En exclusivité
universelle : La Reynière, au jour le jour à Paris, en octobre 1794. Les étals
se remplissent, la Reynière vend son
argenterie pour faire les courses ; les cendres de J.J. Rousseau sont
transférées au Panthéon ; c’est l’anniversaire d’Adélaïde ; toujours
les visiteurs monarchistes bon teint qui soufflent après la Terreur ; et
bien d’autres choses encore…
En ce mois
d’octobre 1794, quelques faits marquants :
- le transfert des
cendres de J.J. Rousseau au Panthéon : le samedi 11, l’événement passe à
côté de La Reynière, dans les deux sens du terme.
- L’anniversaire
d’Adélaïde le 15 Octobre : elle a 26 ans, lui en aura 36 dans un peu plus
d’un mois. Bas de soie et bouquet de fleurs
A part ça, la Reynière passe beaucoup de temps à parfaire
ses itinéraires gourmands. On le voit parcourir les étals qui recommencent à
prendre des couleurs, malgré l’automne. Mais il regarde les oies grasses et les
poulets se balancer aux halles sans pouvoir les attraper. Non sans ironie, le « rentier désargenté », c’est
ainsi qu’Alexandre se présente bien à propos dans d’autres ouvrages, doit se
résoudre à vendre… l’argenterie - fourchettes et couteaux - pour les amener à
sa table. Il fait pour cela nombre d’orfèvres sur la route entre la place de la
Révolution et la halle, Barbeau et Rousseau S. Honoré, Dupont, rue des Orfèvres
pour vendre au plus offrant. Certains deviendront de ses amis, ce Rousseau par
exemple, qui aura droit aux louanges de la Reynière dans la 2ème
Années de l’Almanach des gourmands (voir au 25 octobre).
On
le voit aussi visiter de façon plus intrigantes ferrailleurs, ferblantiers,
serruriers et marchands d’échelles. La Reynière serait-il bricoleur ? Il
est vrai que l’hôtel de la rue de l’Élysée a mal supporté les pluies abondantes
de septembre, tandis que la valse des huissiers continue, avec des scéllés
apposés ici et retirés là, voire des pièces désemmurées, ce qui nécessite
affectivement quelques travaux.
L’autre activité qui aura des prolongements dans la
productions littéraires de la Reynière. Il y va de plus, mais toujours dans les
mêmes théâtres voir jouer ses copains et copines de la Comédie française, ceux
du Faubourg S. Germain à tendance monarchiste. Grâce à lui et à mes notes, vous
apprendrez bien des choses sur Talma, Fleury, Molé, D’Azincourt, les Contat,
Melle Lange etc.. La Reynière commente en général la première pièce du
spectacle et peu souvent la deuxième car il aura profité de l’entre acte pour
aller discuter avec son ami Fleury dans la loge d’icelui – un amitié un peu intéressée :
diner chez Suzanne contre billets pour Alexandre.
Vous verrez les habitués visiter de plus en plus fréquemment
l’hôtel des la Reynière, dont Neveu, ce peintre qui a son appartement au
Louvre, visiteur très assidu qui emmène parfois Adélaïde en promenade, voire au
théâtre. Y aurait-il une romance entre les deux ? C’est bien possible. Une
lecture fine du Journal montre que les moments de tendresse enre Adélaïde et
Alexandre sont rares. Le 12 octobre peut-etre, avec cette mention
inhabituelle : Mad vient dans ma
chambre en haut &c. Ah ?
Dans les nouveau venus, François de Bausset, ancien évêque
d’Alès et neveu de Suzanne de la Reynière; Pons de Verdun, un avocat écrivain
compagnon de frasques d’Alexandre dans les années 1780 ; et quelques
autres que je vous laisse découvrir.
Tous forment une assemblée de monarchistes décomplexés pendant cette première période qui suit la Terreur.
*
Mercredi 1er Octobre
Séjour à Paris – visite à M. Joly de Fleury* – M. Trianon
solde – Salade marché d’Aguesseau** – retour au logis – Dej – Perruq – Dîner
avec mad. Mde Bouvet*** et M. Batilliot**** – Livres de M. François privés 100
– Visite d’un ami de M. de Farcy, créancier de 4.357 de M. François***** –
Visite de M. Daigremont****** – visite à ma mère avec mad. – Souper avec mad. –
Lect. – Coucher en haut à 12h 3/4.
*Joly de
Fleury : Homme politique de l’Ancien régime, qui parvint à traverser
la période révolutionnaire sans être inquiété.
** ancien marché situé entre la rue Royale et le
boulevard des capucines actuels, à deux pas de l’hôtel des la Reynière, donc.
*** M. et Mme Bouvet sont des connaissances lyonnaises.
**** Il y avait au 107 rue de la Harpe, près de la place Saint-Michel, première
porte cochère, puis à partir de 1793 au 15 de la rue du cimetière St
André des Arts en entrant par la rue
Hautefeuille et rue Foin-Saint-Jacques, au coin de la rue Boutebrie, une
librairie tenue par Batilliot ainé et son frère cadet Pierre-Louis-Sauveur.
Notice
la BNF : Libraire ; au Cap-Français, imprimeur des commissaires
nationaux civils (1792) ; de la municipalité et du gouvernement (1792). -
Semble avoir d'abord exercé au Cap-Français (auj. Cap-Haïtien) comme libraire
(en compagnie d'un frère) avant juillet 1788, puis à partir de 1790 comme
imprimeur sous la raison : "Batilliot jeune" ou "Batilliot et
compagnie". Publie le "Moniteur général de la partie française de
Saint-Domingue" du 15 nov. 1791 au 20 juin 1793. De retour à Paris,
travaille de 1795 environ à oct. 1800 avec son frère aîné sous la raison :
"Batilliot frères". Breveté libraire à Paris le 1er oct. 1812 (brevet
renouvelé le 24 mars 1820).
***** François de Bausset est un membre de la
belle-famille de Justine de Jarente d’Orgeval. Justine est la petite sœur de
Suzanne et cette tante qu’Alexandre aimait tant (voir le GRIHL pages 169 et ss.). Suzanne n’avait guère
d’affection pour sa sœur (et pour personne, d’ailleurs) et il est possible que
ce manque d’affection se soit étendu à la belle-famille de Justine).
****** En fait : d’Aigremont
(comme à beaucoup d’aristocrates, la révolution lui a fait avaler sa
particule). Hormis ce journal, on ne trouve nulle trace d’un d’Aigremont dans
les écrits de La Reynière, ni dans les biographies qui lui ont été consacré. Il
s’agit probablement d’un parent de Laurent de la Reynière, signalé par Antoine
Lilti dans Le monde des salons, Sociabilité et mondanité à Paris au
XVIIIe siècle (à propos d’une mystification extrêmement drôle dont
Laurent de La Reynière fut victime et qui aurait à elle seule mérité un
chapitre du GRIHL). A
moins qu’il ne s’agisse de son frère… Dans la suite de son journal, Alexandre
fait référence à M. Daigremont, et à M. Daigremont l’aîné.
Jeudi 2
Séjour à Paris – Visite à M. de Normandie*, sorti – visite à
M. Davrigny – M. Lœuillard**, Id. – Mde Duce couturière Vauxhall d’été***,
solde pour mad. Salon du Vauxhall. Bains, abonnement pris, joli local – graveur
en cachet adossé à l’ancien opéra**** – Lion d’argent*****, sur le registre –
Complaisance de Melle Beguin, reconnaissance avec M. Huguenin – Comité civil de
la section des amis de la Patrie – formalités à observer pour un certificat de
résidence - Lion d’argent, épicier rue Montmartre - Visite à Mde Tissier –
changement de domicile de sa voisine – M. Dazincourt******, sorti, curiosité
non satisfaite – Pâtissier de la galerie d’office du Palais-Royal – Pâte
d’amande id. – Librairie cour du Manège – ou des écuries aux Tuileries – Retour
au logis – fatigue – Dej. – Dîner avec mad. – Café avec M. Gay et M. Daigremont – Visite de M. Geoffrain, nouvelle
de la liberté de M. le C. dev. mar. de Ségur********* – Lecture en chambre en
haut et en bas – visite à ma mère – Souper avec mad. – Lect – Coucher en haut
12h ¾
*Louis-Valentin Denormandie
fut « Directeur particulier » à la Direction générale de la
Liquidation de la dette publique, rue de Grammont n°550 ou place Vendôme n°21,
et directeur de la dette des émigrés, rue Avoye.
** Charles-Joseph Loeillard
d’Avrigny (La Martinique, 1760- Paris, 1823) fut un poète et librettiste.
Réputé dans le style opéra comique, il a écrit de livret d’un médiocre Doria mis en musique par
Méhul.
*** Salle de spectacle située rue Samson, du nom de la
famille de bourreaux célèbres dont le dernier habitait la rue des Marais, soit
l’actuelle rue Léon-Jouhaux (entre la Place de la République et le canal S.
Martin). Gravure en cachets : l’artiste place le cachet dans une poignée
garnie de ciment et de cire et le grave avec les instruments utilisés par les
graveurs en médailles. Il y a cette différence toutefois que le graveur en
cachets ne travaille qu'en vue d'obtenir qu'un seul coin, tandis que les
graveurs en médailles, au contraire, produisent des matrices à l'aide
desquelles on peut se procurer autant de coins qu'on le désire
**** La Reynière fait référence à la première salle du Palais Royal, inauguré
en 1641 détruit par un incendie en 1781. En 1794, l’opéra de Paris est en cours
de transfert entre la salle de la Porte S. Martin et le Théâtre National de la
rue de Richelieu dans la salle initialement appelée Salle
Montansier.
