Itinéraires gourmands de ses Almanachs des années 1803-1812. Un cartographie culturelle aussi, avec ses visites chez de nombreuses libraires de Paris, marchand de musique et quelques autres parfumeurs, ravaudeuses, vendeurs de Rats de cave... toute visites qui nous apprennent beaucoup sur les métiers de l'époque et que les curieux pourront retrouver ici .

Enfin, ce mois de septembre est marqué par une rencontre importante que les biographes de La Reynière ignoraient et que ce journal révèle. Il s’agit de Restif de la Bretonne, avec qui il passe un moment dans les jardins du Palais Royal (voir mon commentaire au 12 septembre).

 *

Lundi 1er septembre
Séjour à Paris – M. Dessaq*. Sorti – M. Batilliot** – M. Maille***, conversation avec madame Maille sur Imbert et autres objets, raisonne fort sensément - retour au logis – Déjeuner – Lect. - Perruq – dîner avec mad. visite à ma mère – avec mad. théâtre du Vaudeville où l’on jour Georges et Gros Jean****,Le Naufrage au port*****, Les Chouans de Vitré******– 1èrepièce déjà vue, médiocre ; 2èmeassez jolie, intrigue, imbroglio plaisant 3èmemauvaise – retour au logis – visite à ma mère avec mad. – en chambre – souper avec mad. Lecture – Coucher à 12h ¾.
* Sans doute M. Desray, rue Hautefeuille, n°36. Libraire ; éditeur et marchand de cartes et d'atlas. - En apprentissage à Paris à partir de juillet 1785. Reçu libraire le 30 oct. 1787.
** déjà rencontré à de nombreuses reprises en juillet et août. Rappelons cependant qui est M. Batilliot. Il y avait au 107 rue de la Harpe, près de la place Saint-Michel, première porte cochère, puis à partir de 1793 au 15 de la rue du cimetière St André des Arts en entrant par la rue Hautefeuille et rue Foin-Saint-Jacques, au coin de la rue Boutebrie, une librairie tenue par Batilliot ainé et son frère cadet Pierre-Louis-Sauveur.
Notice la BNF :  Libraire ; au Cap-Français, imprimeur des commissaires nationaux civils (1792) ; de la municipalité et du gouvernement (1792). - Semble avoir d'abord exercé au Cap-Français (auj. Cap-Haïtien) comme libraire (en compagnie d'un frère) avant juillet 1788, puis à partir de 1790 comme imprimeur sous la raison : "Batilliot jeune" ou "Batilliot et compagnie". Publie le "Moniteur général de la partie française de Saint-Domingue" du 15 nov. 1791 au 20 juin 1793. De retour à Paris, travaille de 1795 environ à oct. 1800 avec son frère aîné sous la raison : "Batilliot frères". Breveté libraire à Paris le 1er oct. 1812 (brevet renouvelé le 24 mars 1820).
*** M. Maille est un autre commerçant ami de La Reynière, qui lui rendra souvent visite dans sa boutique au 16 de la rue Saint-André des Arts. La Reynière chantera les louanges de Maille dans chaque édition de l’Almanach gourmand, et le plus bel éloge – le plus lyrique aussi - est celui publié dans la 4ème année : Dès qu'on parle à Paris de Vinaigre et de Moutarde, le nom illustre de M. Maille, et celui de M. Bordin, son glorieux rival, accourent naturellement se placer sur les lèvres. C'est ainsi que lorsqu'on songe à la Melpomène française, on ne peut le faire sans que les grands noms de l'auteur du Cid, et de celui d'Athalie, ne se présentent à la mémoire ; et il est reconnu maintenant que M. Maille est le Corneille de la Moutarde, comme M. Bordin en est le Racine. A l'égard du Vinaigre , la vérité nous oblige de dire que M. Maille en est tout à la fois le Corneille, le Racine, et le Crébillon.
**** Georges ou Gros-Jean, ou L’Enfant trouvé, fait historique, en un Acte et en Vaudeville, avec le vaudeville noté à la fin, par le Citoyen Léger, représenté à Paris au Théâtre du Vaudevilles le mercredi 19 juin 1793. La pièce raconte le procès de deux paysans qui se disputèrent à qui nourrirait un enfant nouveau-né qu’ils venaient de trouver. On lit dans L'Esprit des journaux, vingt-deuxième année, tome VI (juin 1793), p. 333-335, que ses couplets sont en général bien tournés : mais on pourrait lui reprocher de les terminer quelquefois par des idées connues, telles que celles-ci :
S'il n'était point des cœurs sensibles,
II n'existerait point des ingrats.
***** Le naufrage au port, comédie en un acte mêlée de vaudevilles, par les Citoyens Pain et Midet, représentée la première fois sur le Théâtre du Vaudeville le 13 Fructidor de l’an II de la République Française. 
****** Les Chouans de Vitré, fait historique en un acte, en prose, par F-G Desfontaines, représenté pour la première fois sur le Théâtre du Vaudeville le 24 prairial de l’an second de la République une et indivisible.

Mardi 2 septembre
Séjour à Paris – M. Batilliot – remise des livres de M. de Fortia – M. Boutelon, toujours en prison – M. Boullanger* chez M. Breguet, montre nettoyée – M. Bosse, sorti - retour au logis – Déjeuner – dîner avec mad. – visite de M. Daigremont – de M. Bosse – de M. de Verneuil - visite à ma mère - remontée en chambre – Lect – visite de M. Neveu – visite à ma mère – Souper avec mad. et M. Neveu – Lecture – coucher à 12h &c.
* Commis de M. Breguet, horloger (voir 18 aout). 

