Le mois d’aout :
le mois des métamorphoses et des recettes interdites
Faisons une petite interruption dans notre feuilleton passionnant sur les dîners (ici, et là), et respectons la tradition établie de commencer chaque mois en regardant ce que La Reynière en disait. Avec un peu de retard, pour cause de vacance, de batterie à plat ou de wifi défaillant. Et c’est le
propre du bloggeur vacancier amolli par la chaleur que de se lever tard, de passer une partie du jour à sa toilette, de
se voir au miroir, de se parfumer, de se mettre des mouches, de recevoir des
billets et d’y faire réponse. Tout cela explique sans les excuser, les
injures faites à la Ponctualité et au Culte de l’Instant Précis, si cher à La
Reynière. Qu’il nous soit pardonné.
Les mois se suivent et se ressemblent, ou presque. Comme
Juillet, Août n’est guère favorable aux orgies, mais le temps n’est pas perdu.
La Nature prépare sa rentrée, au mois de Septembre. Alors, patientons, car tout vient
à point à qui sait attendre, apophtegme universel qui vaut particulièrement
pour la table.
Le mois d’Auguste n’est guère plus favorable à la
bonne-chère que celui de Jules César : aussi la plupart des gens riches
vont-ils alors dans leurs terres ; les tables de Paris se renversent, et
les Parasites font diète. Cependant les lapereaux commencent à devenir lapins,
les perdreaux perdrix, et les levrauts se changent en lièvres ; mais ne
les arrêtons point dans leur croissance. Les jouissances prématurées sont
toujours, et cela dans tous les genres, des jouissances imparfaites.
Et pour ceux et celles qui n’auraient pas compris, la même
chose en plus clair :
Nous le répétons, c’est un véritable infanticide que
d’égorger ainsi, dès son plus jeune âge, une génération qui ne croît et ne
s’engraisse que pour notre plus grande satisfaction. Ce que nous venons de dire
des lapereaux, des levrauts et des perdreaux, doit s’entendre également des
tourtereaux, ramereaux, etc., et tous se mangent rôtis aussi. Mais n’en voilà
que trop sur ce triste sujet ; il nous tarde de changer de matière.
Malgré le succès régulier des recettes grimaldiennes
véritables ou putatives, nous céderons au plaisir de vous livrer les secrets
des Boudins
de lapereau, par exemple, qui élève le lapereau au sommet de l’art
Gourmand et se prépare si simplement, à
condition que vous renonciez à l’utiliser : - hachez et énervez les chairs
d'un lapereau rôti ; ajoutez-y son foie ; concassez les os, et
faites-les bouillir dans du consommé ; faites, avec ce consommé, une
panade, et pilez ensemble les chairs et la panade en y ajoutant un peu de
beurre, des ognons cuits dans du consommé, des jaunes d'œufs, de la panne hachée,
de la crème réduite, sel, poivre, muscade, et opérez du reste comme pour le
boudin blanc.
Même punition pour le même motif avec la recette des Filets
de levrauts à ta provençale : levez
les filets d'un ou deux levrauts ; parez-les, ôtez-en les nerfs ;
piquez les de filets d'anchois dessalés et de lard ;versez de l'huile dans
une casserole ; mettez-y une demi-gousse d'ail, un peu d'échalotes
hachées, un peu de sel et de gros poivre ; posez-vos filets dans cette
casserole et passez-les sur le feu : lorsqu'ils seront cuits, égouttez-les
chaudement; mettez dans votre casserole deux cuillerées de coulis , autant de
consommé, la moitié d'une cuillerée à bouche de vinaigre à
l'estragon ;faites réduire votre sauce, dégraissez-la, passez-la à
l'étamine ; remettez-la au feu, dégraissez-la de nouveau : goûtez si elle
est d'un bon goût; versez-la dans le fond du plat, et garnissez-la avec des
olives farcies ou des picholines.
Quant à la recette des perdreaux à la de Cussy, cet ami
intime de La Reynière, elle est tellement populaire – pauvres perdreaux !
- que vous laisse le plaisir de la trouver. Les gagnants recevront une petite
récompense ! Et laissons-les tourtereaux à leurs gazouillis et les ramereaux à leurs rameries.
Bonne journée, et préservez lapereaux, levrauts, perdreaux, tourtereaux et ramereaux !
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