***** Le Lion d’argent : auberge située rue du fbg
Saint-Denis puis rue Saint-Denis, cour Batave, tenue par M. Sommesson. (Almanach du Commerce de Paris pour 1809)
Au 60 de la rue Saint-Denis, une inscription indique :
"Maison Batave 1795-1859"
******Joseph-Jean-Baptiste Albouy (1747-1809), dit Dazincourt est entré à la
Comédie Française en 1776 et devint sociétaire en 1778. Il fut un célèbre
Figaro. Cet Acteur a un talent formé, un
jeu raisonné, beaucoup d'intelligence, de finesse & de vérité. Il est bon
comédien, sans être farceur, & plaisant sans être outré (Mercure de
France). Ami d’Alexandre dans les années 1780, il fut l’un des participants du
fameux Souper du 1er février 1783 de même qu’il fut l’une des membres régulier
du Jury dégustateur crée par Alexandre. Donc beaucoup de récurrences dans
le GRIHL
(dont pages 65, 79, 245, 249, 341, 348, 367) Comme Molé, il fut arrêté
dans la nuit du 2 septembre 1793 pour avoir joué dans Paméla, il fut enfermé aux Madelonnettes. Ce fut un ami de La
Reynière dès le début des années 1780 et il participa au fameux souper du 1er
février 1783 (voir le GRIHL pages 81 et ss.). Acteur apprécié, malgré son fort
accent marseillais, on disait de lui que c’est
un bon comique, plaisanterie mise à part. Il ne manquait d’ailleurs pas
d’humour. Chargé de donner des cours de diction à la reine, il répondit à la
question que lui posa Louis XVI : il
faut avouer, Majesté, que la Reine lit royalement mal. Son principal
défaut ? C’est la manie de rire de
ce qu’il a dit et de donner ainsi aux spectateurs le signal des
applaudissements (La nouvelle
lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa., 1801, page 68).
********Philippe
Henri, marquis de Ségur, né le 20 janvier 1724, mort le 3 octobre 1801, petit-fils du Régent,
est un gentilhomme
français, officier durant les guerres de Louis XV, secrétaire
d'État à la Guerre de Louis XVI
de 1780 à 1787, maréchal de
France en 1783. Durant la Terreur, il fut enfermé à la prison de la Force le 23 vendémiaire et, après sa
libération, le 10 thermidor, est réduit à la plus grande pauvreté. Il était le
père de Joseph-Alexandre
vicomte de Ségur (1756-1805), personnage emblématique des libertins de la fin
de l’ancien régime, qui fut tout à la fois militaire, poète, chansonnier,
goguetier. Monarchiste dans l’âme, contributeur à L’Acte des Apôtres, il fut
emprisonné pendant la Terreur il échappa à la mort grâce à la complicité d’un
ami qui s’était fait embauché à la prison de S. Lazare afin de détruire son
dossier.
Vendredi 3
Séjour à Paris – Libr. cour des Écuries – M. Dazincourt,
sorti – M. Petit – M. Costel*, comité de la Section des amis de la Patrie –
Lion d’argent, difficulté de trouver deux témoins, le cuisinier s’offre, le
garçon d’écurie refuse – Mme Duce – Boucher de la Courtille, viande non encore
tuée – Retour chez Mme Duce – Visite à M. Rochon de Chabamnes**, sorti – à Mme
Vauruisseau id. – Toile de Laval, sur le boulevard – épicier rue Montmartre –
Libr. Cour des Ecuries – retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad. –
visite à ma mère – sortie avec mad. – Ensemble M. Petit. Je l’y laisse – Seul
Lion d’Argent, partie remise à dimanche – rue des 15/20 – M. Petit, Robert Linder
s’y trouve, homme qui paraît aimable, connaisseur en beaux Livres – retour au
logis – avec mad. et M. Santerre*** – fatigue – souper avec mad. et M. Santerre
– Coucher en haut à 12. ¾
* Costel pharmacien rue de la feuillade n°4, halle au
bled.
**Marc-Antoine-Jacques Rochon de Chabannes,
né le 23 janvier 1730 à Paris où il est mort le 15 mai 1800, est un auteur
dramatique français spécialisé dans la comédie et l’opéra comique. Il n’était
pas destiné à laisser une marque bien profonde dans la littérature française.
La Harpe disait de lui : Il est
impossible d'être plus pauvre d'invention que ce Rochon tandis que Grimm
l’égratignait aimablement : des
scènes épisodiques sans intrigue, sans action, presque sans sujet, mais qui se
soutiennent par l'agrément des détails et par l'intérêt d'un dialogue simple et
naturel.
***Probablement Nicolas-Philippe Santerre (1733-1796),
avocat au Parlement de Paris, notaire royal à Magny, à moins qu’il ne s’agisse
de son fils Hugues-Philippe (1763-1829) notaire royal et maire de Magny.
Samedi 4
Séjour à Paris – à 6h ½ médecine Composée – 7 selles profitables
– Perruq – Dîner avec mad. – M. Santerre – M. de la Lande, son ami, connaisseur
des estampes et M. Costel – bon et agréable dîner – visite de M. Neveu – de M.
Daigremont – Portefeuille prisés de M. de la Lande – visite à ma mère – en
chambre, conversation avec mad. et M. Santerre – visite à ma mère – Souper avec
mad. Coucher en haut à 1h.
Dimanche 5
Séjour à Paris – M.
Petit – Horloger rue Greneta* - Lion d’Argent, avec M. Alix et M. Renaud,
témoins, comité civil avec des amis de la Patrie, attestation délivrée – M.
Nouvelle – M. Breguet** – Vallée, perdreaux, oie – M. petit – Retour au logis –
Dej – Perruq – Dîner chez ma mère avec M. Dazincourt, M. Gay*** et M. Daigremont
– excellent dîner, poule de Caux divine – en chambre – (…) visite à ma mère
avec mad. – Souper avec mad. – Lect – Coucher en haut.
* Sans doute Humbert-Droz, horloger, rue Greneta 33 (Almanach du commerce pour 1798). Les
Humbert-Droz sont une famille d’horlogers suisses originaire de Neuchâtel.
**Abraham-Louis Breguet
fut l’élève du célèbre Ferdinand Berthoud,
horloger mécanicien du roi et de la marine, cité dans Les Tontons flingueurs. Vu sur le site de Breguet :
Abraham-Louis Breguet quitte sa région natale de
Neuchâtel à l’adolescence. Il effectue son apprentissage d’horloger à
Versailles et à Paris. C’est en 1775 qu’il ouvrira son atelier dans l’île de la
Cité à Paris; grâce à l’abbé Marie, qui le prend sous son aile, il sera
présenté à la cour de France qui ne tarde pas à faire partie de la clientèle du
jeune horloger. Forcé de quitter la France aux sombres heures de la Révolution,
il y revient dès 1795 pour poursuivre son activité. Le Journal de La Reynière nous informe donc que
l’atelier de M. Breguet était restée ouverte pendant son absence.
*** Jean-Baptiste Gay fut le
secrétaire particulier de Laurent Grimod de La Reynière. Il avait été incarcéré
à la prison de piques le 20 février avec
Suzanne de la Reynière (ainsi que la nièce de cette dernière, Maximilienne
Baudot de Sainneville, comtesse d’Ourches). Il avait épousé Sophie
Nichault de la Valette, écrivaine et
salonnière. Une de leurs filles, Delphine Gay,
écrivaine et journaliste, fut l’épouse d’Émile de Girardin.
Lundi 6 octobre
Séjour à Paris – M. Dupont et Castellan, banquiers rue de
Grammont n°21 – traite acceptée – Machande de volaille, boulev. de l’Opéra –
Bains au Vauxhall – propres et chauds, bon bouillon à 15 s. – Visite à Mme de
Vauruisseau – Épicier rue Montmartre, miel blanc à 56 s. – Épicier Neuve des
Bons enfants, anchois à 5 - Retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad. M.
de Fontanes* et M. Gay – Disputes de M. Neveu et de M. Fontanes – visite à ma
mère – Souper avec mad. – Coucher en haut à 12h ¾
*Jean-Pierre Louis,
marquis de
Fontanes, est un écrivain français, né le 6 mars 1757 à Niort et mort
le 17 mars 1821. Poète et homme
d'action, Louis de Fontanes fut à la fois l'héritier du goût de Racine et
de Fénelon contre
toute théorisation littéraire, l'admirateur du bon sens politique d'Henri IV et de George
Washington, qui « conserve et perfectionne », contre toute
« audace qui détruit », et un bon vivant doué des manières et de la
galanterie de l'ancienne France. Partisan d’une monarchie éclairée, proche de
Châteaubriand, ami de La Reynière (qui le qualifie de « classique et
discret ») il participa à ses premières séances « semi
gustatives » (voir le GRIHL pages 87 et ss.).
Mardi 7
Séjour à Paris – Déjeuner au Lion d’Argent avec MM. Alexandre,
Beguin fils, et Renaud - Huîtres, vin blanc apporté – Marchande de volailles
boulevard de l’opéra – Libr. boulevard du Temple – Fripière Place Royale* –
Charcutier rue S. Antoine**, cornichons – mad de font. de grais, 1 ou 2 voyes
40 – M. Guyot, M. Lecomte, coutel – Bouquiniste quai de Gêvres*, id. pont au
change – M. Breguet – M. Vion – M. Dupont, sorti, M. de Presle, tailleur façon
d’un frac 10 – Boîte de M. Neveu – Serrurier rue Froidmanteau**** – retour au
logis – Dîner avec mad. et M. Neveu – point de perruq – visite à ma mère –
Lecture en haut – Visite de M. Santerre – visite à ma mère avec mad, bonne
humeur – souper avec mad. – Coucher en haut à 1h.
* Aujourd’hui place des Vosges, alors Place de
L’Indivisibilité.
** Bernier, « chaircutier » rue S. Antoine,
n°259.
*** Blangonnet, quai de Gêvres n°2. Les « libraires
colporteurs » sont apparus au début du XVIIème siècle dans Paris,
principalement sur le Pont Neuf, mais les libraires, avec l’appui des autorités
royales leur ont fait la guerre à coup d’interdictions puis de réintégrations
sous agrément. Le terme bouquiniste fait son entrée dans le dictionnaire de
l’Académie française en 1762 : « celui qui vend ou achète de vieux
livres, des bouquins », un bouquin étant un « vieux livre dont on
fait peu de cas ».
