Un diner en 1806, comment ça se passe ? (Acte 1 : Premier service)
Après le
prologue, l’acte 1, c’est à dire le Premier
Service. Voici le Premier Service que j’ai imaginé dans Scandales et Voluptés, mélange heureux
de biographie romancée et de roman historique, et qui, en raison de cette
double appartenance a du mal à trouver un d’Editeur ("Ca dépend, ça dépasse" dans la case "Genre"), au point que
j’en prépare actuellement une auto-édition très soignée.
Premier
Service
Un potage au riz d’Amérique, bien corsé
Huit hors-d’œuvres d’office
Variante ascétique de Bordin
Huitres marinée de Granville
Anchois de Maille
Raves et radis d’avril
Pot-Pourri de fruits au vin de Maille
Thon de la Madrague à l’huile d’Aix
Beurre de l’Enfant-Jésus
Une culotte de BŒUF NORMAND, avec son cordon
végétal
Relevés
Un JAMBON DE BAYONNE, à la broche, sur une réduction
de vin de Malaga
Quatre
entrées
Côtelettes de mouton à la Soubise
Deux poulardes à la financière
Un vol-au-vent à la Neptune
Une anguille de Melun à la Grimod
Voilà ce qu’en
dit la Reynière, une fois la fin du Prologue prononcé :
Cependant l'Amphitryon, qui doit moins
s'occuper de raisonner ses morceaux que du soin de garnir les assiettes, divise
avec art la culotte tremblante d'un bœuf gras, et seulement entourée d'un
cordon végétal qui n'est interrompu que par des pilastres de lard. Une sauce
aux tomates ou la moutarde apéritive de Maille, de Bordin, ou même de Le Maoût
, sert de stimulant à ce premier plat, le fondement solide de tout Dîner, et le
seul mets dont personne ne se lasse, quoiqu'il se reproduise une fois chaque
jour.
Pendant ce temps, les hors-d'œuvre stimulants disparaissent, et les
entrées qui se mangent après le bouilli donnent le temps de découper les
relevés qui ont remplacé les potages. En Allemagne, en Suisse, et dans presque
tout le Nord, cette dissection est confiée à un officier ad hoc qui s'en acquitte avec une
dextérité peu commune : usage précieux, qui épargne au maître de la maison et
aux convives un temps qui peut être beaucoup mieux employé. Cet usage tourne
aussi à la gloire des grosses pièces qui, découpées selon les règles de l'art,
paraissent dans toute leur splendeur. Il coupe court aux cérémonies inutiles,
et va au-devant de la timidité, puisque des assiettes chargées circulent à la
ronde, et que chacun se sert soi-même selon son goût et son appétit. Faisons
des vœux pour que cette heureuse méthode soit adoptée en France, surtout dans
les grands repas. Il ne manquera plus rien alors à notre
Nation, pour mériter une prééminence complète dans le grand art de la cuisine
et de la table.
Ce
qu’explique La Reynière, c’est qu’un même mets (une culotte de bœuf, par exemple) peut apparaître dans
plusieurs Services, mais pas sous la même taille, ou sur des plats de formes différentes (ovales ou rectangulaires) et pas avec le même accompagnement (avec
toute sa parure végétale, avec un (léger) cordon végétal, ou sans
accompagnement). Ce qui rend la compréhension des Services quelque peu
compliquée…
Dans
l’ordre, c’est le potage qui apparaît en premier.
Le potage est au dîner ce qu’est le portique ou le péristyle à
un édifice ; c’est à dire que non seulement il en est la première pièce,
mais qu’il doit être combiné de manière à donner une idée juste du festin, à
peu près comme l’ouverture d’un Opéra-comique doit annoncer le sujet de
l’ouvrage.
Après
le potage, c’est le "Coup d’après" qui…
…consiste dans un demi-verre de vin pur qu’on boit immédiatement
après la soupe… Il passe à Paris pour tellement salutaire qu’on y dit
proverbialement que le Coup d’après met un écu de moins dans la bourse du
médecin. Ce qu’il y a de sûr, au moins, c’est que personne n’en paraît
incommodé. Les dames seules se refusent en général au Coup d’après, elles
préfèrent celui du milieu.
Il n'est cependant pas d'obligation, mais c'est le seul moment du repas où il soit permis de boire, sans eau, du vin ordinaire, à moins cependant que l'on soit un provincial, ou que l'on ne serve point de vins fins ; ce qui n'est guère à présumer dans un grand dîner.
Il n'est cependant pas d'obligation, mais c'est le seul moment du repas où il soit permis de boire, sans eau, du vin ordinaire, à moins cependant que l'on soit un provincial, ou que l'on ne serve point de vins fins ; ce qui n'est guère à présumer dans un grand dîner.
Viennent
ensuite les hors d’œuvre :
En général, les vrais Gourmands font assez peu de cas des Hors
d'œuvres, qu'ils regardent comme un remplissage inutile, plus digne de figurer
dans un déjeuner solide, ou dans une collation, qu'à un repas aussi régulier et
aussi sévère que doit l'être tout grand dîner. Mais les femmes ont beaucoup de
goût pour ces bagatelles.
Et
les entrées :
On peut regarder les Entrées comme la partie la plus solide d'un
dîner; et si le potage est la principale porte de l'édifice, les Entrées en
forment le premier étage et les appartements les plus importants. On les divise
en Entrées ordinaires, grosses Entrées ou Entrées de broche. Ces dernières
portent quelquefois le nom de relevés, parce qu'on relève avec les potages qui
sont aux deux bouts de la table.
Et voilà, c'est la fin de l'Acte 1, celui du Premier Service.
Un bon Amphitryon marque la pause, anime la discussion, agrémente l’assistance de
lectures, d’intermèdes musicaux et de quelques performances techniques, une
démonstration de la lanterne magique, par exemple.
L'acte II, au prochain billet!
L'acte II, au prochain billet!
Sources : Almanach, 2ème et 4ème années; Manuel des Amphitryons.
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