mardi 29 août 2017

samedi 26 août 2017

lundi 21 août 2017

Un diner en 1806, comment ca se passe ? (Acte III, Troisième service)

Après tout ce que les Gourmands ont englouti dans les Actes précédents, un appétit aussi abyssal que celui de La Reynière pourrait déclarer forfait. Ne dit-il pas lui-même que :
Les vrais Gourmands ont toujours achevé leur dîner avant le dessert. Ce qu’ils mangent par-delà le rôti n’est que de simple politesse ; mais ils sont en général très polis.

Pourtant, dans un diner digne de ce nom, et des Gourmands aussi polis, ce ne sont pas les desserts qui manquent :
Troisième Service
DESSERTS
Ligne du milieu
Glacière d’Appert – Oranges indigènes – Raisin de Fontainebleau
Lignes latérales
Petit four mêlé – Fanchonnette – Fromage de Gruyère - Brignoles Fortia - Compote de prunes d’Antes – Triumvirat de confitures – Figues gendresses – Biscuit des ivrognes – Compotes des hespérides – Gâteaux à la Minette – Meringues garnies -  Augustines – Fromage de Brie – Panses de Roquevaire – Compote macédoine – Fruits mêlés à l’eau-de-vie – Figues fines d’Olioules –  Fromages de Marolles – Compote de grâces – Anonymes

Vin de Champagne – Vin de Malaga – Vin de pêche d’Alsace
Café joli de Martinique – Café indigène, seulement pour la montre,
Édulcorés avec du vrai sucre d’Amérique
FROMAGE GLACÉ du Café de Foy

Dix-sept sortes de LIQUEURS FINES, tant exotiques qu’indigènes, non compris le kirchwasser de la forêt noire
Crème d’Hémérocalis

PUNCH EXOTIQUE – THÉ AIGUISÉ

*

Ces multiples desserts, tous aussi merveilleux les uns que les autres, peuvent offrir aux Gourmands repus un extraordinaire plaisir pour les yeux :

Qu'offrir à l'appétit après trois services aussi variés ? Le dessert est au dîner ce que la girande est au feu d'artifice ; c'en est la partie brillante, celle qui demande la réunion d'une foule de talents agréables. Un bon officier doit être tout-à-la-fois glacier, confiseur, décorateur, peintre, architecte, sculpteur et fleuriste. C'est dans les repas d'apparat surtout qu'on voit ces talents se développer de la manière la plus étonnante. On a vu des fêtes où la dépense, pour le dessert seul, s'élevait à plus de dix mille écus. Mais comme ce service parle plus aux yeux qu'aux autres sens, le véritable et fidèle Gourmand se contente de l'admirer. Un morceau de fromage altérant ou apéritif est d'un plus haut prix pour lui que toutes ces pompeuses et brillantes décorations.

Mais le feu d’artifice n’est pas terminé ! Hors de question de s’arrêter aux fromages. D'ailleurs  :
Le fromage est le biscuit des ivrognes.

C’est n’est donc qu’une pause bien arrosée en attendant les glaces et les gâteaux. Puis le café :
Les glaces font partie du dessert ; mais c'est encore un art à part, et les habiles glaciers sont presque aussi rares que les bons rôtisseurs. Une savante et parfaite distillation du café, suppose encore un mérite éminent ; mais qui sait lui conserver habilement tout son arôme, et ne lui rien faire perdre de son huile essentielle ? M. de Belloy, auquel on doit l'art de préparer le café sans ébullition. 

Cette boisson est en général mal préparée, même dans les maisons les plus opulentes, et fait souvent que l'on soupire après l'arrivée des liqueurs de M. Le Moine, de M. Noël la Serre, ou de M. Folloppe, qui nous empêchent de regretter celles des Isles, et dont la plupart semblent, par une combinaison admirable, laisser dans la bouche un véritable échantillon de tous les parfums de l'Arabie.

Pour conclure : toujours prodigue en précieux conseils, La Reynière a bien conscience qu’un tel diner dans un restaurant (et non dans ces tables d’Hôte - ici et - que la Révolution a fait disparaître, hélas) ça doit coûter un bras. Heureusement, nous dit-il, il y a dans Paris quelques restaurants, mais très peu, où l’on peut faire bonne chère sans y laisser trop de plumes :

Ce n'est ici qu'un court aperçu d'un plaisir qu'on peut renouveler trente fois par mois. Autrefois, Paris possédait un grand nombre de tables d'hôtes, où, avec une grande activité, et quarante sous tournois, on parvenait à dîner assez bien. Aujourd'hui, les avantages de la bonne chère sont disséminés, à très-haut prix, chez beaucoup de restaurateurs. Nous avons pris soin d'indiquer dans notre Itinéraire nutritif les meilleurs et les plus célèbres. Nous n'y reviendrons donc point ici ; mais, à en juger par les réunions nombreuses qui se forment tous les jours dans les vastes salons de M. Grignon [4 rue Neuve des Petits Champs], de M. le Gacque [7 rue de Rivoli], et au Rocher de Cancale [59 rue Montorgueil], il faut croire que ce sont en ce moment les trois endroits de Paris où il se contracte le plus d'indigestions, et où il est le plus doux d'en prendre.

Qu’on se le dise !

Bonne indigestion !


