vendredi 1 novembre 2019

En exclusivité universelle : La Reynière, au jour le jour à Paris et en banlieue, en novembre 1794. Les étals se remplissent,  la Reynière en profite pour développer un petit commerce; il soigne son réseau d’amis acteurs ; et, fait extraordinaire, il part une semaine pour un séjour à 25 km de Paris ! Quelle aventure! Un vrai cauchemar….


Novembre apporte son lot de surprises. En septembre et octobre, nous nous étonnions des multiples visites de La Reynière chez M. Maille, célèbre pour ses moutardes et vinaigres, au Singe Vert de M. Vaugeois, où l’on trouve tant d’objets en bois petits ou grands, dont ces bilboquets en nombre. La vérité est que La Reynière, rentier parisien sans le sou par temps de disette, arrondit ses fins de mois en trafiquant – en se faisant commissionner par plusieurs commerçants de la ville. Il retrouve sa veine épicière qu’il tenta de d’exploiter rue Mercière Lyon en 1790 – son épicerie en tout genre, au Magasin de Montpellier fut un gouffre financier par papa Laurent. On en parle dans le GRIHL pages 167 et ss. 

L’autre surprise de ce mois de novembre, c’est sa virée à coté de la forêts d’Ermenonville, au château en ruine de Montmélian, pour être précis, chez son ami Aze, supposé le posséder, ce château, ou tout au moins cette tour a peu près habitable, on ne sait pas, alors que non, on ne trouve nulle trace de M. Aze comme propriétaire de cet château en morceau ou cette tour en triste état depuis le début du 17èmesiècle. De même que ce M. Aze bien mystérieux, inconnu de tout le monde sauf La Reynière au point que ce pourrait bien être une mystification de sa part. Pour u portrait complet de M. Aze, lire le GRIHL p. 69. C’est la seule sortie de Paris connue de La Reynière pendant toute la période (vingt ans) de sa résidence parisienne (1794-1815). Il a de quoi, ce séjour à Montmélian (à 25 kilomètres de Paris) tourne au cauchemar. Réduit à emprunter la poste voire les charrettes locales ou carrément se résoudre à faire la route à pied, il court après son bagage, confié à un Lanternier en route vers la foire de Senlis. Le lanternier le fait lanterner au point que La Reynière se fait une raison : son bagage, il ne le reverra pas.

A part cela, les courses dans Paris continuent. La Reynière tisse peu à peu son réseau de commerçants, qu’il transformera en artistes dans ses Almanachs : il leur doit bien cela, ils feront sa fortune. Et plus que jamais, il va au théâtre et soigne ses amis acteurs. En cela, c’est le Censeur dramatique qui s’annonce, mais pas encore l’échec de l’entreprise.

Bonne lecture !