Mercredi 3 septembre
Séjour à Paris – Boite de M. Neveu - M. Antheaume* – halle. Raye – moules – Visite à M. Mercier** aux fermes, conversation littéraire et politique – M. Petit – Noix rue S. Honoré - retour au logis – Déjeuner – dîner avec mad. et M. de Verneuil – avec mad. Comédie française, f.S.G.*** où l’on joue Le Conciliateur****,et Le Fermier républicain*****– 1ères loges, incommodes et sourdes – Le Conciliateurjoué par M. Fleury, pièce brillante, agréable, bien écrite, intrigue légère, réminiscences, dénouement prévu, petits moyens, de l’adresse ; le tout, joli ouvrage qui doit beaucoup au jeu des acteurs. Talent admirable de Fleuri – 2èmepièce si mauvaise que nous quittons à la 3èmescène – retour au logis – visite de M. Gay, malade – ma mère******* y vient, ses inquiétudes sur sa prétendue noblesse, obstination désespérante – Salon avec mad. – retour en chambre – souper avec mad. – retour en chambre – Souper avec mad. – Lecture – Coucher à 12h 3/4 &c.
* Antheaume, Antoine Louis, orfèvre rue du Marché Neuf, 16. La rue du Marché Neuf était située sur l’Ile de la Cité et a disparu lors de la construction de la Préfecture de Police.
** Jean-Sébastien Mercier, l’auteur des Tableaux de Paris, ami de La Reynière depuis 1785, puis honni au début de la Révolution (« Mercier est devenu exécrable »), est aujourd’hui sujet de compassion : Alexandre le retrouve à Paris, mais incarcéré, ironie de l’histoire, à l’ancien hôtel des Fermes générales, rue Grenelle Saint-Honoré, pour avoir pris le parti des Girondins contre la Montagne au mauvais moment. Alexandre ira lui rendre visite à de nombreuses reprises, jusqu’à sa libération en novembre 1794 (voir le GRIHLpage 211). 
***f.S.G. : faubourg Saint-Germain. Depuis 1782, la Comédie française était hébergée au théâtre de l’Odéon (« Salle Luxembourg » à l’emplacement de l’actuel théâtre de l’Odéon) devenu en juillet 1789 « Théâtre de la Nation ». Cette situation dura jusqu’en 1791 : en avril 1791, un conflit entre les acteurs fidèles au Roi (qui venait d’interdire la représentation de Charles IX, une pièce de Marie-Joseph Chenier) et les acteurs favorables à la république. Les premiers restèrent dans la Salle du Luxembourg, et les seconds, menés par Talma, rejoignirent la nouvelle salle du Théâtre de la République au Palais-Royal. Le 27 juin 1794, le Théâtre de l’Odéon changea une nouvelle fois de nom et devint le « Théâtre de l’Égalité »
**** Le Conciliateur ou l’Homme aimablecomédie en cinq actes et en vers représentée la première fois sur le Théâtre de la Nation, le 29 septembre 1791, par Charles Albert Dumoustier
*****Le Fermier républicain ou le Champ de l’égalité, comédie en deux actes, en prose mêlée de vaudevilles, représentée la première fois sur le Théâtre de l’Égalité, le 14 août 1794, par Louis-François Archambault (1742-1812) dit Dorvigny, l’inventeur du Janotisme (procédé de dissociation interne des éléments significatifs d’une phrase afin de produire un sens équivoque, comme cesdanseuses blanches sur le dos de chevaux en tutu, dansLa Vie devant soi de Romain Gary. Jeannot, diminutif de Jean, était le surnom traditionnel des sots
******Abraham Bénard (1750-1822)dit Fleury, entra à la Comédie française en 1774 et en devint sociétaire en 1778. Les personnes qui veulent avoir une idée exacte de son talent doivent le voir dans Le Conciliateur… Il (y)déploie tout ce qu’il a de finesse, de moëlleux, d’aimable…. Il atteint un degré de supériorité qu’aucun acteur ne pourra surpasser. (La nouvelle lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa.,  1801, page 103)
******* Suzanne de Jarente, épouse de Laurent de La Reynière (un bourgeois à particule) fut éloignée de la Cour du fait de ce mariage. « Attaquée de noblesse » durant l’ancien régime (l’expression est de madame de Genlis) elle se croyait en danger, du fait de sa prétendue noblesse, durant la période révolutionnaire.

Jeudi 4 septembre
Séjour à Paris – M. Vallat la Chapelle*, orfèvre rue du petit Bourbon marc** à 100 – M. Antheaume, marc** à 102, vente de 6 couv. à ce prix. – M. Batilliot – visite à M. Pons de Verdun*** – M. Dessaq – Museum – livres – Mde Teyssier**** me remet 2000 pour le compte de Fortia – M. Petit – retour au logis – Dej- Perruq – Dîner avec mad. et M. Aze – visite à ma mère – Lecture en chambre – à 8 heures, j’accompagne ma mère à la section des Champs-Elysées Comité Révolutionnaire, bonne réception, remerciements – retour avec elle au logis – Salon, avec mad. – Souper avec mad. – Lecture – Coucher à 12h ½.
* La famille Vallat-La-Chapelle était surtout une famille d’imprimeurs à Paris. 
** Le marc d’argent pèse 245 grammes. La valeur du marc est ici exprimée en Livres, le Franc n’ayant été créé qu’en 1795. En 1803, la conversion du franc est stabilisée à 5 grammes d’argent (c’est le Franc germinal), et cette parité durera jusqu’en 1914. Comme on le verra par la suite, La Reynière fait régulièrement le tour des orfèvres de Paris pour vendre l’argenterie familiale au meilleur prix (voir par exemple le 20 septembre).
*** Philippe-Laurent Pons de Verdun(1759–1844), avocat puis homme politique avant d’être proscrit comme régicide en 1818, il fut un des premiers compagnons de frasques d’Alexandre (GRIHL pages 65, 88, 140 et 244) et un des rares à lui rendre visite durant son exil dans l’Abbaye de Domèvres (Lettre à Restif de la Bretonne du 20 novembre 1786 : Parlez-moi du peu d’amis qui me restent, de ceux sur lesquels vous croyez que je puis compter. Vous allez en voir un dont je fais grand cas ! M. Pons de Verdun. Vous avez su, sans doute, qu’il est venu passer avec moi huit jours. Il repart aujourd’hui de Verdun, pour retourner à Paris. Il ira sûrement vous voir. Vous ferez ensemble le tour de l’Ile, & vous parlerez de moi.
**** On trouve trace d’un Tessier, Libraire rue de la Harpe au-dessus de la rue Serpente. (L’esprit des journaux français et étrangers, 1794)

Vendredi 5 septembre
Séjour à Paris – Museum – Poste aux lettres – Parfumeur rue Française, poudre à 36 s., point – Noix rue Montorgueil – épicier rue Montmartre, Cassonade – M. Petit – retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad – Lettr. – Cacao – Visite de M. Daigremont – Lettr. – visite à ma mère – en chambre – Lecture – visite de M. Le Cocq – Visite à ma mère avec madame – pluie dans sa chambre* – remontée en chambre – Souper avec mad. Lect. Coucher à 12h ¾. 
* * La météo de l’époque indique qu’août  94 fut caniculaire, le mois de septembre pluvieux et l’hiver rigoureux. Après les dégâts provoqués dans la chambre de Suzanne (au rez-de-chaussée de l’hôtel), Alexandre sera plus tard dans le mois victime de la pluie : après une pluie à verse le 24 suivra « les pieds dans l’eau » le 28 septembre, l’obligeant à se réfugier dans la chambre d’en haut (29 septembre).