La Révolution va révolutionner la profession. L’abolition
du régime des corporations permit aux bouquinistes de prospérer d’autant plus librement
que leur commerce était alimenté par les réquisitions et le pillage des
bibliothèques des aristocrates et du clergé. Voir par exemple notre note sous
le 19 août à propos de l’incendie et du pillage de la bibliothèque de l’abbaye
de S. Germain.
**** Gosselin, serrurier rue Froidmanteau, n°205.
Mercredi 8
Séjour à Paris – Visite de M. Peclet – Vallée, perdreaux –
Outils – tourneur marché neuf*, Echelle commise – M. Radamel** – Serrurier rue
de la Sonnerie***, fer – M. Dupont – Halle, œufs à 15 les 6/12, beurre fin à 3
– Rue au fer, bonbons – Cellery, raisin rue S. Honoré – retour au logis –
Dej café – Perruq – Dîner avec mad. et Mme Bouvet – Lettre pour M.
François – Théâtre de la République – Timoléon****,
tragédie de Chénier et Pygmalion –
Beaux vers, beau caractère de Timoléon – sujet non motivé , chœurs ridicules.
Bonne pantomine, talent de Talma*****, talent éteint de Monvel****** –
Pygmalion joué forcément par Baptiste – M. Petit – rencontre de M. de Fontanes
– retour au logis – visite à ma mère – Souper avec mad. Coucher en haut à 1h.
*Augustin, tourneur, Marché Neuf, n° 34.
**Dans ses Itinéraires gourmands, Alexandre
conseille d’aller au Café de Conti boire une tasse du chocolat sorti de la
fabrique de M. Radamel, située rue Dauphine. (Almanach des Gourmands, 1ère année, 4ème édition, 1810, p. 281).
***Anciennement rue de la Saulnerie, entre le quai de la Mégisserie
et la rue Saint Germain l’Auxerrois. Apparaît encore dans l’Almanach du
commerce de Paris de 1813.
**** Timoléon,
tragédie en trois actes et en vers, avec des chœurs représentée pour la
première fois le 25 fructidor an 2 sur le Théâtre de la République, par le
citoyen Marie Joseph Chénier, député à la Convention. Musique des chœurs du
citoyen Méhul. D’après la base César, la pièce de Chénier, musique de Méhul,
n’aurait connu que 4 représentations, dans 4 théâtres différents: le 11
septembre 1794 (Théâtre de la République), le 5 novembre 1794 (Opéra), 10 mai
1795 (Théâtre des variétés), le 3 janvier 1796 (Théâtre Feydeau). La Reynière
avait déjà assisté à une représentation de Timoléon le 13 septembre dans ce
même théâtre de la République
*****Talma
(1763-1826), Entré à la Comédie-Française en 1787 ; 195ème
sociétaire en 1789 ; doyen de 1824 à 1826. Considéré comme l’acteur le plus
talentueux de son époque, le successeur de Lekain. Il fut le chef de file des
acteurs Républicains ayant rejoint la salle Richelieu en 1793. Il sera l’acteur
préféré de Napoléon. Pour un portrait complet et synthétique de Talma, c’est
par ici.
******Jaques
Marie Boutet dit Monvel,
Entré à la Comédie-Française en 1770 ; sociétaire en 1772 ; départ de 1781 à
1789 ; retraité en 1806 ; doyen de 1802 à 1806. Valeur sûre de la Comédie
française, il faut aussi dramaturge. Il est le père de la célèbre mademoiselle
Mars. Pour une biographie de l’époque, c’est
ici
Jeudi 9
Séjour à Paris – Boulevard S. Martin, marchand de comestibles,
poulets de Caux, poulardes truffes – Bain du Vauxhall d’été* – Visite à Mme de
Vauruisseau – rue Bourg l’abbé - Passage de l’ancre**, magasin de draperies,
Drapet vigogne à 72 l’aune – Visite à M. Lange***, rue Ste Avoye, reconnaissance
avec Mme Lange & lui - magasin de Lampes conversation sur les frères Argand****
(ou autres) huile inscrite – Visite à M. Daigremont l’aîné , sorti – Chaircutier
rue S. Antoine, cervelas aux truffes, commis – quai de Gêvres, chapeau à 17 M. -
Dupont argent à 112 – M. de Presle – dépôt des lois – Retour au logis à 3. ¼ -
Dîner avec mad – Visite de M. Daigremeont – Perruq – Visite de M. François de
Bausset. Je lui remets la traite de Béziers de 800 et la passe à son ordre –
Visite de m. Costel****** – Lecture en haut – Visite à ma mère – retour en
chambre – visite à ma mère - Souper avec mad. et M. Gay – étrange scène de mad.
après souper – coucher à 2 heures en haut.
* Initialement proche de la porte Saint martin, Le
« Vauxhall d’été » est situé 178 rue Samson, dans le Marais, du nom
de la famille de bourreaux célèbres dont le dernier habitait dans cette rue
aujourd’hui rue Albert Thomas. Lieu de plaisir très fréquenté jusqu’à la
restauration, le Vauxhall d’été comportait une grande salle de danse et un café
donnant sur un grand jardin.
** Le passage de l’ancre relie la rue S. Martin et la rue
de Turbigo. C’est un passage charmant dont je recommande la visite. Entre 1792
et 1805, le passage porta le nom de « passage de l'Ancre Nationale ».
***Lange, épicier rue Avoye n° 140. La rue Avoye ou Ste
Avoye était nommée ainsi en l'honneur d’Avoye de Sicile, martyre du IIIe siècle. Elle était sur
l’emplacement actuel d’une partie de la rue du Temple.
*** Drapet : drap dont on fait les vêtements.
Vigogne, laine,
s. m. (Lainage.) Elle vient du Pérou qui est le seul lieu au monde où
l'on trouve l'animal qui la porte, & dont elle a emprunté le nom. Les rois
d'Espagne ont souvent tenté inutilement d'y faire transporter de ces sortes
d'animaux, dans l'espérance de les faire peupler, & de rendre par - là leur
laine plus commune & moins chère, en épargnant les frais, & évitant les
risques de la mer; mais soit faute de pâturages qui leur conviennent, soit que
le climat ne leur soit pas propre, ils y sont toujours morts; en sorte que
depuis long tems les Espagnols ont abandonné ce dessein. La laine de vigogne est de trois sortes, la fine, la carmeline ou
bâtarde, & le pelotage; la dernière est très - peu estimée; elle s'appelle
de la sorte, parce qu'elle vient en pelotes. Toutes trois néanmoins entrent dans
les chapeaux qu'on appelle vigogne,
mais non pas seules; il faut nécessairement les mêler avec du poil de lapin, ou
partie poil de lapin, & partie poil de lièvre. (Dictionnaire raisonné des
Sciences, des Arts et des Métiers)
**** Originaire de Genève ; les frères
Argand (dont Aimé) sont considérés être les inventeurs de la lampe « à
courant d’air et cheminée de verre. En réalité, Aimé Argand et Lange étaient
associés et obtinrent le 5 janvier 1787 des lettres patentes portant permission exclusive de fabriquer et de
vendre dans tout le royaume des lampes de leur invention pendant quinze ans.
Ce privilège fut contesté par les ferblantiers parisiens tandis qu’Argand et
Lange se disputaient le mérite de leur invention. Avec la Révolution, les privilèges furent
abolis et Argand se trouva frustré des bénéfices de sa découverte. Quinquet
ajouta quelques formes aux lampes à courant d’air et leur donna son nom ;
sous lequel les lampes à courant d’air restent connues aujourd’hui. Connus
aussi pour avoir acheté l’Église S. Joseph, rue Montmartre.
******Costel, rue de la feuillade n°4 (halle au
bled) : pharmacien.
Vendredi 10
Séjour à Paris – M. de Presle – Mercier* rue aux fers –
visite à Mme Bouvet, rue S. Martin, n°32 – avec elle chez une dame de Lyon –
même rue près le Café Bizet – Seul, chez MM. Legret, Bréavoine et Faure
déménagés rue Beaurepaire – brave et dignes commissionnaires – M. Pochet, thé à
30.- halle, M. Theurlot***, beurre – vannier, panier – viande, mouton, - rue S.
Honoré, pots au feu – M. de Presle – mesure d’habits – Halle, viande, bœuf, je
reprends mon panier, rue S . Honoré, pot au feu, un portefaix porte tout –
marrons, place du Carrousel – retour au logis – Perruq. Portefaix – huile de M.
Lange – dîner avec mad. – visite de M. Daigremont – découvertes dans la cuisine
– plats d’étain – Lecture en haut – Visite de M. Santerre et de M. de Verneuil-
Visite à ma mère – en chambre )- visite à ma mère avec mad. – souper avec mad.
– coucher en haut à 1h.
* Mercier, boutonnier rue au Fer n° 542.
** Legret, commissionnaire de marchandises
***M. Octodi Theurlot, marchand de beurre, rue des Petits
Piliers aux Potiers d’Étain, n°12. Il vendait aussi des œufs. M. Theurlot était
donc crémier. La rue des P.P. aux Potiers d’Étain commençait rue de la Cossonnerie
(n° 39) pour terminer rue de la Pirouette (n°1) toutes deux disparues lors de
la construction des Halles en 1866. Un passage de 81 m. de long et 4 m. de
large situé au niveau -2 de la Porte Lescot a été baptisé Rue Pirouette, par
arrêté municipal du 18 décembre 1996.
Samedi 11
Séjour à Paris – avec mad. dej. Chez M. Santerre – il est
sorti – je la laisse en bas : seul, M. Trianon solde – Retour chez M.