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Samedi 1ernovembre
Séjour à Paris – Visite à M. Fleury*, il part lundi pour Nancy- Visite à M. Mercier**, bonne réception – M. Berthellemot*** – Bureau du Journal du Soir****, rue de Chartres – Café – rue des 15/20 – Convention Nationale, rapport sur la nuit du 10 Thermidor – ravaudeuse rue Royale – retour au logis – Dîner avec mad. – visite au Poussalon - visite de M. Daigremont***** – Perruq – Lecture en haut, mad. vient m’y voir &c. – Visite à ma mère avec mad. – Souper avec mad. Lecture en haut – Coucher à 1h. id.
*Abraham Bénard (1750-1822) dit Fleury, entra à la Comédie française en 1774 et en devint sociétaire en 1778. Les personnes qui veulent avoir une idée exacte de son talent doivent le voir dans Le Conciliateur… Il (y)déploie tout ce qu’il a de finesse, de moëlleux, d’aimable…. Il atteint un degré de supériorité qu’aucun acteur ne pourra surpasser. (La nouvelle lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa.,  1801, page 103).
** Jean-Sébastien Mercier, l’auteur des Tableaux de Paris, ami de La Reynière depuis 1785, puis honni au début de la Révolution (« Mercier est devenu exécrable »), est aujourd’hui sujet de compassion : Alexandre l’a retrouvé à Paris début septembre, mais incarcéré, ironie de l’histoire, à l’ancien hôtel des Fermes générales, rue Grenelle Saint-Honoré, pour avoir pris le parti des Girondins contre la Montagne au mauvais moment. (la rue de Grenelle-Saint-Honoré correspondait à la partie sud de l'actuelle rue Jean-Jacques-Rousseau, entre la rue du Louvre et la rue Coquillière.) Alexandre ira lui rendre visite à de nombreuses reprises, jusqu’à sa libération en novembre 1794 (voir le GRIHLpage 211). Il est vraisemblable que Mercier était encore rue Grenelle S. Honoré le le 1ernovembre 1794 mais libéré le 5 ou 6 novembre (voir plus bas, au 7 novembre).
***Berthellemot : confiseur célèbre de la rue de la Vieille Boucherie, cité p. 245 du GRIHL localisé Maison Égalité (Palais Royal) en 1798 (Almanach du Commerce de Paris pour 1798)
**** Le Journal du Soir de politique et de littérature, imprimé par les frères Chaigneaux(Jean-Marie et François dit l’Ainé) de 1792 à 1811 : journal d’opinion royaliste, il fut censuré pendant le Directoire car considéré « ennemi de la république » (cf. Histoire des journaux et des journalistes de la révolution française (1789-1796) de Léonard Gallois) 
annonçait les nouvelles de la journée ; tout son mérite, si c’en est un, consistait, je ne dirais pas dans son exactitude, mais dans sa régularité ; c’est à dire qu’il paraissait régulièrement tous les soirs à la même heure. Ils ont été les bienheureux du siècle, ceux qui pouvant dompter à leur gré leur conscience, lui ont commandé de se taire, et ont pu prendre sur eux de flatter tous les Partis régnants alternativement. (in : Dictionnaire néologique des hommes et des chosesde Louis-Abel Beffroy de Reygny. Vous l’aurez relevé de vous-même, le Journal du Soir ne doit pas être confonduavec le Journal du Soir sans réflexion1790-1791, lui aussi imprimé par les frères Chaigneaux, qui publiait les débats de l’Assemblée Constituante. 
***** En fait : d’Aigremont (comme à beaucoup d’aristocrates, la révolution lui a fait avaler sa particule). Hormis ce journal, on ne trouve nulle trace d’un d’Aigremont dans les écrits de La Reynière, ni dans les biographies qui lui ont été consacré. Il s’agit probablement d’un parent de Laurent de la Reynière, signalé par Antoine Lilti dans Le monde des salons, Sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle (à propos d’une mystification extrêmement drôle dont Laurent de La Reynière fut victime et qui aurait à elle seule mérité un chapitre du GRIHL). A moins qu’il ne s’agisse de son frère… Dans la suite de son journal, Alexandre fait référence à M. Daigremont, et à M. Daigremont l’aîné.