Samedi 6 septembre
Séjour à Paris – M. Trianon* – Museum – M. Duval – Convention – retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad – Estampes de S. Leclerc** – visite de M. Daigremont – visite à ma mère – Lecture en chambre – visite à ma mère avec madame – en chambre – Souper avec mad. et M. Gay – Expédition nocturne – coucher à 2h ½.
* Nulle trace de ce monsieur Trianon dans les œuvres de La Reynière. Il y avait un Trianon, marchand de drap au 6 de la rue Saint-Honoré. Peut-être s’agit-il de lui. (Almanach du Commerce de Paris,1809) Et ce qui expliquerait les soldes à répétition (le mois du blanc peut avoir lieu aussi aux mois de juillet/août, comme chez « Toto » anciennement place de la Madeleine et aujourd’hui en face de chez moi, rue Réaumur). Le traditionnel Mois du blanca lieu, comme chacun sait, en janvier. Mais pas à cause de la neige, comme chacun ne le sait pas. Durant la révolution, les fabricants du textile de la ville de Cholet, ravagée par les guerres de Vendée,subirent un fort déclin d'activité. Ils auraient alors eu l'idée de créer ce fameux mois de promotion. Le blanc parce que Vendéens d’abord et faire référence à la couleur de la monarchie et Janvier, mois de la mort de Louis XVI. (tout cela est sujet à caution : voir ici)
** Sébastien Le Clerc ou Leclerc (1637, Metz –1714, Paris) est un graveur, dessinateur, peintre et ingénieur militaire actif à partir de 1650. Membre de l’Académie Royale de peinture et de sculpture, graveur ordinaire du Roi, Leclerc était de la veine des prolifiques : 18 enfants (mais un seul peintre) et 3412 estampes répertoriées par Charles-Antoine Jombert dans un Catalogue raisonnéen deux gros tomes. Dans cet ouvrage qui, date de 1774, Jombert se donne pour mission de répandre plus de lumière dans l'historique des gravures de le Clerc, dont la plus grande partie, faite dans le siècle passé, commence à s'éloigner assez de notre tems pour se dérober à notre connaissance.La situation n’a fait qu’empirer. 

Dimanche 7 septembre
Séjour à Paris – Ravaudeuse – Gagne petit*, rue du Colombier – Taffetas gris – M. Battiliot – Mde Gouillard Palais-Royal – visite de M. Le Cocq -retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad chez ma mère, avec M. Daigremont – bon dîner** – remontée en chambre – visite avec ma mère à M. Le Cocq – retour ensemble au logis – sorti seul. Palais-Royal, je retrouve Mde et M. Neveu, retour avec Mde au logis – Lecture en chambre – visite à ma mère – Souper par cœur avec mad – visite de M. Gay – fin de l’expédition de la veille – Visite de ma mère à 12h ¼ - coucher à 1h ½ &c.
Au Gagne Petit, rue du Colombier, derrière l’Abbaye Saint-Germain, n° 35, était un Magasin « de soieries, Draperies, Indiennes, toiles d’orange & de Jouy de toutes qualit2s. perses, toiles blanches, mousselines unies, brodées et rayées. Linon batistes ; Gazes ; Satins & Taffetas d’Italie ; à très-grand marché » ouvert par Buzenet Père & Fils en 1792.
** Les quelques bons dîners que signale La Reynière ont lieu chez sa mère, et non chez lui. La raison est que La Reynière dépendait financièrement de sa mère, et que celle-ci était pingre à son égard, allant jusqu’à le mettre sous tutelle, de peur que, comme dans les années 1780, son fils ne dilapidât l’argent de la famille –le peu qu’il en restait tout au moins.
  
Lundi 8 septembre
Séjour à Paris – halle, turbot* – Artichaux – Visite à M. Mercier aux fermes – Pêches et raisins rue S. Honoré – noix id. près les Feuillants - retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad, M. Aze, M. Gay et M. Portallier - visite de M. Daigremont – Lect – à 9h. descente chez ma mère - Souper avec mad. – Lect - coucher à 12h.
* Voilà qui dément les propos de La Reynière dans l’Almanach des Gourmands :
… pendant les années désastreuses de la Révolution, il n’est pas arrivé un beau turbot, ni un esturgeon, ni un saumon à la Halle. (Almanach,6èmeannée, p. 58). A moins que le turbot du 8 septembre ne fût pas « beau ».

Mardi 9 septembre
Séjour à Paris – Md* de fer quai du Louvre, verrou – vallée** – Rôtisseur rue de la Huchette Perdreaux pour ma mère – Libr. Pont au change – Mde Teyssier - retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad – Lect – visite à ma mère – Promenade avec mad. au Palais-Royal – glaces au caffé de foy – M. Petit – retour au logis – visite avec mad. à ma mère – Souper avec mad. – Lect - coucher à 12h. &c.
* Marchand
** Marché de la Vallée : situé quai des Grands-Augustins sur l’emplacement du couvent et du cloître des Grands-Augustins, c’était le concurrent de la Halle sur la Rive gauche de la Seine pour ce qui était de la volaille et des gibiers.

Mercredi 10 septembre
Séjour à Paris – M. Maille - M. Batilliot, solde pour M. de Fortia – Papetier rue du Marché Palu* – M. Radamel** fb de chocolat rue de la Calendre – M. Maille, vinaigres - retour au logis – Dej – Lett. Perruq – Dîner avec mad. – Lettr. Visite de M. de Verneuil – visite à ma mère – Promenande avec mad. aux Tuileries Palais-Royal – M. Petit – Glaces au caffé de foi – retour au logis – Lect. En chambre – Visite à ma mère – Visite de M. Neveu – Souper avec mad. – Lecture – coucher à 12h.
*Le marché Palu fut le premier marché de Paris, au XIIème siècle, ancêtre de la Halle. La rue du Marché-Palu, aujourd’hui disparue, était située dans le quartier de la Cité. 
** Dans ses Itinéraires gourmands, Alexandre conseille d’aller au Café de Conti boire une tasse du chocolat sorti de la fabrique de M. Radamel, située rue Dauphine. (Almanach des Gourmands, 1èreannée, 4èmeédition, 1810, p. 281). En 1794, la fabrique de M. Radamel était donc située rue de la Calandre, laquelle a disparu lors de la construction de la Préfecture de Police, sur l’Ile de la Cité. Il est situé au 24 rue de Thionville en 1809 (Almanach du Commerce de Paris, 1809). 

