lundi 25 décembre 2017

Le non billet de Noël
En ce jour de Noël, Alexandre de La Reynière est trop occupé pour écrire, et ses lecteurs pour le lire :  il n’y aura pas de billet.






Bon déjeuner de Noël !

mercredi 20 décembre 2017

Le Réveillon de Noël : comment ca se passait en 1803 ?
Eh bien, le Réveillon de Noël,  en 1803, ça se passait bien, très bien même si vous étiez amateurs de messe et de cochon. Et pas gros dormeur.

Après la messe de Noël dont nous avons parlé ici, le Réveillon vient récompenser le patient fidèle que vous êtes. Pas de montagnes de cadeaux, non, mais un bon Réveillon, après la messe de minuit, et en attendant la Messe de l’Aurore.

Une poularde au riz, à laquelle il est permis cependant d'être un chapon, est le milieu obligé de ce repas nocturne, et elle y tient lieu du potage, qui n'y paraît jamais. Quatre hors-d'œuvres, composés de saucisses brûlantes, d'andouilles grassouillettes, de boudins blancs à la crème, et de boudins noirs bien dégraissés, lui servent d'acolytes. Le tout est relevé par une langue à l'écarlate, ou plutôt fourrée, comme chacun doit l'être à la fin de Décembre, qu'accompagnent symétriquement une douzaine de pieds de cochon farcis aux truffes et aux pistaches, et un plat de côtelettes de porc frais. Aux quatre coins de la table sont deux pièces de petit four, comme tourte et tartelettes, et deux entremets sucrés, tels que crème à la vanille et flanc de pommes à l'anglaise. Neuf plats de dessert, au plus, terminent le Réveillon, et les fidèles ainsi restaurés se retirent pour aller chanter dévotement la Messe de l'aurore, précédée de Prime, et suivie de Tierce.

Après la Messe de l’Aurore, il est admis de faire uN petit somme. Il est alors six heures du Matin, environ. Vite, un léger déjeuner, et c’est la Messe du jour.

On revient ensuite chez soi faire un petit somme, afin d'assister, soit à jeûn, soit après un léger déjeuner, à la Messe du jour, accompagnée d'un sermon et suivie de Sexte. C'est ainsi que les dévots-Gourmands emploient maintenant à Paris la matinée du jour de Noël.

Bien sûr, la simple évocation du cochon nous vaut une bonne page d’Alexandre.

On voit que le cochon joue un très grand rôle dans les Réveillons, puisqu'il fait presque à lui seul les honneurs des deux services. Cela n'a point été imaginé sans motifs, et il est à présumer que les premiers Chrétiens, pour mieux se distinguer des Juifs, auxquels l'usage du porc était interdit par leur ancienne Loi, ont pensé qu'ils devaient introduire sur leur table ce bienfaisant animal, qui n'a rien d'immonde pour nous, et qui est devenu le principe de tant de jouissances nutritives, qu'il est sans exemple qu'un Gourmand ait abandonné la loi de J. C. pour celle de Moyse, de même qu'un ivrogne ne s'est jamais fait Turc. On voit que, dans plus d'une occasion, la gourmandise vient au secours de la Foi, et que, même en morale, elle est bonne à quelque chose.

Comment ne pas le citer encore, au risque de vouloir fêter Pâques en décembre :

Si la loi de Moïse n’avait pas élevé entre les Juifs et les Porcs un mur d’airain, nul doute que les premiers n’eussent mieux aimé faire la Pâques avec un jambon de Bayonne plutôt qu’avec un Agneau de Bethléem.

Allez, mesdames et messieurs (et les mesdemoiselles aussi), il ne reste que quatre jours pour vous préparer !



Sources : Almanach 1ère année et Journal des Gourmands et des Belles, 1er trimestre 1807.



vendredi 15 décembre 2017

Bientôt Noël et son réveillon

Dans neuf jours, ce sera Noël, pour les Gourmands, la sortie d'un long jeûne pour cause d'affaires publiques ou familiales. Alors que la littérature abonde en récits de Noël avec Papa Noël, la cheminée entourée de godasses plus au moins dépareillées, et les enfants qui attendent, excités comme des puces, dans un salon qui va bientôt ressembler au rayon Enfants du Printemps, La Reynière nous élève, une fois de plus, avec un aparté désormais historique, son sujet de prédilection : les méfaits de la Révolution française en ce domaine comme dans d'autres.

Nous laissons aux érudits le soin de déterminer l'époque précise à laquelle l'usage des Réveillons s'est introduit parmi les Chrétiens ; et, nous renfermant dans notre objet, nous nous bornerons à observer que ce repas a cela de particulier et même d'unique, que ce n'est ni un déjeuner, ni un dîner, ni un goûter, ni un souper, ni une halte : c'est un RÉVEILLON, ce mot dit tout; aussi ne le fait-on qu'une fois par an, dans la nuit de Noël, c'est-à- dire, le 25 décembre entre 2 et 3 heures du matin.

Tant que les Jacobins et le Directoire, qui leur a succédé sans les faire oublier, ont régné en France, la Messe de minuit y était interdite ; le Réveillon s'y trouvait par conséquent proscrit, au grand regret des rôtisseurs et des charcutiers, qui n'ont pas été des derniers à se réjouir de la Révolution du 18 brumaire de l'an 8, qui, en permettant à la Religion de renaître, a, par une conséquence nécessaire, ressuscité tout d'un temps le règne des Mœurs, du bon ordre et celui des Réveillons.

