samedi 29 juillet 2017


Un diner en 1806, comment ça se passe ? (Acte 1 : Premier service)
Après le prologue, l’acte 1, c’est à dire le Premier Service. Voici le Premier Service que j’ai imaginé dans Scandales et Voluptés, mélange heureux de biographie romancée et de roman historique, et qui, en raison de cette double appartenance a du mal à trouver un d’Editeur ("Ca dépend, ça dépasse" dans la case "Genre"), au point que j’en prépare actuellement une auto-édition très soignée.

Premier Service
Un potage au riz d’Amérique, bien corsé
Huit hors-d’œuvres d’office
Variante ascétique de Bordin
Huitres marinée de Granville
Anchois de Maille
Raves et radis d’avril
Pot-Pourri de fruits au vin de Maille
Thon de la Madrague à l’huile d’Aix
Beurre de l’Enfant-Jésus
Une culotte de BŒUF NORMAND, avec son cordon végétal
Relevés
Un JAMBON DE BAYONNE, à la broche, sur une réduction de vin de Malaga
Quatre entrées
Côtelettes de mouton à la Soubise
Deux poulardes à la financière
Un vol-au-vent à la Neptune
Une anguille de Melun à la Grimod


Voilà ce qu’en dit la Reynière, une fois la fin du Prologue prononcé :
Cependant l'Amphitryon, qui doit moins s'occuper de raisonner ses morceaux que du soin de garnir les assiettes, divise avec art la culotte tremblante d'un bœuf gras, et seulement entourée d'un cordon végétal qui n'est interrompu que par des pilastres de lard. Une sauce aux tomates ou la moutarde apéritive de Maille, de Bordin, ou même de Le Maoût , sert de stimulant à ce premier plat, le fondement solide de tout Dîner, et le seul mets dont personne ne se lasse, quoiqu'il se reproduise une fois chaque jour.
Pendant ce temps, les hors-d'œuvre stimulants disparaissent, et les entrées qui se mangent après le bouilli donnent le temps de découper les relevés qui ont remplacé les potages. En Allemagne, en Suisse, et dans presque tout le Nord, cette dissection est confiée à un officier ad hoc qui s'en acquitte avec une dextérité peu commune : usage précieux, qui épargne au maître de la maison et aux convives un temps qui peut être beaucoup mieux employé. Cet usage tourne aussi à la gloire des grosses pièces qui, découpées selon les règles de l'art, paraissent dans toute leur splendeur. Il coupe court aux cérémonies inutiles, et va au-devant de la timidité, puisque des assiettes chargées circulent à la ronde, et que chacun se sert soi-même selon son goût et son appétit. Faisons des vœux pour que cette heureuse méthode soit adoptée en France, surtout dans les grands repas. Il ne manquera plus rien alors à notre Nation, pour mériter une prééminence complète dans le grand art de la cuisine et de la table.
Ce qu’explique La Reynière, c’est qu’un même mets (une culotte de  bœuf, par exemple) peut apparaître dans plusieurs Services, mais pas sous la même taille, ou sur des plats de formes différentes (ovales ou rectangulaires) et pas avec le même accompagnement (avec toute sa parure végétale, avec un (léger) cordon végétal, ou sans accompagnement). Ce qui rend la compréhension des Services quelque peu compliquée…
Dans l’ordre, c’est le potage qui apparaît en premier.
Le potage est au dîner ce qu’est le portique ou le péristyle à un édifice ; c’est à dire que non seulement il en est la première pièce, mais qu’il doit être combiné de manière à donner une idée juste du festin, à peu près comme l’ouverture d’un Opéra-comique doit annoncer le sujet de l’ouvrage.

Après le potage, c’est le "Coup d’après" qui…
…consiste dans un demi-verre de vin pur qu’on boit immédiatement après la soupe… Il passe à Paris pour tellement salutaire qu’on y dit proverbialement que le Coup d’après met un écu de moins dans la bourse du médecin. Ce qu’il y a de sûr, au moins, c’est que personne n’en paraît incommodé. Les dames seules se refusent en général au Coup d’après, elles préfèrent celui du milieu.

Il n'est cependant pas d'obligation, mais c'est le seul moment du repas où il soit permis de boire, sans eau, du vin ordinaire, à moins cependant que l'on soit un provincial, ou que l'on ne serve point de vins fins ; ce qui n'est guère à présumer dans un grand dîner.

Viennent ensuite les hors d’œuvre :
En général, les vrais Gourmands font assez peu de cas des Hors d'œuvres, qu'ils regardent comme un remplissage inutile, plus digne de figurer dans un déjeuner solide, ou dans une collation, qu'à un repas aussi régulier et aussi sévère que doit l'être tout grand dîner. Mais les femmes ont beaucoup de goût pour ces bagatelles.

Et les entrées :
On peut regarder les Entrées comme la partie la plus solide d'un dîner; et si le potage est la principale porte de l'édifice, les Entrées en forment le premier étage et les appartements les plus importants. On les divise en Entrées ordinaires, grosses Entrées ou Entrées de broche. Ces dernières portent quelquefois le nom de relevés, parce qu'on relève avec les potages qui sont aux deux bouts de la table.


Et voilà, c'est la fin de l'Acte 1, celui du Premier Service. 

Un bon Amphitryon marque la pause, anime la discussion, agrémente l’assistance de lectures, d’intermèdes musicaux et de quelques performances techniques, une démonstration de la lanterne magique, par exemple.

L'acte II, au prochain billet!

Sources : Almanach, 2ème et 4ème années; Manuel des Amphitryons.



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