Jeudi 11 septembre
Séjour à Paris - Libr. sur le boulevard des Italiens, n’a rien des livres demandés – visite à Mde Vauruisseau – Épicier rue Montmartre – M. Clavaux* cordier rue Coquillère – Noix Cour des Tuileries - retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad. – Seul, Comédie française, parquet**, on joue Le vieux célibataire*** et La Servante Maitresse****– Comédie charmante, caractère bien faits, intrigue forte et bien conduite, stile enchanteur. Jeu admirable de MM. Molé*****, Fleury, Dazincourt ******, de Melles Contat******** et Lange *********, nec plus ultra de la perfection dramatique – pendant la 2èmepièce, visite à M. Fleury dans sa loge – Il promet de venir dîner demain – retour au logis – Visite à ma mère –Souper avec mad. – Lecture – coucher à 12h ½ &c.
* Les lecteurs du GRIHL(pages 89 et ss.) se souviendront peut-être que M. Clavaux fut président des déjeuners philosophiques, dits aussi séances semi-nutritives,  assemblées bacchiques et légèrement décadentes organisées par La Reynière 1783 et 1786, pour lesquelles il avait désigné comme président ce monsieur Clavaux, qualifié ici de cordier, plus précisément marchand d’ustensiles de chasse et de pêche,sis rue Coquillère, n°33. 
**Le parterre, ou parquet, ne comportait pas de sièges, il offrait les places les moins chères car le public, exclusivement masculin, était debout. Les dames ne pouvaient prendre place que dans les loges des balcons à cause de leurs volumineuses coiffures à postiches surmontées de chapeaux.
***Le Vieux célibataire pièce en cinq actes représentée la première fois le 24 février 1792 au Théâtre de la Nation, par Collin d’Harleville.
**** La Servante maîtresse, comédie en deux actes, mêlée d'ariettes parodiées de La Serva Padrone, intermède de Pergolèse, représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens Ordinaires du Roi le 17 août 1754, par Pierre Baurans (1710-1764), auteur dramatique, librettiste et répétiteur au lycée Louis-Le-Grand. Ce fut un des tout premiers « opéra-bouffon » (aujourd’hui : opéra-bouffe) français, sous influence italienne, avec  Le Jaloux corrigé(ouverture de Michel Blavet.La Reynière considérait que l’art de l’opéra français était mort avec Rameau, passa le temps de cette représentation dans la loge de Fleury. Le rôle de la Servante fut créé par Madame Favart, à qui l’auteur dédia ces vers : 
Nature un jour, épousa l’Art
De leurs Amours naquit Favart
Qui semble tenir de sa mère
Tout ce qu’elle doit à son père.
La Servante Maitressefut un succès salué par Grimm et Diderot, alimentant la Querelle des Bouffons. Il fut joué 140 fois d’août 1754 à mai 1755. Pour un historique de l’œuvre, voir ici
***** François-René Molé(1734-1802) a débuté à la Comédie française en 1754, dont il fut sociétaire à partir de 1761. Arrêté dans la nuit du 2 septembre 1793 pour avoir joué dans Paméla, il fut enfermé aux Madelonnettes. S’il continua à jouer au Théâtre de l’Égalité, il se proclamait Républicain, et alla même jusqu’à publier un Misanthrope revu et corrigé à l’usage des comédiens du Théâtre National. Le Théâtre National, construit par Madame de Montansier au Palais-Royal et inauguré le15 aout 1793, accueillit les membres « Républicains » de la Comédie française. Le citoyen Molé, jadis inimitable dans les jeunes premiers remplit maintenant les rôles à caractère et même ceux de vieillards. Non seulement il y soutient sa gloire, mais encore il semble avoir acqui un nouveau degré de supériorité. Nous citons à l’appui de cette opinion la manière étonnante dont il a créé Le Vieux Célibataire (à l’âge de soixante ans), nous n’avons rien vu au théâtre qui nous ait paru si parfait. (La nouvelle lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa.,1801, page 181). 
******Joseph-Jean-Baptiste Albouy(1747-1809), dit Dazincourt est entré à la Comédie Française et en 1776 devint sociétaire en 1778. Comme Molé, il fut arrêté dans la nuit du 2 septembre 1793 pour avoir joué dans Paméla, il fut enfermé aux Madelonnettes. Ce fut un ami de La Reynière dès le début des années 1780 et il participa au fameux souper du 1erfévrier 1783 (voir le GRIHLpages 81 et ss.). Acteur apprécié, malgré son fort accent marseillais, on disait de lui que c’est un bon comique, plaisanterie mise à part.  Il ne manquait d’ailleurs pas d’humour. Chargé de donner des cours de diction à la reine, il répondit à la question que lui posa Louis XVI : il faut avouer, Majesté, que la Reine lit royalement mal. Son principal défaut ? C’est la manie de rire de ce qu’il a dit et de donner ainsi aux spectateurs le signal des applaudissements (La nouvelle lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa., 1801, page 68).
******* Louise Contat(1760-1810) fut une des actrice majeures du Français. Sa vie est un roman : voir ici. Lors de la scission de la Comédie française, elle suit la faction des aristocrate installée au Faubourg Saint Germain (théâtre de l’Odéon, renommé Théâtre de la Nation puis Théâtre de l’Égalité) Mademoiselle Contat à la figure belle et noble, Le regard vif et plein d’esprit, les manières faciles, le maintien décent et gracieux. Sa diction toujours juste ne permet jamais de soupçonner l'art, elle ne laisse échapper aucunes des intentions de l'auteur, et  ses intonations sont si habilement nuancées, elles  coïncident si parfaitement avec l'idée à exprimer, que son débit à toujours l'air d’être impromptu et qu’on ne peut supposer une autre manière de dire. (La nouvelle lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa., 1801, page 56) Sa sœur, Émilie Contat (1770-1846), elle aussi membre de la Comédie française eut une carrière beaucoup moins prestigieuse, mais fut une amie proche de La Reynière – elle fut une « Sœur » invitée aux séances du Jury dégustateur. 
********* Anne-Françoise-Élisabeth Lange (1772-1825), dite Mademoiselle Lange est une autre actrice majeure du Français, elle aussi de la faction des aristocrates. A force d’amants et finalement d’un mariage avec un fortuné fournisseur aux armées, Michel Simon, elle mit un terme théâtral à sa carrière en 1797. Elle fut aussi une des plus célèbres « Merveilleuse » du DirectoireElle remplissait avec beaucoup de succès les rôles de jeunes amoureuses. Sa figure de vierge, la douceur de son organe, les grâces de son maintien et le ton sentimental de sa diction, tout en elle, jusqu’à son petit air hypocrite, convenait parfaitement à son emploi. (La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801, par Fabien Pillet et aa., page 144). Elle apparaît comme personnage principal de La fille de Mme Angotopéra comique de Charles Lecoq (1872).

Vendredi 12 septembre
Séjour à Paris - halle – raye – écrevisses – raisin – noix – Poires – artichaux - retour au logis – Dej – Lett. Perruq – Dîner avec mad. M. Fleury M. de Verneuil et Mde Bouvet – visite à ma mère avec M. Fleury, qu’elle accueille beaucoup. Je vais rejoindre Mde et Mde Bouvet aux Champs-Elysées, promenade ensemble aux Tuileries et au Palais-Royal – avec Mde M. Petit – M. de Verneuil y vient ainsi que M. Rétif*, reconnaissance avec ce dernier promenade avec tous deux dans le jardin – M. Petit – retour au logis – visite à ma mère avec mad. Souper par cœur id. lect. – Coucher à 12h.
* Voilà une information précieuse donnée par ce Journal. L’amitié entre Edme Restif de la Bretonne fut intense entre 1782 et 1789. Lors de leur rencontre (« connaissance ») en novembre 1782 chez la Vve Duchesne, Restif était royaliste et La Reynière « plébéien » (Républicain). Quand la révolution éclata, ils changèrent tous deux de camps, ce qui provoqua une rupture violente. Les biographes de La Reynière perdent ensuite la trace de Restif dans la vie de La Reynière. Le Journal montre qu’ils se rencontrèrent de nouveau le 12 septembre 1794 dans les jardins du Palais-Royal (« reconnaissance »). Sur Restif et les amitiés entre Restif et La Reynière, le GRIHLpages 73 et ss.