Santerre, déjeuner avec madame et lui – café, pâté, raisins – tous trois
Tuileries – fête en l’honneur de la translation de J.J. Rousseau au Panthéon*,
cortège – chars, petit nombre de spectateurs – Museum – rencontre de M. Neveu
et de Mme de Clermont-Tonnerre** qui se fait porter sa queue a l’air bien
aristocrate, bien impertinente, comme toutes le ci-devant comtesses – retour au
logis – Cannes - Dîner avec Mme de Santerre et M. Daigremont – Dîner choisi,
sans traiteur – Pot au feu, raie, poulet de caux, bonne petite chère – Lecture
en haut – Visite de M. Neveu – ne soupe point – Souper avec mad. – coucher en
haut à 1h.
*C’est en 1778 que Jean-Jacques Rousseau décède au
château d’Ermenonville près de Paris, sans doute d’un accident cérébral. Le
marquis de Girardin qui a offert l’hospitalité au philosophe né à Genève en
1712, fait inhumer son corps sur une petite île de la propriété. Penseur
admiré, sa tombe est très visitée. Les thèses du philosophe sont en effet des
plus populaires et les réflexions du “Contrat social” ont une forte influence
sur la politique de l’époque. Dans cet ouvrage publié en 1762, Rousseau insiste
sur l’importance du contrat social. Même si pour lui, c’est la société qui rend
l’homme mauvais, Rousseau affirme qu’il faut un pacte pour que la société
fonctionne bien et garantisse à chaque citoyen la liberté et l’égalité. Chacun
renonce à sa liberté naturelle pour gagner une liberté civile. La souveraineté
populaire est le principe fondamental du contrat social. Quoi de plus logique
dès lors que la France révolutionnaire décide de faire rentrer Rousseau au
Panthéon. Le transfert dans ce monument destiné à honorer les hommes et les
femmes ayant marqué l’histoire de France est fait ce 11 octobre 1794. Voir ici
et là.
La translation des cendres de JJR fut l’occasion d’une cérémonie de trois jours
(9 10 et 11 octobre 94). Le 10 octobre, il fallu 9 heures pour faire le trajet
entre Ermenonville et Paris, place de la concorde. Les témoignages font été
d’une foule importante, mélange de notables et de peuple, et sur la place, d’une
mise en scène grandiose, avec des peupliers et la reconstitution d’une Ile.
**Marie
Louise Joséphine Delphine de Rosières de Sorans (décembre 1766 – 26 octobre 1832, Paris), seconde épouse du
marquis de Clermont-Tonnerre. Ce dernier, arrêté puis relâché le 10 août 1792,
il fut défénestré par des émeutiers en rentrant chez lui. De son épouse, il
reste un beau portrait
en sultane par Elisabeth Vigée-Lebrun. Dans les années 1780, on trouve
trace de fréquentations entre la marquise de Clermont Tonnerre, Restif de la
Bretonne, Chenier
et La Reynière.
Dimanche 12
Séjour à Paris – halle, dépôt d’un panier chez M. Theurlot –
Visite à M. Daigremont l’aîné et à Mme Ferrand, nouveaux détails intéressants
sur divers interrogatoires du premier – Chaircutier rue S. Antoine, 12 cervelas
crus à 3. M. Leconte coutelier*. Visite à M. Aze – tourneur marché neuf**, échelle
en frêne de 12 pieds, soldée 18 – M. Batilliot***, solde de Fortia – M.
Maradan, livres – M. Berthellemot***** – tourneur vient porter l’échelle avec
moi rue de la Sonnerie chez un ferratier – Chez M. Aze, je reprends le panier
de cervelas y déposé – halle, 150 œufs chez Theurlot à 15 - espoir de diminution pour le beurre – le
(beurre) fin à 3, le beurre blanc de pays en livres 2.8 à 2.10 – M. Costel –
retour au logis – Perruq – Bouillon – Dîner chez ma mère avec M. Fleury, M.
Aze, M. Gay, M. Daigremont, et mad. – Ebriété gaîté vive de M. Aze, aimable
douce de M. Fleury, concentrée des autres – visite de Mme la C.d. Duchesse de…
reconnaissance, elle embrasse avec M. Aze, sans le connaître – en chambre avec
M. Aze, plats d’étain – visite de MM. De Verneuil et d’Aigremont – Lecture en
haut – souper par cœur avec mad. livres ficelés pour Fortia – Mad vient dans ma
chambre en haut &c. coucher à 1h. ¼
*Le Comte, coutelier rue S. Honoré, n° 17, section du
Roule.
** Le Marché neuf était situé sur l’Ile de la Cité
***Il y avait au 107 rue de la Harpe, près de la place Saint-Michel, première
porte cochère, puis à partir de 1793 au 15 de la rue du cimetière St
André des Arts en entrant par la rue
Hautefeuille et rue Foin-Saint-Jacques, au coin de la rue Boutebrie, une
librairie tenue par Batilliot ainé et son frère cadet Pierre-Louis-Sauveur.
Notice
la BNF : Libraire ; au Cap-Français, imprimeur des commissaires
nationaux civils (1792) ; de la municipalité et du gouvernement (1792). -
Semble avoir d'abord exercé au Cap-Français (auj. Cap-Haïtien) comme libraire
(en compagnie d'un frère) avant juillet 1788, puis à partir de 1790 comme
imprimeur sous la raison : "Batilliot jeune" ou "Batilliot et
compagnie". Publie le "Moniteur général de la partie française de
Saint-Domingue" du 15 nov. 1791 au 20 juin 1793. De retour à Paris,
travaille de 1795 environ à oct. 1800 avec son frère aîné sous la raison :
"Batilliot frères". Breveté libraire à Paris le 1er oct. 1812 (brevet
renouvelé le 24 mars 1820).
**** Claude François Maradan : Entré en
apprentissage en mars 1787, il est reçu libraire dès le 22 déc. 1787. En
faillite une première fois en août 1790 puis une deuxième en nov. 1803, sans
doute sauvé par le succès de la première édition de l’Almanach des Gourmands.
Fut l’éditeur et l’ami de La Reynière, et même son exécuteur testamentaire –
mais La Reynière mourut après la mort de Maradan. De nombreuses références dans
le du GRIHL à partir de la page 271.
*****Berthellemot :
confiseur célèbre de la rue de la Vieille Boucherie, cité p. 245 du GRIHL localisé
Maison Égalité (Palais Royal) en 1798 (Almanach du Commerce de Paris pour 1798)
Lundi 13
Séjour à Paris – Fabrique d’indienne* au Clos Payen**,
Boulevards neufs, MM. Dubois frères, entrepreneurs, honnête réception – détail
sur cet établissement, atelier d’imprimerie, gravure ; chaudière très beau
cylindre – fonds qu’ils désirent – fabrique de pain d’épice, rue des amandiers**
– Successeur de M. Varin, pâtissier au Puits Certain*** une tête de veau
farcie, bien conditionnée, coûte 25 – M. Duchesne – M. Berthellemot – Magasin à
prix fixe rue S. André des Arts, point d’indiennes – ensuite, M. rue de Bussy,
vilaine à 22 – Gagne Petit***** de M. Bussenez rue du Colombier, très belle
perse, de Jouy à 18 15 bien accommodant
– Pot de chambre rue Jacob – retour au logis – dej – Dîner avec mad. – Perruq –
double visite à ma mère avec mad. - Lecture en haut – visite à ma mère - souper
avec mad. - coucher en haut à 1h. ½
* Une Indienne était un
tissu peint ou imprimé fabriqué en Europe entre le XVIIème et le XIXème
siècle. Ces tissus sont généralement dans les tons de rouge à cause de la plante
utilisée pour sa teinture : la garance dont
on utilise la racine. Ces étoffes doivent leur nom au fait qu'elles étaient
initialement importées des comptoirs des Indes. Ces toiles
peintes, Indiennes ou Perses,
répondant aux noms de madras, Pékin, Gourances, Damas ou Cirsacs étaient
strictement interdites à l'importation à partir du XVIIème siècle. Par la
suite, les Marseillais se mirent à produire eux-mêmes ces tissus qui prirent
alors le nom d'indiennes de Marseille. En plus de Marseille, les
principales manufactures d'Indiennes de France se trouvèrent à Nantes, Mulhouse, Jouy-en-Josas, Rouen, Bourg-lès-Valence, Bolbec...
**Le Clos Payen était un quartier situé sur la Bièvre
entre Gentilly et les Gobelins : le lieu où l’on blanchit les toiles à la
faveur de la petite rivière des Gobelins qui y passe en plusieurs canaux entre
le boulevard du Midi et le petit Gentilly (Guide du voyageur à Paris, 1789)
*** aujourd’hui rue Laplace, faisait partie de la section
du Panthéon.
**** Célèbre pâtisserie qui sera souvent cité par la
Reynière dans ses Almanachs des gourmands. Ses têtes de veau étaient
particulièrement appréciées. Pendant que
nous sommes dans le pays Latin, rendons visite à M. Cauchois ‘rue du Mont Saint
Hilaire) qui a porté à leur plus haut degré de perfection ces admirables Têtes
de veau du Puits-Certain, surnommées depuis longtemps l’Encyclopédie de la
bonne chère, et dont une seule suffit pour satisfaire douze convives de bon
appétit. La délicatesse de la farce, l’heureux choix des garnitures et la bonté
des assaisonnements rendent ce mets particulièrement recommandable, surtout
pour les réunions nombreuses. Il suffit d’un mot par la poste pour le faire
arriver chez soi, et même dans toute l’étendue du département de la Seine. M.
Cauchois est en outre un très bon Pâtissier ; ses pâtés froids, ses gâteaux
d’amande, ses tourtes, etc. attestent un artiste intelligent et soigneux ;
aussi sa boutique, malgré son éloignement du centre de Paris, est-elle toujours
très achalandée (Almanach des
gourmands, 6ème année, 1808).
La tête de veau du Puits Certain figure en bonne place dans le frontispice
de la 6ème année de l’Almanach
des gourmands.