Source : Almanach des Gourmands 

jeudi 17 août 2017

lundi 14 août 2017

mercredi 9 août 2017

L’ortolan en coquille d’œuf ou monsieur Hulot protecteur des Rois des petits pieds
Un héros, Monsieur Hulot, celui de Macron, pas celui de Jacques Tati*, pas encore parti en vacances, mais n°2 du gouvernement Philippe 2, tout de même, c’est dire toute son importance, vous pensez, sauver la planète, mettre en place un bonus vélo, rédiger toute une série de conseils pour les loisirs nautiques en eau douce, informer les citoyens pour ce qui est de l’utilisation de drones et de modèles réduits et autres drôleries à la Une du site du Ministère de la Transition écologique et solidaire !

Oui, un héros, un ministre d'Etat comme on voudrait qu’il y en ait plus ; qui en a marre de toutes ces lois que l’on pond sans les faire appliquer, et qui dit : Là, stop, c’est trop grave, la planète est en danger, les écosystèmes se font la malle, bientôt on ne pourra plus pédaler sans attraper d’horribles maladies ni s’amuser avec son petit drone sans déclencher des cataclysmes !

Alors voilà, M. Hulot, en ce mardi 8 août 2017 a dit : il y a un très célèbre et important  arrêté du 29 octobre 2009 pris en application de la directive du Conseil 79/409 CEE du 2 avril 1979 et du règlement (CE) n° 338 / 97 du Conseil du 9 décembre 1996. Il est bourré d’interdits qui ne sont pas respectés. Il sera désormais interdit de se foutre des interdits. Enfin, pas tous, mais un  :  le braconnage des ortolans.

Les mauvaises langues diront qu’il doit s’ennuyer grave, Hulot, à ne rien vouloir faire d’autre que d’emmerder les braconniers des Landes, habitat de passage des Ortolans, un mois avant la Saison du braconnage. C’est une critique féroce et à courte vue : s’attaquer au braconnage à l’ortolan, c’est s’attaquer à tout un pan du patrimoine culturel français, soutenu par des personnalités politiques et médiatiques de premier plan et plutôt à l'aise questions finances (d'autant qu'elles sont publiques) , tel François Mitterrand, qui était fou d’ortolans (normal, il était des Landes), Juppé, (qui mange des ortolans une serviette sur la tête, ce qui lui donne un air vraiment bizarre) Maïté, (du coin, elle aussi, qui adore sucer le derrière de ces minuscules volatiles, une serviette non pas sur la tête, mais devant, ce qui est moins ridicule, bref, « C’est pas comparable à rien »), Jack Lang (qui s’ébahit devant ce suc qui s’extrait des os, de la chair, hummm c’est délicieûûx). Le français moyen s'en fout, car le prix du kilo d'ortolan dépasse et de loin le Smic mensuel.

Ce n’est donc pas rien. Et tout ça pourquoi ? Eh bien parce que l’homme, s’il sait aller sur la Lune et bientôt sur Mars, ne sait toujours pas élever les ortolans, et qu’à cause des braconniers landais ; et parce que l'ortolan, bon mais bête, n'a toujours pas compris que dans sa migration annuelle, il pouvait éviter les Landes meurtrières et braconnières. Du coup, l’ortolan est en train, en ce moment même, de pousser ses derniers cris.

Dommage, aurait dit La Reynière, car de son temps, l’ortolan, déjà fort cher, était considéré comme un des Rois de la cuisine :
L'ortolan est comme la caille un oiseau de passage, et ce n'est guère que dans nos contrées méridionales qu'on en trouve toute l'année. C'est un mets singulièrement délicat, et très-recherché, et la chair de cet oiseau passe à bon droit pour exquise. Il est trop précieux à Paris pour le servir sur nos tables autrement qu'à la broche ; et c'est un rôti fort distingué, et d'autant plus dispendieux qu'il faut avoir autant d'Ortolans que de convives , car l'Ortolan est trop petit et trop délicat pour pouvoir être découpé : il ne forme donc en quelque sorte qu'une bouchée. Heureux le palais qui la recueille !

Et comment ça se dégustait, l’ortolan, au 18ème siècle ? Des plus originales des façons, dont celle-ci, l’ortolan en coquille d'œuf de poule :

Le meilleur apprêt qu'on puisse leur faire est de les enfoncer dans des coquilles d'œufs de poule où l'on ajoute un peu de sel blanc, et dont on lute le petit couvercle avec de la pâte, afin de les faire cuire dans l'eau sans autre préparation. Comme il y a des personnes à qui cette exhumation d'un ortolan pourrait donner la fausse idée d'un poussin mort-né dans un œuf couvé, on a renoncé presque partout à cette ancienne manière de servir ces petits oiseaux ; et le plus sûr est toujours de les accommoder comme les bec-figues et les rouges-gorges, c'est-à-dire enfilés dans des attelets et cuits à la broche en douze ou quinze minutes.

Ah vraiment ! Ce n’est pas pour rien qu’on appelait l’ortolan le « Roi des petits pieds, » c’est à dire celui des petits oiseaux tels que la grive, la caille, le bec-figue, le rouge-gorge, et autres à la chair si délicate.

Hulot, protecteur du Roi des petits pieds ! Oui, celui de Macron, pas celui de Tati. Que va-t-il sortir de son esprit fertile, pendant ses vacances à Saint-Lunaire, loin des Landes et des braconniers en furie?

* quoique... puisque le M. Hulot de Tati est inspiré du grand père de M. Hulot de Macron. C'est en tout cas ce que prétend ce dernier, voir ici.

Sources : Manuel des Amphitryons, page 106 ; Néophysiologie du Goût etc….

samedi 5 août 2017