Samedi 13 septembre
Séjour à Paris – M. Bourjot, point de Rats de cave* – M. Le Comte, Lib. Rue des Grands Augustins, sorti – M. Boullanger – Libr. pont au change – Droguiste et épicier, rue des Lombards et rue du Marché aux Poirées , point de pistaches – halle, raisin pour ma mère – M. Antheaume – Epicier rue des Bons Enfants, pistaches, brignoles et jujubes - retour au logis – Dej – Lett. - Perruq – Dîner avec mad. Lett. – ensemble théâtre de la Rep. – où l’on avait annoncé Timoléon**point de places – nous ressortons – M. Petit – Promenade au Palais-Royal – visite à M. Le Cocq, sorti – retour au logis – Lecture - visite à ma mère – Souper avec mad – Lect – Coucher à 12h ½ &c.
Le Rat de Cave est un bougeoir à double fonction : celle d'éclairer la cave, et ensuite, la couleur de la flamme indiquait s'il y avait des dégagements de gaz témoignant que le vin subissait une transformation chimique.On trouve la trace d’un M. Bourjot, marchand de fer, au 13 de la rue de la Grange Batelière. Peut-être fabriquait-il ou vendait-il des Rats de cave.
** Timoléon, tragédie en trois actes et en vers, avec des chœurs représentée pour la première fois le 25 fructidor an 2 sur le Théâtre de la République, par le citoyen Marie Joseph Chénier, député à la Convention. Musique des chœurs du citoyen Méhul. D’après la base César, la pièce de Chénier, musique de Méhul, n’a connu que 4 représentations, dans 4 théâtres différents: le 11 septembre 1794 (Théâtre de la République), le 5 novembre 1794 (Opéra), 10 mai 1795 (Théâtre des variétés), le 3 janvier 1796 (Théâtre Feydeau).

Dimanche 14 septembre
Séjour à Paris – M. Vallat la Chapelle – M. Antheaume – Dupont* – M. Duval – Petits melons rue des Écrivains – Libr. pont au change** – allumettes Pont-Neuf – aiguilles à l’y. rue S. Honoré - retour au logis – Dej – Lett. - Perruq – Dîner avec mad. chez ma mère – visite de M. Neveu – Lecture en chambre – visite à ma mère – Souper par cœur avec mad. – Lecture – visite de M. Gay – avec lui Inspection des lieux et conversation au sallon - Coucher à 12h ½
*  Il s’agit peut-être de François Dupont, orfèvre, dont la boutique était au … 4 rue des orfèvre (Almanach du commerce de Paris pour 1798).
** Il y avait une librairie de Hansy au 61 pont du Change répertoriée à la fin des années 1770. Peut-être existait-elle encore en 1794 (Carbonnier Youri. Les maisons des ponts parisiens à la fin du XVIIIe siècle : étude d'un phénomène architectural et urbain particulier. In: Histoire, économie et société, 1998, 17eannée, n°4. Paris. pp. 711-723 

Lundi 15 septembre
Séjour à Paris – visite à M. Fleury, sorti – Je trouve Mde Sainville sa sœur. Théâtre de la Comédie française – M. Fleury n’y est point – Retour chez sa sœur – Jeu de Paume de Bergeron, rue Mazarine, M. Fleury s’y trouve – retour chez sa sœur – Billets remis – M. Dupont – Antheaume – Je reprends mes couverts , baisse de l’argent à 95 – halle, noix - retour au logis – Dej – Lett. - Perruq – Dîner avec mad. Visite de M. Daigremont avec mde théâtre de la rue de Louvois* – foule – billets rendus – orchestre – rencontre de M. Neveu et à qui on a volé 700 à la porte – on joue au bénéfice de Mde Lachassaigne Les Fausses confidences,Le Bourreau bienfaisant**, acteurs MM. Fleury, Dazincourt, Molé, Préville***, Champville****, Caumont**** etc. actrices Melles Contat, de Vienne, Lange. Jeu admirable des fausses confidences, perfection du talent. 2èmepièce affaiblie par Préville qui a perdu tout son nerf  et n’offre que des souvenirs – Retour au logis – visite à ma mère – Souper avec mad – Lecture – coucher à 12 ½.
*Situé au 6 rue de Louvois, ce théâtre fut construit par Francescal sur des plans de Brongniart. Inauguration le 16 août 1791 sous le nom de « théâtre des Amis de la Patrie ». Devient le Théâtre Louvois en 1798. Fut détruit en 1899.
** Il Burbero di buon cuore (le Bourru bienfaisant),opéra italien en deux actes, musique de Vincenzo Martini, représenté pour la première fois le 22 février 1791 au Théâtre de Monsieur. Cette pièce sera reprise par Goldoni.   
*** Pierre-Louis Dubus (1721 – 1799), nom de scène Préville, il rejoint la Comédie française en 1753. On lit alors dans Le Mercure de France : M. Préville est bien fait, il a une jolie figure, de la jeunesse, une intelligence supérieure, une mémoire admirable, une grande aisance au théâtre, beaucoup de précision dans son jeu, & un jeu qui est entièrement à lui ; il a peut-être plus d’agilité que de vivacité, & plus d’épanouissement dans la physionomie que de fond de gaieté.
**** Etienne Champville(17  - 1802) entré à la Comédie française en 1783, 198èmesociétaire en 1791, neveu de Préville, spécialisé dans les rôle de niais – il est inimitabledans le rôle de Pourceaugnac - il ne parvint jamais à égaler son oncle. Il joue les troisièmes comique ; s’il ne se distingue pas par un excellent ton de comédie et par une grande finesse d’intentions, il a du moins le talent de faire rire. (La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801, par Fabien Pillet et aa., page 41).
***** Thomas Caumont, entré à la Comédie-Française en 1794 ; 208èmesociétaire en 1799 ; retraité en 1809. Spécialisé dans les « rôles à manteau » dont le type est Bartolo dans Le mariage de Figaro, acteur de premier ordre selon l’auteur de La nouvelle lorgnette des spectacles, le site de la Comédie française indique plus sobrement qu’il est unacteur modeste, juste et apprécié du public.

Mardi 16 septembre
Séjour à Paris – M. Trianon, solde – visite à M. Santerre de Magny, sorti – Museum – Promenade au Palais-Royal - retour au logis – Dej – Visite de M. Neveu - Perruq – Dîner avec M. Neveu tête à tête (mad. ayant été passé la journée à Vitry) – avec le même Comédie française, parquet –On joue Le Vieux Célibataire*et Le Legs – Perfection accoutumée de MM. Molé, Fleury, Dazincourt, et de Melle Contat – retour au logis avec M. Neveu – visite à ma mère – Souper avec mad. – Lecture – coucher à 12.¾
 * voir le 11 septembre.

Mercredi 17 septembre
Séjour à Paris – M. Petit – M. Batilliot – M. Dessaq. – Libr. voûte du coq* au Louvre – M. Petit au Palais-Royal - retour au logis – Dej – lettres – Perruq – Dîner avec mad. Visite de M. Daigremont – avant, visite à ma mère – Promenade avec mad. aux Champs Elysées, Tuileries et Palais-Royal – glaces au caffé de foi – M. Petit – retour au logis – Lect. Visite à ma mère – Souper avec mad. – Lect. - coucher à 1h.
* La Librairie voûte du Coq-Honoré, au Louvre, était tenue par le citoyen Chevalier.