Dimanche 2
Séjour à Paris – M. Maille* – M. Batilliot** – M. Chaigneau imprimerie rue de Chartres- M.Berthellemot, cassonade à 6.10 – M. Maille, moutarde – Épicier rue S. André pruneaux de Tours à 46s. – retour au logis – Dej – Perruq – Dîner chez ma mère avec M. Dazincourt***, mad. et MM. Gay**** – avec M. Gay l’aîné, parquet de la Comédie française – On joue le Tartuffeet Le Mariage Forcé***** par Fleury, Melles Contat, Lange, de Vienne, Caumont, Molé******, Dazincourt, Florence ; ensemble admirable du jeu des acteurs – retour au logis avec M. Gay – Visite à ma mère avec mad. Souper avec mad. – Pastilles – Lecture et coucher en haut à 3h.
*M. Maille est un commerçant ami de La Reynière, qui lui rendra souvent visite dans sa boutique au 16 de la rue Saint-André des Arts. La Reynière chantera les louanges de Maille dans chaque édition de l’Almanach gourmand, et le plus bel éloge – le plus lyrique aussi - est celui publié dans la 4èmeannée : Dès qu'on parle à Paris de Vinaigre et de Moutarde, le nom illustre de M. Maille, et celui de M. Bordin, son glorieux rival, accourent naturellement se placer sur les lèvres. C'est ainsi que lorsqu'on songe à la Melpomène française, on ne peut le faire sans que les grands noms de l'auteur du Cid, et de celui d'Athalie, ne se présentent à la mémoire ; et il est reconnu maintenant que M. Maille est le Corneille de la Moutarde, comme M. Bordin en est le Racine. A l'égard du Vinaigre , la vérité nous oblige de dire que M. Maille en est tout à la fois le Corneille, le Racine, et le Crébillon.
** Il y avait au 107 rue de la Harpe, près de la place Saint-Michel, première porte cochère, puis à partir de 1793 au 15 de la rue du cimetière St André des Arts en entrant par la rue Hautefeuille et rue Foin-Saint-Jacques, au coin de la rue Boutebrie, une librairie tenue par Batilliot ainé et son frère cadet Pierre-Louis-Sauveur.
Notice la BNF :  Libraire ; au Cap-Français, imprimeur des commissaires nationaux civils (1792) ; de la municipalité et du gouvernement (1792). - Semble avoir d'abord exercé au Cap-Français (auj. Cap-Haïtien) comme libraire (en compagnie d'un frère) avant juillet 1788, puis à partir de 1790 comme imprimeur sous la raison : "Batilliot jeune" ou "Batilliot et compagnie". Publie le "Moniteur général de la partie française de Saint-Domingue" du 15 nov. 1791 au 20 juin 1793. De retour à Paris, travaille de 1795 environ à oct. 1800 avec son frère aîné sous la raison : "Batilliot frères". Breveté libraire à Paris le 1er oct. 1812 (brevet renouvelé le 24 mars 1820).  
***Joseph-Jean-Baptiste Albouy(1747-1809), dit Dazincourt est entré à la Comédie Française en 1776 et devint sociétaire en 1778. Il fut un célèbre Figaro. Cet Acteur a un talent formé, un jeu raisonné, beaucoup d'intelligence, de finesse & de vérité. Il est bon comédien, sans être farceur, & plaisant sans être outré(Mercure de France). Ami d’Alexandre dans les années 1780, il fut l’un des participants du fameux Souper du 1er février 1783 de même qu’il fut l’une des membres régulier du Jury dégustateur crée par Alexandre. Donc beaucoup de récurrences dans le GRIHL(dont pages 65, 79, 245, 249, 341, 348, 367) Comme Molé, il fut arrêté dans la nuit du 2 septembre 1793 pour avoir joué dans Paméla, il fut enfermé aux Madelonnettes. Ce fut un ami de La Reynière dès le début des années 1780 et il participa au fameux souper du 1erfévrier 1783 (voir le GRIHLpages 81 et ss.). Acteur apprécié, malgré son fort accent marseillais, on disait de lui que c’est un bon comique, plaisanterie mise à part. Il ne manquait d’ailleurs pas d’humour. Chargé de donner des cours de diction à la reine, il répondit à la question que lui posa Louis XVI : il faut avouer, Majesté, que la Reine lit royalement mal. Son principal défaut ? C’est la manie de rire de ce qu’il a dit et de donner ainsi aux spectateurs le signal des applaudissements (La nouvelle lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa., 1801, page 68).
****Jean-Baptiste Gay fut le secrétaire particulier de Laurent Grimod de La Reynière. Il avait été incarcéré à la prison  de piques le 20 février avec Suzanne de la Reynière (ainsi que la nièce de cette dernière, Maximilienne Baudot de Sainneville, comtesse d’Ourches). Il avait épousé Sophie Nichault de la Valette, écrivaine et salonnière. Une de leurs filles, Delphine Gay, écrivaine et journaliste, fut l’épouse d’Émile de Girardin.
*****Tartuffe,Molière, 1664 puis 1669. Le Mariage forcé :  comédie-ballet en un acte et en prose de Molière sur une musique de Lullyet de Charpentier, représentée pour la première fois au palais du Louvre, par ordre de sa Majesté le 29 janvier 1664, et donnée ensuite au public sur le Théâtre du Palais-Royal le 15 février 1664 par la troupe de Monsieur, frère unique du Roi.
******Louise Contat(1760-1810) fut une des actrices majeures du Français. Sa vie est un roman : voir ici. Lors de la scission de la Comédie française, elle suit la faction des aristocrate installée au Faubourg Saint Germain (théâtre de l’Odéon, renommé Théâtre de la Nation puis Théâtre de l’Égalité) Mademoiselle Contat à la figure belle et noble, Le regard vif et plein d’esprit, les manières faciles, le maintien décent et gracieux. Sa diction toujours juste ne permet jamais de soupçonner l'art, elle ne laisse échapper aucunes des intentions de l'auteur, et ses intonations sont si habilement nuancées, elles coïncident si parfaitement avec l'idée à exprimer, que son débit à toujours l'air d’être impromptu et qu’on ne peut supposer une autre manière de dire. (La nouvelle lorgnette des spectacles, par Fabien Pillet et aa., 1801, page 56) Sa sœur, Émilie Contat (1770-1846), elle aussi membre de la Comédie française eut une carrière beaucoup moins prestigieuse, mais fut une amie proche de La Reynière – elle fut une « Sœur » invitée aux séances du Jury dégustateur. 

