lundi 4 décembre 2017

Mois de décembre, mois des réconciliations entre honnêtes gens           

Si le mois de décembre, tout au moins jusqu’au réveillon du 24 décembre dont on reparlera bientôt, n’est pas la plus gourmande des périodes de l’année, c’est que le Parisien est tout occupé à ses affaires. L’amphitryon travaille, et n’accorde guère de temps aux plaisirs.

c'est la fin de l'année, l'époque des grandes faillites, celle de la conclusion de beaucoup d'affaires, et que presque tout le monde s'y montre plus occupé de ses travaux que de ses plaisirs, les rassemblements nutritifs sont beaucoup moins fréquents; d'ailleurs on se dispose par quelques jours de diète aux Visites du Jour de l'an, qui sont presque toujours des visites préparatoires, et dans lesquelles s'arrangent ces bons festins qui mettront tant de familles d'accord. Car il n'est plus permis de se bouder lorsqu'on a dîné ensemble ; et la bonne harmonie, suite nécessaire d'un excellent dîner, doit, entre honnêtes gens, durer au moins six mois. Il en est de même de la reconnaissance pour celui qui l'a donné ; on doit s'interdire toute espèce de médisance sur son compte pendant le même Période. 

Cette retenue est même chez tous les Gourmands un devoir, devoir d'autant plus sacré qu'il repose également sur la gratitude et sur l'espoir.

Cette retenue dans l’exercice des mâchoires ne doit pas donner lieu à d’injustes critiques vis à vis des Amphitryons. Sans retenue provisoire dans leur passe-temps favoris, la cohésion sociale serait en danger, et seuls s'en plaindront les parasites – ou pique-assiettes, en français moderne - à l’image de nombre d’habitués de la table de monsieur Grimod de La Reynière père, ou de ces visiteurs de dernière minute qui ont l'art d'énerver Alexandre.

Il faut donc être fort circonspect sur le compte des Amphitryons, et ne pas se permettre de juger légèrement celui qui nous a donné de solides preuves de sa bienveillance; et c'est ce que les grands Seigneurs d'autrefois, parasites habitués de la table des riches Financiers, semblaient trop souvent perdre de vue. Souvenons-nous que c'est un crime de lèse-gourmandise que de tourner en ridicule l'homme généreux qui nous fait faire excellente chère, et qui nous abreuve de ses meilleurs vins. 

Que cette diète ne vous désespère pas, Noël est proche !



Source : Almanach, 1ère année


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