Jeudi 18 septembre
retour au logis – Dej – lettres – Perruq – Dîner avec mad. M. Fleury, sorti – M. Dazincourt, id. – M. Boutelou, encore enfermé – Panthéon – Pont de la tournelle – Port au bled* – Libraires – M. Boullanger – M. Bignon** – Épicier rue Montmartre, cassonade - retour au logis – Dej – lettres – Perruq – Dîner avec mad. et M. Gay – Visite de M. Bosse – de M. de Verneuil – visite à ma mère – Lecture en chambre – Visite de M. Daigremont – de M. Neveu – visite à ma mère – Souper avec mad. – Coucher à 12h.
* Le port au Bled, ou Port au Blé, était situé près de la Place de Grève.
** M. Bignon est répertorié comme épicier rue du Fbg Montmartre, n°89 (Almanach du commerce de Paris pour 1798).

Vendredi 19 septembre
Séjour à Paris – M. Batilliot – M. Dessaq. – M. Boullanger – M. Dupont- halle, noix, citrons, lièvre pour ma mère, artichaux – Épicier rue Montmartre, cassonade – M. Petit - retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad. et M. Dazincourt – charmante journée – avec Dazincourt visite à ma mère, qui le reçoit à merveille – lecture en chambre – Domino – visite à ma mère ) Souper seul avec mad. – coucher à 12h.

Samedi 20 septembre 
Séjour à Paris – M. Vassort, procureur rue S. André des arts, lettre remise – M. Dessaq – M. Fleury, lettre remise – M. Batilliot – M. Radamel – M. Bouty*, orfèvre quai de l’horloge, prix de l’argent – M. Dupont – Antheaume, fonte – vente de 12 couv. verm. à 104 le marc – M. Petit – Convention grande affluence – ravaudeuse - retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad.- visite de M. Daigremont – Seul Comédie française parquet – on joue le Tartuffeet Le Babillard** - Bel ensemble du Tartuffe joué par Fleury, S. Phal***, Naudet****, Caumont, Champville, Verneuil*****, Melle Contat, Melle Lange, Melle de Vienne****** – beau talent de Fleury dans le rôle de tartuffe – entre les deux pièces, loge de Fleury, il promet de venir dîner demain chez ma mère – Babillardjoué par Molé – retour au logis – visite à ma mère où mad. est déjà – Souper avec mad. Lecture – Coucher à 12 ½ &c.
* Millerand-Bouty, orfèvre au 47 quai de l’Horloge.
** Le Babillard, comédie en un acte et en vers, représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain, le 16 juin 1725, par Louis
de Boissy (1694-1754). 
*** Étienne Meynier, dit Saint-Falou Saint Phal(1752-1835), entré à la Comédie française en 1782. Comme Molé et Dazincourt (voir 11 septembre) il fut arrêté dans la nuit du 2 septembre 1793 pour avoir joué dans Paméla, il fut enfermé aux Madelonnettes. Cet acteur, quoique fort aimé du public, ne jouit pas encore de la réputation qu’il mérite….Ce qu’il faut surtout admirer en lui, c’est son jeu muet, c’est l’expression pathétique de son silence, c’est la souffrance concentrée qui semble se peindre malgré lui dans les traits de son visage ; c’est enfin la profondeur de sa diction et jusqu’à la nature de son organe qui semble brisé par la douleur. (La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801, par Fabien Pillet et aa., pages 222 et ss.)
**** Jean Baptiste Naudetentré à la Comédie-Française en 1784 ; sociétaire en 1785 ; retraité en 1806. Monarchiste, il echappa à la prison en se réfugiant en Suisse. Son talent est très-inégal…. Nous croyons être en droit de demander à cet acteur un peu plus d’étude et d’esprit d’émulation… S’il ne peut être regardé comme un acteur de premier ordre, il faut du moins convenir qu’il est jusqu’à présent le premier de son emploi.  (La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801, par Fabien Pillet et aa., pages 191 et ss.) Voilà une critique typique du La Reynière du Censeur dramatique (avis tranchés, donneur de leçons)
***** Verneuil, acteur à la Comédie italienne. Nous le croyons mieux placé en province qu’à Paris, où il se trouvait trop près d’une comparaison accablante (La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801, par Fabien Pillet et aa., page 257).
****** Melle DevienneEntrée à la Comédie-Française en 1785 ; 185èmesociétaire en 1799 ; retraitée en 1813. En concurrence avec Melle Joly, jouait à merveille les rôles de soubrettes. Incarcérée le 3 septembre 1793 à Sainte-Pélagie, elle rejoint à sa sortie la faction des Républicains, au théâtre de la Montansier. Nous aimons à le répéter, cette actrice est essentiellement comédienne, et son talent est digne des plus beaux jours de la scène française (La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801, par Fabien Pillet et aa., page 79).

La distribution présentée par La Reynière montre que les deux troupes de la Comédie française se mêlaient parfois.

Dimanche 21 septembre
Séjour à Paris – Lettr. – Dej - perruq – Dîner chez ma mère avec mad. M. Fleury, M. Daigremont, et M. Gay – Arrivée de M. François de Bausset* – Réception froide que lui fait ma mère – en chambre – Visite de M. François, de M. Daigremont, de M. de Verneuil – visite à ma mère – Soupe avec mad. et M. François, il est adjudant dans les Charrois**, ses commissions, détails sur sa détention à Rouen – Visite de M. Gay – Coucher à 2 heures.
* François de Bausset est un membre de la belle-famille de Justine de Jarente d’Orgeval. Justine est la petite sœur de Suzanne et cette tante qu’il aimait tant (voir le GRIHLpages 169 et ss.). Suzanne n’avait guère d’affection pour sa sœur (et pour personne, d’ailleurs) et il est possible que ce manque d’affection se soit étendu à la belle-famille de Justine).
** Officier du génie.

Lundi 22 septembre
Séjour à Paris – M. Trianon solde – Bureau de la musique patriotique – rue S. Joseph – Épicier rue Montmartre, M. Pochet – halle artichaux – M. Bailleul, Md de musique rue S. Honoré, déménage* - Le même, rue d’Orléans S.h. n° 17 – Musique – M. Petit – retour au logis – Dej – Perruq – Eté à Mazarin – Dîner avec mad et M. François – visite à ma mère – lecture en chambre – visite à ma mère avec mad – Souper avec mad et M. François – coucher à 12h &c.
* Peut-être déménage-t-il au 71 de la rue Ste Anne, où l’on trouve trace d’un M. Bailleul imprimeur libraire en 1812.