Melle DevienneEntrée à la Comédie-Française en 1785 ; 185èmesociétaire en 1799 ; retraitée en 1813. En concurrence avec Melle Joly, jouait à merveille les rôles de soubrettes. Incarcérée le 3 septembre 1793 à Sainte-Pélagie, elle rejoint à sa sortie la faction des Républicains, au théâtre de la Montansier. Nous aimons à le répéter, cette actrice est essentiellement comédienne, et son talent est digne des plus beaux jours de la scène française (La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801, par Fabien Pillet et aa., page 79).

Anne-Françoise-Élisabeth Lange (1772-1825), dite Mademoiselle Lange est une autre actrice majeure du Français, elle aussi de la faction des aristocrates. A force d’amants et finalement d’un mariage avec un fortuné fournisseur aux armées, Michel Simon, elle mit un terme théâtral à sa carrière en 1797. Elle fut aussi une des plus célèbres « Merveilleuse » du DirectoireElle remplissait avec beaucoup de succès les rôles de jeunes amoureuses. Sa figure de vierge, la douceur de son organe, les grâces de son maintien et le ton sentimental de sa diction, tout en elle, jusqu’à son petit air hypocrite, convenait parfaitement à son emploi. (La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801, par Fabien Pillet et aa., page 144). Elle apparaît comme personnage principal de La fille de Mme Angotopéra comique de Charles Lecoq (1872).

Thomas Caumont, entré à la Comédie-Française en 1794 ; 208èmesociétaire en 1799 ; retraité en 1809. Spécialisé dans les « rôles à manteau » dont le type est Bartolo dans Le mariage de Figaro, acteur de premier ordre selon l’auteur de La nouvelle lorgnette des spectacles, le site de la Comédie française indique plus sobrement qu’il est unacteur modeste, juste et apprécié du public.


Lundi 3
Séjour à Paris – M. Dupont, galon Boulé 3m4m – Marchand de Laine rue des Lombards – Singe Vert*, peigne d’écaille, cafetière du Levant – Halle, céleri, choux fleurs – marchande Prie, raisins, navets, bœuf et veau –M. Bertin vitrier rue S. Thomas du Louvre – carreaux de vitre* – retour au logis – Dîner avec mad.  – Perruq – Visite de M. Daigremont – Lecture en haut – mad. vient m’y voir &c. – Lettre – Lecture – Visite à ma mère avec mad. Souper avec mad. Lecture et coucher en haut à 2h ½
* Bernard François VAUGEOIS était marchand tabletier et fabricant à l’enseigne du Singe Vert dont La Reynière parlera dans quasi toutes les éditions de l’Almanach des gourmands. « M. Vaugeois, rue des arcis, toujours l’orfèvre des Philosophes, vient d’être nomméSinge vert du Jury dégustateur. C’est assez direque tout ce qui sort de ses ateliers est parfaitement bien traité. Aucun Singe noir rouge, bleu ou violet même, etc. aux yeux impartiaux des vrais connaisseurs. » Almanach des Gourmands, 6èmeannée, page 301. Selon une notice d’Artcurial : « François Vaugeois est installé aux Halles, 176 rue des Arcis dans le quartier où sont réunis les artisans de cette corporation. Son enseigne au Singe Vert est curieusement similaire à celle de son confrère Martin Guillaume Biennais le Singe violet, qui lui a ouvert boutique près des Tuileries. », ce qui permet de comprendre l’allusion d’Alexandre au Singe Violet : il n’apprécie guère l’art de M.G. Biennais « fournisseur officiel du Premier Consul devenu Empereur, notamment pour les pièces d'orfèvrerie » tandis que « Vaugeois jouit d'une riche et prestigieuse clientèle. La baronne d'Oberkirch dans ses Mémoires sur la cour de Louis XVI et sur la société française avant 1789mentionne son passage le 25 juin 1784 au Singe Vert, tabletier en vogue de la rue des Arcis (…). Le 17 février 1786 elle fait de l'endroit, où il y a toujours foule de beau monde, son but de promenade. » 