Et Alexandre continue sur un des bienfaits de la religion catholique : la longueur des cérémonies religieuses de la nuit de Noël favorise, paradoxalement, le 7ème péché capital, celui de la gourmandise.  

Ce repas, qui mériterait plutôt le nom de restaurant que celui de Réveillon (car il y a longtemps qu'on est levé, et l'on n'a pas ordinairement envie de dormir lorsqu'on le commence ), a été imaginé pour réparer les forces des fidèles, épuisées par une séance de quatre heures à l'Église, et rafraîchir leurs gosiers fatigués à force d'avoir chanté les louanges du Seigneur. Car la grand'Messe de minuit est précédée des trois nocturnes de Matines, du Te Deum, et suivie des Laudes, ce qui compose une suite de treize psaumes et de trois cantiques, sans compter les antiennes, les hymnes, les versets et les répons, le tout chanté à plein chœur, et à l'issue desquels on ne peut s'empêcher de bénir l'instituteur des Réveillons ; car rien ne procure autant d'appétit, qu'un long exercice des poumons, sanctifié par la prière.

Le prochain billet sera consacré au déroulement du Réveillon de Noël. A ne pas manquer!


Source : Almanach, 1ère année

dimanche 10 décembre 2017

Dîners d'Amis et Dîners par cœur
La période du mois de décembre qui précède Noël étant toute occupée par les affaires (cf. ici), c’est aussi celle où le gourmand est confronté, plus que pendant tout le reste de l’année, à deux types de situations embarrassantes : les dîners d’amis et les dîners par cœur.  

Un Dîner d’Amis est un repas auquel on vous invite soit parce qu’on ne peut pas faire autrement, soit par vanité, soit pour tout autre motif, et pour lequel on ne fait aucun frais pour vous bien recevoir.

Les amphitryons parisiens d’aujourd’hui ont trouvé une autre méthode, sauvés par le téléphone, les mails et les Satanés Messages Succincts (sms), par lesquels ils vous disent que oui, il faut absolument diner ensemble, je te rappelle [vite][très vite][très très vite] et tu viens à la maison. Il peut y avoir plusieurs échanges de ce type, qui font s’écouler les mois sans le moindre dîner, et vous voilà transformé en solliciteur fatigué, voire marri, de ce procédé. Si vous insistez, ou pire encore proposez une date précise, vous passerez pour un parasite. Votre peine sera alors prolongée soit d’un silence définitif en guise de réponse, et d’un dîner par cœur (voir plus bas), soit d’une autre date [un peu] [assez][très][très très][très très très] éloignée, selon le degré d’insupportation que vous engendrez chez votre interlocuteur. Et quand viendra le jour dit, la déconvenue risque d’être grande. Car ce que raconte La Reynière du déroulement d’un diner d’amis n’a que très peu changé.

Un Dîner d’Amis se compose ordinairement de la soupe, du bouilli, quelquefois même d’un mironton au lieu d’un bouilli neuf, d’un ragoût de veau ou de mouton fait avec le rôti de la veille, d’un poulet étique à la broche et d’une salade. Il est rare qu’on y voie des entremets, si ce n’est une triste omelette ou des œufs au beurre noir, plus tristes encore. Quant au dessert, il ne consiste guère qu’en un morceau de fromage à demi-rongé…Rarement du café, jamais d’autre liqueur que l’eau de vie du coin. Le vin, loin de réparer le reste, est ou du vin de cabaret, ou de celui qu’on a gardé de sa récolte, qui n’est jamais le meilleur. La conversation est à l’avenant du Dîner, qu’on a soin de presser, afin d’en sauver le plus qu’il sera possible pour le lendemain. Et comme ce n’est jamais que malgré soi qu’on donne un tel dîner, l’on ne s’y montre presque jamais aimable.

Après les diners d’ami, il y a les Dîners par Cœur. Ces dîners, que l’on sent, mais auxquels on n’a pas accès, étaient une spécialité campagnarde. Il y en avait peu à Paris, au temps (l’Ancien régime) où le peuple de Paris était aimable et insouciant. Mais la Révolution a changé tout cela, et les dîners par cœur se sont invités dans la capitale.

Il y a peu de villes où l’on soit moins hospitalier qu’à Paris, surtout le matin. Vous faites vingt visites, sans qu’on vous offre à déjeuner, ou si on le fait, c’est de manière à vous ôter l’envie d’accepter. Le plus sûr est de ne point sortir de chez soi à jeun, sous peine d’y rentrer tel, à moins qu’on ne se soit arrêté dans un café. Cette inhospitalité tient peut-être moins encore à l’avarice qu’à la distribution du temps. À Paris, toutes les affaires se font le matin depuis dix heures jusqu’à quatre. C’est donc la partie la plus importante de la journée, toutes les minutes en sont précieuses.


Heureusement, il reste les cafés et les restaurants !

Source : Almanach, 5ème édition, 1807.


lundi 4 décembre 2017

vendredi 1 décembre 2017