***** Au Gagne
Petit, rue du Colombier, derrière l’Abbaye Saint-Germain, n° 35, ouvert par
Buzenet Père & Fils en 1792, était un Magasin « de soieries,
Draperies, Indiennes, toiles d’orange & de Jouy de toutes qualités, perses,
toiles blanches, mousselines unies, brodées et rayées ; linon
batistes ; Gazes ; Satins & Taffetas d’Italie ; à très-grand
marché ».
Mardi 14
Séjour à Paris – M. Nouvelle – déjeuner philosophique et
solide avec lui – souliers – Boulevard de l’Opéra, poulets de Caux – Mme Duce,
robe portée – passage de la Marmite*, magasin de draperie rue Bourg l’Abbé –
mercier agriministe** rue aux Fers, boutons – magasin de fontaines filtrantes -
Visite à Mme Feyssier – M. Petit (en sortant ravaudeuse) – retour au logis –
perruq – dîner avec mad. et M. de Verneuil – Seul, Comédie française (moniteur) parquet ; on joue Le Dissipateur*** et Le bienfait de la loi****. Grand ensemble, belle exécution dans Le Dissipateur joué par Molé*****,
Fleury, Dazincourt, Caumont, Mmes Contat, Devienne, Lange – talent admirable de
Melle Contat – visite à M. Fleury dans sa loge, Billet qu’il me donne pour
demain – retour au logis – visite à ma mère où est mad. – Souper avec mad –
Lecture – coucher en haut à 1h. (visite de l’ancien évêque d’Alais****** avant
dîner, libre depuis hier)
*Passage de la marmite : quartier de la rue Gravilliers
rue phélippeaux
**Un
mercier agréministe est spécialisé dans les ornements des parures des femmes. Les belles dames, dont la fantaisie commande
ces ouvrages momentanés, susceptibles de variations infinies ignorent sans
doute que les ouvriers qui façonnent les agréments dont elles ornent leurs
robes, se nomment agriministes. (Sébastien Mercier, Néologie
ou Vocabulaire des mots nouveaux, t. 1, 1801, p. 18). Par une ironie
du destin, il y a un M. Mercier, mercier-boutonnier rue aux Fers n°542.
***Le
Dissipateur ou l'Honnête-friponne, comédie en cinq actes, et en vers, par
Philippe Nericault Destouches (1680-1754) joué pour la 1ère fois au Théâtre
Français, 23 mars 1753. Destouches était un sous Molière à succès. Ses pièces
sont oubliées, mais pas quelques unes de ses formules qui ont traversé les
siècles :
Les absents ont
toujours tort,
La critique est
aisée, l’art est difficile (traduction d'un vers d'Horace, Ep. 1, 10,
24 : « naturam expelles furca, tamen usque recurret »)
Chassez le naturel,
il revient au galop
****Le
Bienfait de la loi, ou le double Divorce, comédie en un acte, en
vers, représenté pour la première fois le 5 vendémiaire an 3 (26 septembre 1794)
au Théâtre de l’Égalité (ancien théâtre de l’Odéon), faubourg S. Germain,
section Marat, de Forgeot.
***** François-René
Molé (1734-1802) a débuté à la Comédie française en 1754, dont il fut
sociétaire à partir de 1761. Arrêté dans la nuit du 2 septembre 1793 pour avoir
joué dans Paméla, il fut enfermé aux
Madelonnettes. S’il continua à jouer au Théâtre de l’Égalité, il se proclamait
Républicain, et alla même jusqu’à publier un Misanthrope revu et corrigé à l’usage des comédiens du Théâtre National.
Le Théâtre National, construit par Madame de Montansier au Palais-Royal et
inauguré le 15 aout 1793, accueillit les membres « Républicains » de
la Comédie française. Le citoyen Molé,
jadis inimitable dans les jeunes premiers remplit maintenant les rôles à
caractère et même ceux de vieillards. Non seulement il y soutient sa gloire,
mais encore il semble avoir acquis un nouveau degré de supériorité. Nous citons
à l’appui de cette opinion la manière étonnante dont il a créé Le Vieux
Célibataire (à l’âge de soixante ans),
nous n’avons rien vu au théâtre qui nous ait paru si parfait. (La nouvelle lorgnette des spectacles, par
Fabien Pillet et aa., 1801, page
181).
Abraham Bénard (1750-1822) dit Fleury, entra à la
Comédie française en 1774 et en devint sociétaire en 1778. Les personnes qui veulent avoir une idée exacte de son talent doivent
le voir dans Le Conciliateur… Il (y)
déploie tout ce qu’il a de finesse, de
moëlleux, d’aimable…. Il atteint un degré de supériorité qu’aucun acteur ne
pourra surpasser. (La nouvelle
lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa., 1801, page 103).
Joseph-Jean-Baptiste Albouy (1747-1809), dit Dazincourt est entré à la
Comédie Française en 1776 et devint sociétaire en 1778. Il fut un célèbre
Figaro. Cet Acteur a un talent formé, un
jeu raisonné, beaucoup d'intelligence, de finesse & de vérité. Il est bon
comédien, sans être farceur, & plaisant sans être outré (Mercure de
France). Ami d’Alexandre dans les années 1780, il fut l’un des participants du
fameux Souper du 1er février 1783 de même qu’il fut l’une des membres régulier
du Jury dégustateur crée par Alexandre. Donc beaucoup de récurrences dans
le GRIHL
(dont pages 65, 79, 245, 249, 341, 348, 367) Comme Molé, il fut arrêté
dans la nuit du 2 septembre 1793 pour avoir joué dans Paméla, il fut enfermé aux Madelonnettes. Ce fut un ami de La
Reynière dès le début des années 1780 et il participa au fameux souper du 1er
février 1783 (voir le GRIHL pages 81 et ss.). Acteur apprécié, malgré son fort
accent marseillais, on disait de lui que c’est
un bon comique, plaisanterie mise à part. Il ne manquait d’ailleurs pas
d’humour. Chargé de donner des cours de diction à la reine, il répondit à la
question que lui posa Louis XVI : il
faut avouer, Majesté, que la Reine lit royalement mal. Son principal
défaut ? C’est la manie de rire de
ce qu’il a dit et de donner ainsi aux spectateurs le signal des
applaudissements (La nouvelle
lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa., 1801, page 68).
Thomas Caumont, entré
à la Comédie-Française en 1794 ; 208ème sociétaire en 1799 ;
retraité en 1809. Spécialisé dans les « rôles à manteau » dont le
type est Bartolo dans Le mariage de
Figaro, acteur de premier ordre selon l’auteur de La nouvelle lorgnette des spectacles, le site de la Comédie
française indique plus sobrement qu’il est un acteur modeste, juste et apprécié du public.
Louise
Contat (1760-1810) fut une des actrices majeures du Français. Sa vie est un
roman : voir ici.
Lors de la scission de la Comédie française, elle suit la faction des
aristocrate installée au Faubourg Saint Germain (théâtre de l’Odéon, renommé
Théâtre de la Nation puis Théâtre de l’Égalité) Mademoiselle Contat à la figure belle et noble, Le regard vif et plein
d’esprit, les manières faciles, le maintien décent et gracieux. Sa diction
toujours juste ne permet jamais de soupçonner l'art, elle ne laisse échapper
aucunes des intentions de l'auteur, et ses intonations sont si habilement
nuancées, elles coïncident si parfaitement avec l'idée à exprimer, que son
débit à toujours l'air d’être impromptu et qu’on ne peut supposer une autre
manière de dire. (La nouvelle
lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa., 1801, page 56) Sa sœur, Émilie Contat (1770-1846), elle aussi
membre de la Comédie française eut une carrière beaucoup moins prestigieuse,
mais fut une amie proche de La Reynière – elle fut une « Sœur »
invitée aux séances du Jury dégustateur.
Melle Devienne Entrée à la Comédie-Française en 1785 ;
185ème sociétaire en 1799 ; retraitée en 1813. En concurrence avec
Melle Joly, jouait à merveille les rôles de soubrettes. Incarcérée le 3
septembre 1793 à Sainte-Pélagie, elle rejoint à sa sortie la faction des
Républicains, au théâtre de la Montansier. Nous
aimons à le répéter, cette actrice est essentiellement comédienne, et son
talent est digne des plus beaux jours de la scène française (La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801,
par Fabien Pillet et aa., page 79).
Anne-Françoise-Élisabeth Lange (1772-1825), dite Mademoiselle
Lange est une autre actrice majeure du Français, elle aussi de la
faction des aristocrates. A force d’amants et finalement d’un mariage avec un
fortuné fournisseur aux armées, Michel Simon, elle mit un terme théâtral à sa
carrière en 1797. Elle fut aussi une des plus célèbres « Merveilleuse » du Directoire. Elle remplissait avec beaucoup de succès les rôles de jeunes
amoureuses. Sa figure de vierge, la douceur de son organe, les grâces de son
maintien et le ton sentimental de sa diction, tout en elle, jusqu’à son petit
air hypocrite, convenait parfaitement à son emploi. (La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801, par Fabien Pillet et aa., page 144). Elle apparaît comme
personnage principal de La fille de Mme Angot, opéra comique de Charles Lecoq (1872).
******Il s’agit de Louis-François
de Bausset, né à Pondichéry en 1748 et mort en 1824 à Paris, cardinal et
homme de lettre, dernier évêque d’Alais (Alès). Il s’opposa à la constitution civile
du clergé, émigra en 1791, revint à Paris en 92 et fut emprisonné pendant la
Terreur. La Reynière nous apprend qu’il a été libéré le 13 octobre 1794. Louis-François
de Bausset pourrait être le beau-frère de Justine de Jarente, sœur cadette de
Suzanne de la Reynière, et oncle de François de Bausset que nous avons croisé
en septembre.
Mercredi 15
Séjour à Paris – avec Trésor* à La Vallée, cochon de lait
chez le marchand rue S. André des arts – aimable petite truie coupée à 55 – M.