« Le tabletier est celui qui a " L'art de faire toutes sortes de pièces délicates au tour et autres menus ouvrages en ivoire, écaille et bois précieux tels que jeux de trictrac, dames, échecs, tabatières, peignes… ". Les statuts de la corporation ont été renouvelés par une ordonnance de septembre 1741 : la communauté comprend dès lors les " maîtres et marchands peigniers, tablettiers, tourneurs, mouleurs, piqueurs, faiseurs et compositeurs de bois d'éventails, marquetteurs, tourneurs et tailleurs d'images d'yvoire et enjoliveurs de leurs ouvrages ". Ils ont le droit de fabriquer des bois d'éventail, des jeux, des dés, des croix, des tabatières, des peignes d'ivoire, d'écaille ou de buis. L'édit royal de 1776 les réunit aux luthiers et aux éventaillistes. »
**Mes lectrices et lecteurs fidèles se souviendront de l’explosion de la poudrerie de la plaine de Grenelle le 31 août 1794 encore aujourd’hui, la catastrophe industrielle la plus importante qui se soit produite en France. A 7h30, le 31 aout 1794, entre 30 et 150 tonnes de poudres explosèrent en trois fortes détonations provoquant plus de 1.000 morts. Les alentours subirent des dommages considérables, comme la destruction du couvent des visitandines situé à Chaillot. Le souffle de l’explosion provoqua la destruction de nombreuses vitres à travers toute la ville et de vitraux dans presque toutes les églises de Paris. On imagine donc que les vitriers de la ville furent dévalisés et que nombres de fenêtres restèrent sans vitre de longues semaines. Le mois de septembre ayant été particulièrement pluvieux, cela explique sans doute en partie que La Reynière, les pieds dans l’eau dans sa chambre dût s’installer à l’étage supérieur. 
La plaine de Grenelle s’étendait des Invalides au quartier de Javel. Jusqu’au milieu du XVIIIème siècle, la plaine était une zone agricole alluvionnaire avec comme construction principale le château-ferme de Grenelle, composé d’un hôtel seigneurial, une chapelle, des étables, une grange, des annexes (situés sur l’emplacement actuel de la place Duplex). L’abbaye de Saint-Germain, propriétaire du terrain en céda en 1751 la parcelle sur laquelle fut construite l’École Militaire. En 1790, le château devint bien national et fut transformé en poudrerie. 


