Un diner en 1806, comment ca se passe ? (acte
2 – Second service)
Ce billet est dédié aux
victimes - à Barcelone et ailleurs - des gouvernements occidentaux qui font des guerres comme en faisait
encore au siècle dernier, et qui, "d'une terre où ils font un désert, diront qu’ils la
pacifient" (atque ubi solitudinem faciunt, pacem
appellant). Alors qu’ils
font justement l’inverse : en ne laissant aux "pacifiés" d'autre choix qu'entre la servitude et la vengeance, ils sèment, ainsi, les graines de la terreur; prétendent que le "mal" ne les abattra pas, alors qu'ils ont déjà cédé sur l'essentiel, la liberté, dans un état d'urgence qui devient permanent (en France, officiellement le 1er novembre 2017, veille de la fête des morts).Mais revenons à des choses plus légères, en espérant que des airs plus gais chasseront de votre front ces sombres pensées : après le prologue et l’acte 1, c’est à dire le Premier Service, voici le Second service, que j’ai imaginé dans Scandales & Voluptés, roman historique divertissant et instructif, à paraître bientôt peut-être.
Second Service
RÔT
Des perdreaux
RELEVÉ DE RÔT
Un pâté de Pithiviers
SIX ENTREMÊTS
Chauds
Des petits-pois de la Truie-qui-file
Des Salsifis frits et glacés
Des cardes à la moëlle
Froids
Une charlotte à la russe
Vin de Bordeaux – Vins fins de Bourgogne – Vin de
Chablis, de 6 feuilles
* *
Vous l’avez compris, ce Second
service, Acte II d’un diner digne de ce nom, se décompose généralement en trois
Scènes.
Scène
I : Les Rôts
Cependant le rôti paraît, et son fumet
délicieux aiguillonne tous les appétits, et les prépare à de nouvelles
jouissances. C'est alors que les vins d'entremets commencent à paraître, et que
les langues se délient. Le vin de Bordeaux, celui de Bourgogne, et surtout le
pétillant vin d'Aï, font circuler à la ronde les propos joyeux, les bons mots
et les traits délicats ; c'est le moment des déclarations et des
demi-confidences. Chacun alors a de l'esprit ou veut en montrer ; et comme rien
ne rend plus indulgent que la bonne chère, tous les amours-propres sont
satisfaits.
Scène
II : le Relevé de Rôts
Dans les festins d'étiquette, et même dans les
Dîners somptueux, [le relevé de rôts], au
lieu de faire partie du second service, forme un service à part. Un énorme pâté
venu à grands frais de Toulouse, de Strasbourg, de Chartres ou de Périgueux,
occupe alors gravement le centre de la table, et la manière de le découper est
elle seule un art important et trop peu connu.
Scène
III : les Entremets (chauds et salés ; froids et sucrés)
Des entremets dans lesquels le génie du cuisinier a épuisé
toutes ses ressources pour relever la saveur des végétaux, servent d'acolytes [au relevé de rôts], et les
extrémités de la table réservées au petit four, aux crèmes, aux friandises,
attirent alors la principale attention des enfants et des dames. Les Gourmands
leur abandonnent volontiers ces agréables colifichets ; car tout bon mangeur a
fini son Dîner après le rôti, ce qu'il mange au-delà n'est qu'une affaire de
complaisance ou de politesse.
Mais c'est précisément parce que l'appétit est en général
satisfait au moment où ce (…) service se produit sur la scène, qu'un artiste
habile ne doit rien épargner pour le faire renaître : c'est là son triomphe ;
mais ce triomphe est rare et difficile, et les entremets sont ordinairement
l'écueil où les plus grands talents viennent faire naufrage. Tel a brillé avec
éclat aux entrées, aux relevés, et même au rôti , qui voit toute sa gloire
s'éclipser à l'entremets ; il pâlit devant un plat de cardes ou une jatte de
blanc-manger, et n'est plus alors qu'un homme ordinaire. Les entremets sucrés
offrent moins de gloire, sans doute, mais aussi moins de difficultés ; les
pâtisseries et les crèmes souffriraient plutôt la médiocrité que les entremets
potagers.
Ce second service
se termine par de nouveaux intermèdes. Comme le dit La Reynière, chacun alors a de
l'esprit ou veut en montrer. Alors, tel va flatter Alexandre en alexandrins, tel
autre, qui trépigne, se lance dans la lecture du premier chapitre de son dernier recueil – une
avant-première que beaucoup espèrent assez courte car assez rapidement, en
raison des coup d’avant, coup du milieu, coup d’après, vins ordinaires et vins fins,
tout cela tourne sur un ton des plus joyeux, avec des couplets bachiques,
anacréontiques, érotiques et même un peu graveleux.
Et c’est dans cette ambiance franchement gaie qu’arrive le Troisième
Service, celui des desserts.
Je sens l’impatience grandir, mais il faudra attendre un prochain
billet. Le prochain, si M. Hulot (ah !
et oh !) ne
fait pas parler de lui.
Sources : Tacite, Vie d'Agricola, 30.6 ; Byron, La Fiancée d'Abydos ; Almanach des Gourmands ; Manuel des Amphitryons
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