Batilliot** – M. Dessaq*** – visite à M. Pons de Verdun**** – M. Berthellemot –
Commissionnaire en sucre – Marchande Lingère – Place Baudoyer conversation sur
le commerce - Café cuisinier déjeuner –
M. Cordeil rue de la Sonnerie*****, échelle ferrée – M. Dupont******, argent à
120 - M. Cléry, Vallat la Chapelle à 108
(…) – Gagne petit ; bas de soie – Bouquetière aux Tuileries – retour au
logis – surprise, cadeau et bouquet à mad.******* – Dej. – dîner avec mad. –
Visite de Mme Perdu, dessert avec elle – Perruq – Visite de M. Dugera –
Promenade avec mad. au Palais Royal- glaces au Café de Foy – M. Petit –
Reconnaissance avec M. Lavan, ancien avocat aux conseils – espoir qu’il me
donne pour la terminaison de nos affaires – retour au logis – visite à ma mère
avec mad. Sa mauvaise humeur –
Certificat de civisme******* de M. Daigremont – Souper avec mad. – coucher en
haut à 1h ½
* Trésor est un des chiens de Suzanne de la Reynière
** Il y avait au 107 rue de la Harpe, près de la place Saint-Michel, première
porte cochère, puis à partir de 1793 au 15 de la rue du cimetière St
André des Arts en entrant par la rue
Hautefeuille et rue Foin-Saint-Jacques, au coin de la rue Boutebrie, une
librairie tenue par Batilliot ainé et son frère cadet Pierre-Louis-Sauveur.
Notice
la BNF : Libraire ; au Cap-Français, imprimeur des commissaires
nationaux civils (1792) ; de la municipalité et du gouvernement (1792). -
Semble avoir d'abord exercé au Cap-Français (auj. Cap-Haïtien) comme libraire
(en compagnie d'un frère) avant juillet 1788, puis à partir de 1790 comme
imprimeur sous la raison : "Batilliot jeune" ou "Batilliot et
compagnie". Publie le "Moniteur général de la partie française de
Saint-Domingue" du 15 nov. 1791 au 20 juin 1793. De retour à Paris,
travaille de 1795 environ à oct. 1800 avec son frère aîné sous la raison :
"Batilliot frères". Breveté libraire à Paris le 1er oct. 1812 (brevet
renouvelé le 24 mars 1820).
*** Sans
doute M. Desray, rue Hautefeuille, n°4. Libraire ; éditeur et marchand de
cartes et d'atlas. - En apprentissage à Paris à partir de juillet 1785. Reçu
libraire le 30 oct. 1787.
**** Philippe-Laurent
Pons de Verdun (1759–1844), avocat puis homme politique avant d’être
proscrit comme régicide en 1818, il fut un des premiers compagnons de frasques
d’Alexandre (GRIHL pages
65, 88, 140 et 244) et un des rares à lui rendre viste durant son exil dans
l’Abbaye de Domèvres (Lettre à Restif de la Bretonne du 20 novembre 1786 :
Parlez-moi du peu d’amis qui me restent,
de ceux sur lesquels vous croyez que je puis compter. Vous allez en voir un
dont je fais grand cas ! M. Pons de Verdun. Vous avez su, sans doute,
qu’il est venu passer avec moi huit jours. Il repart aujourd’hui de Verdun,
pour retourner à Paris. Il ira sûrement vous voir. Vous ferez ensemble le tour
de l’Ile, & vous parlerez de moi.
*****Cordeil, ferrailleur rue de la Sonnerie n°5.
****** Il s’agit peut-être de François Dupont, orfèvre,
dont la boutique était au … 4 rue des orfèvres (Almanach du commerce de Paris pour 1798).
******* C’est donc l’anniversaire d’Adélaïde Thérèse Feuchère.
La Reynière lui fête ses 26 ans (il en a dix de plus).
********Pendant la Révolution française, le certificat de civisme était délivré à Paris par le Conseil général de la Commune de Paris, il
attestait que celui qui l'avait en sa possession avait rempli ses devoirs
civiques : une attestation de bonne conduite et d'orthodoxie politique en
quelque sorte. Il était principalement délivré aux responsables des affaires
publiques. Beaucoup demandèrent ce certificat sous la Terreur. En vertu de la Loi
des suspects, votée le 17 septembre 1793, les personnes à
qui on ne l'avait pas donné étaient susceptibles d'être arrêtées. Il fut
supprimé au début de septembre 1795.
Jeudi 16
Séjour à Paris – Lettr. – M. Bignon* – Libr. Porte du Louvre
– id. passage S. Germain – M. Roggen** – M. Dupin, sorti, je laisse les
couverts ; M. Cardaillon, parfumeur rue S. près celle d’Avignon, corps de
poudre – visite à M. Aze – Epicier rue des Lombards, point de poivre mign. – M.
Duval – Halle – Epicier poivre et câpres, et colle de poisson – Marchande Prie,
fruits, reconnaissance avec M. le Comte ancien avocat – M. Theurlot, Beurre fin
à 56s – artichaux – Marchande Prie, céleris, carottes – Cloître S. Germain et Porte
du Louvre, je prends mes livres (en allant, visite à M. Neveu, sorti) – retour
au logis, bien chargé – Dej. – dîner avec Mad. et M. Santerre et M. Neveu –
visite de M ; Daigremont – Perruq – visite de M. Lemore – Lecture en haut
– chambre - Visite à ma mère, Souper
avec mad et M. Santerre – coucher en haut à 1h.
*M. Bignon est répertorié comme épicier rue du Fbg
Montmartre, n°89 (Almanach du commerce de
Paris pour 1798).
** M. Roggen est répertorié comme horloger, carrefour de
l’École, près le Pont Neuf, section du Museum
Vendredi 17
Séjour à Paris – Porte de M. Daigremont – Hôtel des
Américains*, pâtés de Nerac de trois perdrix rouges coûtent 45 – M. Cadet et M.
de Rosne, essence de rose de Madame Prudent achetées par eux – M. de Presle –
M. Dupont, sorti – M. Cordel, étouffoir et croc garni – Pont au change – Rue de
la v. draperie, plus de thé – M. Berthellemot – M. Batilliot – M. Maradan –
Marchand de volaille rue S. André – M. Maille, moutarde – gigot place du Pont
S. Michel – M. Armet*** outils belle boite d’outils en acajou 350 une autre en
noyer à 200 – M. Dupin, solde des 4 cuillères et de la cuillère à soupe pesant
4 ml 4d à 120 le marc. – Halle, beau bœuf – M. Petit – Retour au logis – Dej –
visite au Poussalon** porte de la garde-robe décondamnée, déplatrée – Dîner
avec mad. – Perruq. avant dîner – visite au poussalon – visite de M. Gay et de
son frère mis en liberté – Lecture et écriture en haut – mad. bien malade –
Visite à ma mère – souper avec M. Gay détails sur Lyon et sur son arrestation-
Lecture – coucher en haut -
*l'Hôtel
des Américains, 137 rue Saint-Honoré, près celle de l'Oratoire, faisait table
d’hôte, épicerie fine et vente de vins, réputée pour ses produits
d’importation, lieu hautement apprécié de La Reynière, qu’il citera de nombreuses
fois dans ses Almanachs. C’était le Hédiard de l’époque. On continue de trouver à l’Hôtel des Américains, cette métropole de la
Gourmandise la plus recherchée, les meilleurs vins fins de la France et de
l’étranger tant pour les entremets que pour les desserts. Les correspondants
fidèles qu’a cette Maison dans toutes les contrées tributaires de notre
sensualité sont les garants assurés de l’excellente qualité de ses vins. Les
meilleurs crûs de Bordeaux, de la Champagne, de la Bourgogne, des Côtes du
Rhin, du Roussillon, de l’Espagne et de la Grèce, fournissent à se
assortiments ; et le consommateur, bien sûr de n’être trompé sur l’origine
et sur la qualité de ces divers nectars peut y recourir avec une aveugle
confiance. (Almanach des Gourmands,
huitième année, 1812,page 215). Il faut savoir que La Reynière critiquait les
marchands de vins parisiens de voleurs et de frolateurs, ne citant qu’une
poignée d’entre eux, dont l’Hôtel des Américains, comme fiables. On trouve toujours à l’Hôtel des Américains,
rue Saint-Honoré, n°137, non seulement
les chocolats des meilleures Fabriques étrangères, mais du Chocolat façon de
Bayonne, fabriqué dans cette Maison, d’une excellente qualité, et digne de
toute confiance. Ces Messieurs en font un très grand débit. (Almanach des Gourmands, septième année,
1810, page 267)
** Sans doute une erreur de transcription de M Johnson,
pour désigner une des pièces de l’hôtel de la rue de l’Élysée, sur laquelle des
sceaux avaient été apposés lors des saisies de janvier et février 1794 à
la demande des créanciers de Laurent de la Reynière. On apprend ici que
certaines pièces furent murées plutot que scellées.
*** Armet, quincailler rue de la Barillerie, n°37,
section de la cité. La rue de la Barillerie commençait quai de l’horloge et
finissait quai des Orfèvres. Supprimée lors da la construction du boulevard du
Palais en 1858, elle devait son nom aux barils de vins qui y étaient fabriqués.
Samedi 18
Séjour à Paris – Dégraisseur rue des fossés S. Germain
l’Auxerrois* – M. aux Provençaux rue de l’arbre sec** ; huile promise pour
lundi – Vallée, dinde, oie, perdrix – M. Batilliot – M. Maille, moutarde –
Vallée, oie et dinde emportées – halle, choux fleurs – fruits – beurre, fromage
– retour au logis – Gibier et volaille à ma mère – Perruq – Dîner – avec mad. –
M. Hennin, ancien résident à Genève et chef de bureau aux affaires étrangères –
M. Santerre – M. Dugua et M. Daigremont – bon petit dîner – conversation
intéressante – Vers de M. Santerre – visite à ma mère – Souper avec mad. et M.