Mardi 23 septembre
Séjour à Paris – Ravaudeuse – Pont Neuf – Mde Pierre tondeuse de chien rue de la Monnaye n°8 – Je lui remets caressante pour la tondre – visite à M. Fleury, sorti – M. Batilliot – M. Maille – M. Berthellemot* - noix rue de la Barrillerie – Mde Aze au Palais – Tribunal Criminel Révolutionnaire – M. Boullanger fayencière rue Pont-Neuf – Mme Pierre, je reprends Caressante – fayencier rue des 2 écus, fermé - fayencier rue de Grenelle, Lampe de verre à poire – Chandelier rue S. Honoré, mèches – M. Petit – Fromage de Gruyère – Campagne – Promenade dans le jardin avec M. Santerre de Magny -  retour au logis– Perruq – Dej– Dîner avec mad – Visite de M. François, de M. Daigremont , de M. de Verneuil – visite à ma mère – Lecture en chambre – visite de M. Neveu – de M. Daigremont – visite à ma mère – Souper avec mad et M. François – lecture- coucher à 1h ½
* Confiseur célèbre de la rue de la Vieille Boucherie, cité p. 245 du GRIHL . On le retrouve au Palais-Royal (alors Maison Égalité), galerie de pierre n°55 (Almanach du commerce de Paris pour 1798).

Mercredi 24 septembre
Séjour à Paris – Pluie à verse* – M. Batilliot - M. Berthellemot - histoire de sa sœur – M. Dupont, sorti – Libr. voûte du Coq – M. Petit - retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec M. Aze et madame au dessert – Bouderie de cette dernière et pourquoi après la pluie le beau temps – visite à ma mère avec M. Aze ; elle le goûte beaucoup, il l’embrasse – Promenade avec mad et M. Aze au Palais-Royal – glaces au caffé de foi ensemble – avec mas M. Petit – retour au logis – visite à ma mère avec mad. conversation agréable et enjouée – Souper avec mad – et M. François – il nous fait voir son portrait rendu – Coucher à 1 h.
* Voir le 5 septembre

Jeudi 25 septembre
Séjour à Paris – Bains du Pont-Royal – à 25 s. propres et chauds. Lecture pendant le bain – M. Dupont – halle, noix, artichaux, mauviettes (avant M. de Presle, tailleur, rats de cave ) châtaignes, M. Petit - retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec madame, et M. Santerre de Magny ; journée agréable, homme aimable et d’une mémoire littéraire variée – Estampes, dessins appréciés par lui – Visite à ma mère – Souper avec mad. M. Santerre et M. François – Lecture – coucher à 1 heure &c.



Mercredi 26 septembre
Séjour à Paris – Madame Corot*, Mde de modes rue du Bacq, n°124 – M. Gilyet, horloger cour de l’abbaye, sorti – M. Maradan – M. Batilliot – M. Dessaq – M. Berthellemot – M. Dupont vente de couteaux de ver. à 104 – halle, noix, raye - retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad et M. de Verneuil et M. Gay – visite de M. Daigremont, plaisanteries à bout portant, vice versa – Comédie française, Mahomet**et la 1èrereprésentation du Divorce ou le bienfait de la loi, par M. Forgeot, tragédie médiocrement jouée par Naudet. Le rôle de Mahomet bien rendu par S. Prix*** – beaux mouvements, beaucoup d’intelligence, trop de lenteur – vers redemandés, 1erexemple de cris de Bis dans une tragédie – La pièce nouvelle, joliment versifiée, fond léger de la gaîté, stile brillant quoique naturel. Supérieurement joué par Melle Contat, bien par MM. Dazincourt et Fleury, et Melle Lange. Grand succès. – retour au logis – J’y trouve M. Neveu – visite à ma mère – Souper avec mad. indisposée – Coucher à 1 heure.
* marchande de mode au 124 rue du Bac (Almanach du commerce de Paris pour 1798)
** il s’agit peut-être de la pièce de Voltaire, créée en 1736.La pièce fut huée puis interdite. Déjà à cette époque, Voltaire faisait la différence entre l’Islam, dont il admire la civilisation, et le fanatisme.
*** Jean-Amable Foucault, dit Saint-Prix,né à Paris le 9 juin 1758 et mort le 28 octobre 1834, est un militaire et acteur français. Il avait joué dans la 1èrede Paméla, pièce jugée séditieuse (2 septembre 1793)aux côtés de Molé, représentation qui provoqua l’enfermement des sociétaires de la Comédie française (aux Madelonnettes pour les hommes, à Sainte Pélagie pour les femmes.) - (voir le GRIHLpages 249 et ss.).
****Le Bienfait de la loi, ou le double Divorce, comédie en un acte, en vers, représenté pour la première fois le 5 vendémiaire an 3 (26 septembre 1794). au Théâtre de l’Egalité, section Marat, de Forgeot.

Jeudi 27 septembre
Séjour à Paris – Nuit blanche et agitée – Levé à 6h, Papiers et lettres mis en ordre – Vallée, superbe oie à 6 10 – Papetière éveillée  et jolie, pont S. Michel, écu rogné 10s la main  - M. Radamel – détails faits par Mde sur le Bois de son mari vaut 22 12 flotté (ou     ) 3 de voiture, 15s. cordage – 25s par trait de scie – 2 15 pour montage – Petit marchand de fil rue S. Barthélémy – M. Le Tellier, id. M. Breguet – M. Reggest – Boite de M. Neveu - retour au logis –Perruq – Dîner avec mad et M. Gay – visite de M. Daigremont – visite à ma mère – ½ scène avec la femme Durand – Colère concentrée, remontée en chambre – Théâtre de la Rep. 2èmepièce – parquet – on joue la 1èredu Sourd ou l’Auberge pleine*précédée de l’Ecole des Maris, fini à mon arrivée – Le Sourdjoué par Baptiste aîné**, son frère, Desrosiers, Durand, Mme Giverne, Madame Joli ; mauvaise et détestable pièce de Desforges, bas comique, quelques traits plaisants, pas une bonne scène – mieux jouée à Marseille en 1791 (voyez notre journal du .. juillet 1791) Baptiste charge trop, plaisant dans le dialogue quelquefois, mauvais presque toujours dans la pantomine – Pièce et acteurs dignes des Boulevard et qui rappellent le temps où le Théâtre de la Rep. était celui de Janot, il faut convenir qu’il valait mieux alors parce qu’il se bornait à un genre dans lequel il n’avait ni rivaux ni supérieurs : depuis qu’il a chaussé la cothurne il a trouvé l’un et l’autre, il cesse d’être plaisant (dans le genre bas) sans avoir pu devenir bon dans le genre sérieux – retour au logis – visite à ma mère – visite de M. Boullet – détails sur les nouveaux comités révolutionnaires – Souper avec mad – Lect – Coucher à 1h ¼.
Le Sourd ou l’Auberge pleine, comédie en trois actes en prose, par le citoyenPierre-Jean-Baptiste Choudard, dit Desforges, chezMaradan.  Première représentation le 30 09 1790, au Théâtre de Montansier, et remise de nouveau au Théâtre de la République. Les spécialistes de la chose disent que cette pièce fut la pièce la plus jouée de la décennie, avec 463 représentations, signe parmi d'autres de la prédominance du répertoire de divertissement sous la Révolution française (Kennedy et autres, Theatre, Opera and Audiences in Revolutionary Paris dans la Revue d'Histoire littéraire de la France, 1998-05, p. 415)
** Nicolas Anselme, dit Baptiste ainé(1761-1835), eut un carrière moins brillante que son frère, Paul-Eustache (1765-1839) dit Baptiste cadet, qui fut, par exemple, très applaudi dans Le Sourd ; et que sa nièce, Françoise-Joséphine Anselme Baptiste (1790-1857), comédienne et sociétaire de la Comédie-Française sous le nom de Madame Desmousseaux.