Santerre – Lecture – coucher en haut à 1h ½
*Develaine, dégraisseur au n°224 de la rue des
Fossés-Germain.
** à lire sans doute : « Marché aux
Provençaux ». On
trouve chez les Provençaux, au cul-de-sac Saint-Germain rue de l'Arbre-Sec, des
orangers, des citronniers, des jasmins, des Mirthes et des oignons de
Tubéreuses, de Narcisses de Constantinople, de Hiacinthes Orientales, de Lis
Alphodelles, de Martagons Pomplions, etc. On y trouve quelquefois des
mortadelles et des saucissons de Bologne. Les Provençaux du
cul-de-sac de l'Arbre-Sec vendent en gros des fromages de Rocfort, olives,
anchois, vin de Saint-Laurent, figues, raisin, brugnons, amandes et autres
fruits secs de Provence. (in :
Livre Commode des adresses de Paris pour
1692, tome 1, page
280 et page 302)
https://www.paris-pittoresque.com/rues/25.htm
où il est aussi question d’un M. Daigremont collectionneur de tableaux
Dimanche 19
Séjour à Paris – Visite d’un marchand de tableau place des
Victoires*, envoyé par M. Santerre - revue ensemble des dessins et estampes
–Dej avec lui – continuation de l’examen – Ses offres acceptées à 3600 livres
payées dans 8 jours – Perruq – Mad dans son lit – Dîner seul avec ma mère –
visite en bas de M. de Saugeron – en chambre lect. – visite de ma mère- de M.
Neveu – Lecture en haut – visite à ma mère – Souper avec mad. et M. Gay qui ne
soupe pas – Lecture – coucher en haut à 1h ¼
Lundi 20 octobre
Séjour à Paris – Dégraisseur rue des Fossés S. Germain –
Epicier du de l’arbre sec aux provençaux - Marchand de boutons de grès, id. –
Epicier id. huile d’olive à 5 – M. de Presle, habit essayé, va bien, solde de
son mémoire -. M. Dupont, couteaux vendus à 116
le marc – M. Cordel – Pont aux changes – M. Armet outils – M. Batilliot
– M. Dessaq, sorti – Marchande de volaille rue S. André, la même à la Vallée –
son promis pour après demain – Vallée, perdreaux – id. champignons trop chers –
Pont Neuf, neuf carafes trop chères – Chataignes id. – M. de Presles, habit
emporté – Épicier rue de l’arbre sec huile emportée – M. Bignon – dépôt de
l’huile – Muséum – M. Bignon, je laisse l’huile – Mme Ribert, Boissel. Marché
des 15/20, tiroir de crin – Rencontre de M. Gay – Epicier rue S. Honoré près
les Feuillants – vermicel, macaroni à 4 – ravaudeuse – retour au logis – dîner
avec mad. visite au cochon – Perruq – Lecture en haut – Visite de M. L’ancien évêque
d’Alais – de MM. Santerre Dugua de Verneuil – Lecture en haut – Visite à ma
mère – J’y trouve M. et Mme de … – Souper avec mad. – Lecture en haut – Coucher
en haut à 1h ½
Mardi 21
Séjour à Paris – Serrurier, petite réparations, clés
essayées – Cuisine, préparation de l’oie – M. Trianon, solde – Chaircutier – voisin,
lard à 40, chair à saucisses à 2,8 - retour au logis – Serrur. Visite au Poussalon
– visite de M. Neveu – qui mène mad. au museum – Marché d’Aguesseau, céleri,
ail, échalottes – M. Laurent* tourte de frangipane – retour au logis – Perruq.-
Dîner avec mad. M. Neveu et M. Granet – très bon dîner bourgeois – visite de M.
Gay – expédition avec lui – Lecture en haut – visite à ma mère – Mad. s’y rend
– Souper par cœur, visite de M. Gay l’ainé – Lecture et coucher en haut à 1h ½
*M. Laurent, pâtissier rue du fbg S. Honoré, n°17
Mercredi 22 – 1er brumaire
Séjour à Paris – M. Vilenne dégraisseur – M. de Presle
tailleur – Vallée, son – M. Batillot, son déposé – M. Berthellemot – Libr. pont
N. d. Comédie – Marchande de volaille Boulevard de l’Opéra – Visite à Mme de
Vauruisseau – Halle, artichaux, oignons, beurre
- retour au logis – Dîner avec mad. M. Gay et Mme Bouvet – Débagagement
de l’entrepôt avec M. Gay – Lecture en haut – visite à ma mère – Souper avec
mad. et M. Santerre – Lecture en haut – coucher à 1h ½
Jeudi 23
Séjour à Paris – chez M. Gay ensemble Cave du vin de
liqueur, vin choisi pour ma mère – M. Barbeau*, coutelier rue S. Honoré,
couteaux à repasser – Boulevard de l’Opéra, marchande de volaille, poulet de
Caux. – Halle, celeri, raie, bœuf et mouton – Visite à M. Dazincourt – retour
au logis – Dej - Perruq – Dîner avec mad. et M. Santerre – Seul, parquet de la
Comédie française , où l’on joue Le
Conciliateur** et Le Mariage Forcé***
– Jeu délicieux de MM. Fleury, Molé, Dazincourt, Contat &c. Bel ensemble dans la 2ème pièce surtout – Loge de M. Fleury - retour au logis – visite à ma mère où je
trouve mad. – Lecture en haut – Coucher idem à 2 heures.
* Barbeau, répertorié comme quincailler quai de la
Mégisserie n° 23 et 35.
** Le Conciliateur ou l’Homme aimable, comédie en cinq actes et en vers représentée la première fois sur
le Théâtre de la Nation, le 29 septembre 1791, par Charles Albert
Dumoustier.
***Le
Mariage forcé : comédie-ballet en
un acte et en prose de Molière et Lully, représentée
pour la première fois au palais du
Louvre, par ordre de sa Majesté le 29 janvier 1664, et donnée ensuite au public sur le Théâtre du Palais-Royal le 15 février 1664 par la troupe
de Monsieur, frère unique
du Roi.
Vendredi 24
Séjour à Paris – M. Batilliot – M. Dessaq – M. Berthellemot,
pastilles transparentes – M. Maille, reconnaissance avec l’ancien domestique de
Melle Quinault* aujourd’hui portier du Parc de Meudon à Fleury – M. Batilliot,
panier de son y déposé et emporté – retour au logis – Dej – Dîner avec mad. –
Perruq – visite de M. Daigremont – en haut avec mad &c. &c. – Lecture –
visite à ma mère avec mad. – Visite de M. Neveu après dîner – Souper avec mad.
– Lecture en haut – Coucher à 1 heure.
* Melle Jeanne Françoise Quinault (13.10.1699 –
18.01.1783), dite Quinault la
cadette, qui fit les beaux jours de la Comédie française dans
les années 1710-1740. Cultivée et
brillante, elle fréquente les littérateurs de son temps, Voltaire, Destouches,
Marivaux... au sein d'un petit cercle littéraire et mondain baptisé « Société
du bout-du-banc, lit-on dans la chronique de la Comédie française – Société
du bout du banc, car on se disputait ses faveurs à tout prix, fût-ce celui
d’être assis au bout du banc. Habituée du salon de Suzanne de la Reynière, elle
contribua activement à l’éducation culturelle et sentimentale d’Alexandre.
C’est aussi elle qui lui a donné le goût des actrices et des assemblées
festives et légèrement décadentes, et c’est d’ailleurs à elle qu’il dédia son
fameux Souper du 1er février 1783. Elle était décédée quinze jours
avant, dans le plus grand silence de la presse de l’époque.
Samedi 25
Séjour à Paris – Serrurier* rue Froidmanteau, sorti – M.
Vilenne – M. de Presle – M. Rousseau* coutelier rue S. Honoré, tire-bouchon
ciseaux – retour au logis – Dej – Perruq – Dîner avec mad. et M. Neveu, qui
vont tous deux au théâtre de la rue Feydeau – visite de MM Daigremont et Gay –
et le matin, M. Daigremont et Mme d’Ourches*** – Lecture en haut – Visite à ma
mère – Mad. s’y rend – Souper avec mad. – Lecture en haut, coucher id. à 1h ¼
* Gosselin, serrurier rue Froidmanteau, n°205.
** Dans la 2ème année de l’Almanach des
Gourmands, La Reynière consacre un long passage traitant des « rapports
intimes qui existent entre la Coutellerie, et la table et la
cuisine. » Le couteau est l’arme du cuisinier, le plus bel ornement de sa personne
et la marque distinctive de sa dignité…. (pages 244 et ss.). Quoique
les couteliers ne soient pas rares à Paris, il en est peu sur l’excellence de
la trempe desquels on puisse compter (…) Nous citerons comme l’un des premiers
en ce genre, M. Rousseau, rue Saint Honoré, vis-à-vis l’ancien hôtel de
Noailles (…). M. Rousseau qui a pris le fonds de M. Dauvergne, et qui en
soutient la gloire, est sans contredit un des meilleurs Couteliers de Paris
pour tout ce qui a rapport à la table et à la cuisine, ce qui n’empêche pas
qu’il ne fabrique aussi d’excellents rasoirs à coulisse et autres, très-utiles
aux Gourmands qui sont toujours jaloux de montrer une barbe bien faite
lorsqu’ils vont dîner en ville. Tout ce qui sort de cet atelier est d’une
trempe très douce et d’un fini précieux.