Desrosiers : pas de trace à la comédie française

Durand : pas de trace à la Comédie française

Marie-Elisabeth Joly (1761-1798) sociétaire de la Comédie française en 1783. Lors de la scission de la Comédie française, elle rejoint le Théâtre de la République, sous la contrainte comme condition à sa sortie de la prison de S. Pélagie. Un travail intense, cinq accouchements affaiblirent sa santé et lle mourut à 38 ans d’une maladie de poitrine.

Madame Giverne : Elle jouait quelques rôles subalternes de l’emploi des mères et des duègnes. Elle avait de l’aisance et une diction assez naturelle. (Nouvelle lorgnette des Spectacles, Fabien et aa., 1801)

Vendredi 28 septembre
Séjour à Paris – Bains du Pont-Royal, on ne délivre qu’un billet – Visite à M. Santerre à l’imprimerie nationale exécutive – Palais-Royal bouquiniste gauffr M. Petit – retour au logis – Dej – congé à la femme Jean-Louis* – Perruq – visite de M. Dazincourt -, il se dégage du dîner de ma mère, ses raisons, légitimes – visite de Mde Bouvet de Lyon – Dîner chez ma mère avec mad et M. Gay – Excellent dîner – oye bonne, trop cuite – Lecture en chambre – visite de M. Daigremont – n°17 eu 2èmeje range la chambre, petites découvertes – projet de solitude** – lecture en chambre – visite à ma mère avec mad – vers, couplets d’elle fait sans y songer – souper par cœur avec mad – Pieds dans l’eau – coucher à 2 heures.
* Domestique des La Reynière. Compte-tenu de l’état de ses finances, Suzanne réfléchit à la réorganisation de sa maison et se sépare d’une partie de son personnel – cpntre l’avis d’Alexandre, semble-t-il.
** La Reynière eut toute sa vie des envies de vie solitaire. Durant son exil à l’abbaye de Domèvres, il écrivait déjà, à l’âge de 28 ans : Je n’aspire qu’à être oublié, et à finir mes jours dans la retraite. Je ne serais point éloigné de fixer mon domicile en province, de devenir agriculteur, et de m’entourer du bonheur de mes vassaux, pour voir si cela me rendrait heureux moi-même. (Lettre à Restif de la Bretonne, 16 mars 1787). Ce qu’il écrivait là était prémonitoire (voir le GRIHLpages 377 et ss.)

Samedi29 septembre
Séjour à Paris – Chantier de la Magdelaine – Section des Champs-Élysées – Visite à M. Vaudemont – Section, Comité civil ; Bons du bois et du charbon* – Comité des Finances, impositions de la Vendée, payées, passeport en blanc. Retour avec Mazurier* – Dépôt des lois, reconnaissance avec M. Piault de S. Martin – étonnement – place du Louvre fontaine filtrante de 2 voyes 55 – Museum, tableau d’Anvers – reconnaissance avec M. Alir – Hôtel Marigny, anisette de Bordeaux – retour au logis – ravaudeuse – scène avec la femme Jean-Louis – Visite à ma mère – Dîner avec mad. – fripier porte S. Honoré, carton de maroquin – chantier de la Magdelaine – difficulté d’avoir du bois – insolence des garçons, mouleurs, charretiers, vexations, honnêteté de la marchande – retour au logis – Perruq – visite à ma mère – Lecture – Chambre d’en haut – visite de M. Neveu – visite à ma mère avec lui et Mad – Souper idem – coucher en hait à 12h ½

*Mazurier est un domestique des La Reynière à qui Alexandre louera un local dans l’hôtel de la rue de l’Élysée où Mazurier s’établit comme glacier-limonadier. Peut-être pour assurer la solvabilité de son locataire, La Reynière ne manque par de mentionner Mazurier (voir le GRIHLpage 302).
* le bois est rare à Paris. La Reynière doit donc s’en remettre aux allocations publiques. La Reynière a raison de s’inquiéter : on a vu (le 24 et le 28) que septembre avait été pluvieux, et que l’hiver sera particulièrement froid… 


Dimanche 30 septembre
Séjour à Paris – ypecachana* vomitif de Madame La Pierre me garde – fatras d’imprimés mis en ordre – en chambre, habits rangés – avec M. Gay et Mme Durand, hôtel d’Uzès, Agence du Domaine national** longue attente – reconnaissance de M. Fablet – Audience inutile – retour avec les mêmes – Marchand de comestibles rue des Petits Champs – Cervelas de Lyon – Rencontre avec M. Mitoire***, reconnaissance – retour au logis id. – Dîner avec mad. Perruq – chambre d’en haut  avec Thérèse – livres, de M. François – avec mad. promenade aux Tuileries et Palais-Royal – Mme Petit – Seul M. Costel – marrons – Melle Gouillard – j’y retrouve mad. – retour ensemble au logis – visite à ma mère id. – Souper avec id. – Lect. – coucher en haut à 1h.

Ipeca ou Ipécacuanaou encore en portugais :ipecacuanha. La racine de l'ipécacuana contient de l'émétine en grande quantité, cet alcaloïde possède des propriétés émétisantes, c’est à dire vomitives. Dans ses Almanachs des Gourmands, La Reynière consacrera de nombreuses pages aux émétiques. Il en appréciait les vertus et en faisait apparemment grande consommation (voir le GRIHLpage 347). Ainsi était-il persuadé que son très cher ami et Président du Jury dégustateur, le Docteur Gastaldy, ne serait pas mort d’une attaque d’apoplexie si son médecin lui avait administré un émétique (voir Le dictionnaire gourmand de M. La Reynière,pages 101 et ss.
**  Cette administration, ancêtre du Service des Domaines, gérait en particulier les biens des émigréset procédait aux adjudications.
*** Epoux d’Angélique de Bessi, cousine d’Alexandre dont il fut éperdument amoureux (voir le GRIHLpages 57 et ss.)


Voilà pour le mois de septembre. 


D'ici octobre, si vous ne l'avez toujours pas fait, vous pourrez lire Grimod de La Reynière, Itinéraires d’un homme libre, en vente ici, en version papier et en version numérique pour une somme dérisoire. Il est vrai, j'insiste, mais c'est pour votre bien.


ou bien son délicieux Dictionnaire gourmand, en vente 

Le Dictionnaire Gourmand de M. de La ReynièreE
Et si vous avez envie de découvrir un personnage nouveau, lâchez tout et lisez La femme sans prénom, c’est ici! Distractif et instructif !















Bonnes lectures!




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