*** Nièce de Suzanne de la Reynière.
Dimanche 26
Séjour à Paris – Visite intéressée – M. Armet, tournevis –
Serrurier rue Fromanteau – mouton vis à vis S. Louis du Louvre – retour au
logis – Dej – Perruq – Dîner chez ma mère avec mad. et Mme d’Ourches, M. Neveu,
M. de Langeron, M. Daigremont – bon et triste dîner – après visite au salon de
M. Lecocq, de Mmes de Villemomble, de S. Sylaire, de M. Viskovitz, et M.
d’Onnezan – Lecture en haut – Souper par cœur avec mad. – visite à ma mère
(avant) visite de M. Gay l’aîné – Conversation très intéressante sur la maison
Fizeau de S. Quentin – Lecture et coucher en haut à 2 heures
*Maximilienne Baudot de
Sainneville, épouse divorcée de Charles d’Ourches, nièce de Suzanne de la
Reynière et que cette dernière hébergeait rue de l’Elysée. Toutes deux furent
emprisonnées à la prison des Piques le 2 ventôse de l’an II de la République.
Quand Suzanne fut libérée le 22 aout, Maximilienne fut transférée au
Luxembourg, et, selon les historiens, libérée le 24 brumaire (14 novembre). Il
semble donc qu’elle ait eté libérée plus tôt.
Lundi 27
Séjour à Paris – ravaudeuse M. Buzenet, toile de Jouy à
18.15 – M. Dupont, lame vérifiée – Marché au fruit, sébilles de bois – M. de
Presle, pantalon repris – Dégraisseur, habits rapportés – retour au logis – Dej
– Dîner avec mad. – Perruq – visite de M. Neveu , de Mme Lecocq – Lecture en
haut – Mad vient m’y joindre &c. Lecture en haut – en chambre – visite de
M. Santerre – Visite à ma mère – Souper avec mad. et M. Santerre – Lecture et
coucher en haut à 2h.
Mardi 28
Séjour à Paris – rencontre de M. Fleury en allant chez lui –
Vallée, perdreaux, alouettes – M. Cornillon, marchand de tableaux place des
Victoires, le même rue Plâtrière, beau magasin de tableaux et curiosités –
Solde – M. Vaugeois Singe Vert* – des aiguilles à tricoter – marchand de laine
rue des Lombards – M. Petit – retour au logis – Dej – Dîner avec mad. – Perruq
– avec mad. cafarn. Et lecture en haut – Visite de M. Hennin – visite à ma mère
avec mad. – Visite avec elle à MM. Gay – Souper avec mad. et M. Gay l’aîné -
&c. Lecture et couché en haut à 1.½
* Bernard François VAUGEOIS était marchand tabletier et fabricant à l’enseigne
du Singe Vert dont La Reynière parlera dans quasi toutes les éditions de
l’Almanach des gourmands. « M. Vaugeois, rue des arcis, toujours l’orfèvre des
Philosophes, vient d’être nommé Singe
vert du Jury dégustateur. C’est assez dire que tout ce qui sort de ses ateliers est parfaitement bien traité.
Aucun Singe noir rouge, bleu ou violet même,
etc. aux yeux impartiaux des vrais connaisseurs. » Almanach des Gourmands, 6ème année, page 301. Selon une
notice d’Artcurial : « François
Vaugeois est installé aux Halles, 176 rue des Arcis dans le quartier où sont
réunis les artisans de cette corporation. Son enseigne au Singe Vert est
curieusement similaire à celle de son confrère Martin Guillaume Biennais le
Singe violet, qui lui a ouvert boutique près des Tuileries. », ce qui
permet de comprendre l’allusion d’Alexandre au Singe Violet : il
n’apprécie guère l’art de M.G. Biennais
« fournisseur officiel du Premier Consul devenu Empereur, notamment
pour les pièces d'orfèvrerie » tandis que « Vaugeois jouit d'une
riche et prestigieuse clientèle. La baronne d'Oberkirch dans ses Mémoires sur la cour de Louis XVI et sur la
société française avant 1789 mentionne son passage le 25 juin 1784 au Singe
Vert, tabletier en vogue de la rue des Arcis (…). Le 17 février 1786 elle fait
de l'endroit, où il y a toujours foule de beau monde, son but de
promenade. »
« Le tabletier est celui qui a "
L'art de faire toutes sortes de pièces délicates au tour et autres menus
ouvrages en ivoire, écaille et bois précieux tels que jeux de trictrac, dames,
échecs, tabatières, peignes… ". Les statuts de la corporation ont été
renouvelés par une ordonnance de septembre 1741 : la communauté comprend dès
lors les " maîtres et marchands peigniers, tablettiers, tourneurs,
mouleurs, piqueurs, faiseurs et compositeurs de bois d'éventails, marquetteurs,
tourneurs et tailleurs d'images d'yvoire et enjoliveurs de leurs ouvrages
". Ils ont le droit de fabriquer des bois d'éventail, des jeux, des dés,
des croix, des tabatières, des peignes d'ivoire, d'écaille ou de buis. L'édit
royal de 1776 les réunit aux luthiers et aux éventaillistes. »
Mercredi 29
Séjour à Paris – opération avec M. Gay – Sortie avec mad. je
la laisse rue Platrière – Marchands de laine rue des Lombards – halle,
artichauts, céleri, carottes bœuf – M. Rousseau, coutel – retour au logis –
Déjeuner – Perruq – Dîner seul avec ma mère, M. Gay, M. Fleury, M. Dupin*
député, et Melle…. amenée par Dupin -
Espérances données par lui, son humanité, détails sur divers membres et
factions de la Convention – Visite de M. et Mme de Saisseval** – remontée en
chambre où mad. avait dîné seule – conclusion de l’opération avec m. gay et Mad
– descente de tous trois chez ma mère – Visite en bas de M. Neveu – Souper avec
mad. et M. Neveu – Lecture et coucher en haut à 1h½
* Charles André
Dupin (1758-1843), magistrat et homme politique. Élu député de la Nièvre en
septembre 1791, son monarchisme lui valu d’être emprisonné à Nevers puis à
Clamecy en 1793. Il fut libéré en janvier 1794 avoir été déclaré bon citoyen par acclamation populaire. A
ne pas confondre avec un autre Dupin cité à plusieurs reprises dans le Journal,
coutelier avec qui La Reynière est en fréquentes affaires.
**On
trouve des traces d’un M. de Saisseval, diplomate et cousin d’Armand-Marc de Montmorin,
secrétaire d’État aux Affaires étrangères entre 1789 et 1791 notamment dans une
lettre à adressées à Louis XVI après la journée du 6 octobre 1789, dans
laquelle il l’assure de la soumission aux
lois, l’horreur des factions, un attachement inviolable à Votre Majesté, tels
sont les principes dont je suis animé (voir ici). Ce monsieur de Saisseval pourrait
aussi être l’associé de Laurent Grimod de La Reynière dans une opération de
spéculation impliquant un banquier genevois, Emmanuel Haller, et un banquier
génois, Dominique Serra. Cette opération, initiée en Aout 1789 causa bien dé
déboires aux La Reynière, déboires financiers et aussi juridique, et aussi à M.
de Saisseval, qui, en 1809 se plaint du
préjudice qu’il a subi et du tratement favorable accordé à La Reynière :
« Monsieur de La Reynière a été assez heureux pour se voir couvert avec
avantage des sommes que son père avait fournies au sieur Haller pour
l’opération de Gênes... À mon égard, le Sieur Haller m’a fait payer, pour cette
même opération, une somme de 70.000 francs que je ne devais pas. » Les procès
durèrent jusqu’en 1817 et de Saisseval ne récupéra jamais ses 70.000 livres. Cette affaire est brièvement relatée
pages 348 et 349 du GRIHL.) Pour pus de détail, voir ici
(Mémoires, plaidoyers et consultations de 1807 à 1817, par André-Marie-Jean-Jacques
Dupin).
Jeudi 30
Séjour à Paris – Sortie avec M. Gay – chez Darnaq ancien
fermier général place Vendôme, sorti – seul – grainier rue de Viarmes , vesce*
à 7.10s. le boisseau – marchands de laine rue des Lombards** – halle, beurre,
merlans - Grainier – je prends la vesce dans un sac prêté de confiance – M.
Rousseau, couteaux – Retour au logis – Dej – Dîner avec mad. – Perruq – Lecture
en haut – Visite de MM. Santerre et Gay
l’aîné – Visite à ma mère – Souper avec mad. et M. Santerre – Lecture et
coucher en haut à 1h. ½
* fève du genre vicia
faba. Il y avait trois grainetiers rue de Viarmes : Dupont au n° 35,
gaillourdet au n° 9, et Paul au n°12.
** Il n’y avait pas moins de cinq marchands de laine rue
des Lombards.
Vendredi 31
Séjour à Paris – Lettre – M. Trianon solde – Lettre mise
chez M. Darnaq – halle au blé, grainier remise du sac – promenade infructueuse
– visite à M. Dazincourt rue de Richelieu – il me présente à Melle Dubrossu –
rencontre chez lui d’un de ses anciens amis, que j’ai connu autrefois, nous
cheminons ensemble jusqu’au bout de la rue Dauphine – Jeu de Paume de Bergeron
-,je vois jouer les C.C.Dupin, Fleury, Vigny – retour au logis – Dej – Dîner
avec mad. et M. Gay l’aîné – Perruq – toilette de mad. visite ensemble chez
mamère, bois beau thé avec elle, Mmes de Villimomble, Caze de Méry, d’Ourches –
MM. de Langeron, Vitzkowitz et Neveu et Mme Grimod et M. Gay l’aîné – excellent
petit four – j’égaye un peu cette société sérieuse – Souper avec mad. Lecture
et coucher en haut à 3h.
Voilà pour le mois d’octobre.
D’ici novembre, si vous ne l'avez toujours pas fait, vous
pourrez lire Grimod de La Reynière, Itinéraires d’un homme libre, en
vente ici, en
version papier et en version numérique pour une somme dérisoire. Il est vrai,
j'insiste, mais c'est pour votre bien.

ou bien son délicieux Dictionnaire
gourmand, en vente là.

Et si vous avez envie de découvrir un personnage nouveau,
lâchez tout et lisez La femme sans prénom, c’est ici!
Distractif et instructif !
Bonnes
lectures!
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