Mardi 4
Séjour à Paris – M. Buzenet* Gagne Petit rue du Colombier, point de bas gris – à Cadet : conversation sur le commerce, adresse d’un écatisseur de drap, ce que c’est** ; il n’ y en n’a qu’un à Paris, M. Prin rue des Lavandières S. O *** prend 10s par coupon d’habit – Prix fixe rue de l’Éperon et S. André. Bas gris à Cadet à 19 – Sedan bleu nation teint en laine, 90 – M. Maille 4 douz. pots de moutarde assortis à 15**** – M. Armet*****, râpes – état des outils du nécessaire d’acajou- Son commis s’appelle Mauriset – Palais, Tribunal révolutionnaire, affaire du Comité de Nantes, front des accusés, instruction, juge ; manière d’interroger du président noble et adroite****** – Mme Aze, M. Aze*******, bien fatigué, nous cheminons ensemble jusqu’au grand Châtelet – Singe Vert, aune en acajou, toise id. 5.25 – Halle, M. Theurlot, beurre 54s. – pourquoi il a remonté********, conversation intéressante sur les causes de cette hausse – artichauts, champignons – Palais Royal – Cour des Fontaines – M. Maret Libraire, abonnement à l’Oratoire du Peuple pour ma tante, pour trois mois. – retour au logis – Dîner avec mad. M. Gay et Mme Bouvet – Perruq – Théâtre de la République parquet, on joue La Pupille, mal et lourdement – Cange ou le Commissionnaire de S. Lazare, pièce nouvelle du citoyen Cannat, mal écrite, mal conduite, intéressante par le fond, jouée médiocrement, assez bien par Michot ; et Le Conteur ou Les deux Postes, comédie en trois actes en prose du citoyen Picard. Jouée passablement, par Grandmesnil, Raymond, Melle Candeille, La Rochelle, Melle Joly, &c. pièce où les règles d’unité sont violées, mal écrite conduite embarrassée, trop d’incidents, situations ébauchées, et non nécessaires, sans intérêt, mais remplie d’intentions vraiment comiques, et dont une plume habile aurait pu faire sinon un bon, tout au moins un agréable ouvrage. M. Petit – rencontre chez lui de M. Prévost de S. Lucien*********, reconnaissance – retour au logis – visite à ma mère avec mad. et M. Gay l’ainé – Souper avec mad. Et M. Gay l’aîné – Lecture et coucher en haut à 3h ¼
* Au Gagne Petit, rue du Colombier, derrière l’Abbaye Saint-Germain, n° 35, ouvert par Buzenet Père & Fils en 1792, était un Magasin « de soieries, Draperies, Indiennes, toiles d’orange & de Jouy de toutes qualités, perses, toiles blanches, mousselines unies, brodées et rayées ; linon batistes ; Gazes ; Satins & Taffetas d’Italie ; à très-grand marché ».
** Puisque La Reynière ne vous le dit pas, je vais vous le dire, moi. L’écatisseur de drap produit un drap « cati » c’est à dire tondu et pressé à chaud pour lui donné son lustre. La perfection du drap cati est de présenter au toucher un tissu bien clos, bien serré, d’un grain bien fin, bien égal, qui imite la peau (voir ici)Le drap cati était un drap cher, porté par les bourgeois. La Révolution, en mettant fin aux corporations, a permis le développement et la démocratisation de cette technique. Elbeuf était réputée pour sa production de drap cati Voir 5 novembre : drap à poil
*** M. Prin était répertorié comme teinturier, rue des Lavandières au n°6. 
**** 48 pots de moutardes : voilà la preuve que La Reynière trafiquait pour satisfaire son besoin d’accumuler, et se faire de l’argent – renouant ainsi avec son passé d’épicier lyonnais – rue Mercière, au Magasin de Montpellier (voir le GRIHL pages 165 et 166). Dans sa retraite à Villers sur Orge, il a eu cette même tendance maladive à l’accumulation et à la petite épicerie (voir le GRIHL page 384).
***** Armet, quincailler rue de la Barillerie, n°37, section de la cité. La rue de la Barillerie commençait quai de l’Horloge et finissait quai des Orfèvres. Supprimée lors da la construction du boulevard du Palais en 1858, elle devait son nom aux barils de vins qui y étaient fabriqués. Il semble que La Reynière était un chaland habitué de cette quincaillerie.
***** En septembre 1793, 132 notables nantais, « modérés » ou royalistes furent arrêtés pour actes contre révolutionnaires sur ordre de Jean-Baptiste Carrier– le boucher de Nantes, aussi sanguinaire que Fouché le fut à Lyon – lequel  avait en outre des visées sur les biens des personnes arrêtées. Enfermés d’abord à Nantes puis transférés à Paris en Février 94, ceux qui survécurent aux prisons et au transport (94) ne durent leur salut qu’à la chute de Robespierre. Jugés en septembre 94, tous furent blanchis. L’audience à laquelle assista La Reynière en ce 4 novembre 94 concernait sans doute un des membres du Comité Révolutionnaire de Nantes. Leur procès se tint en effet du 16 octobre au 16 décembre. J. B. Carrier Michel Moreau-Grandmaison et Jean Pinard fur condamnés à mort et guillotinés en Place de Grève ce même 16 décembre. Les autres (au nombre de 11), en plaidant n’avoir fait qu’exécuter les ordres de J.B. Carrier, furent acquittés.
****** Voir l’introduction du mois de juillet du Journal, et les pages 69 et suivantes du GRIHL.
******* Effectivement, voir le 12 octobre : le (beurre) fin à 3, le beurre blanc de pays en livres 2.8 à 2.10
********La Pupille, comédie en un acte mais 21 scènes, en prose mêlée d’airs, par Monsieur Fagan, représentée pour la première fois en juillet 1734 ; Cange ou le Commissionnaire de LazareFait Historique en un acte et en prose, offert à la Convention nationale par Gamas, d’après Guizot, représenté pour la première fois sur le théâtre de la République le 30 octobre 1794 (pas moins de 4 pièces furent écrites en l’honneur de Joseph Cange, geôlier plein de compassion, parangon de l’honnête homme) ; Le Conteur ou Les deux Postescomédie en trois actes et en prose, par Louis Benoit Picard,de l’Académie française, représentée pour la première fois sur le Théâtre Français de la rue de Richelieu le 22 fructidor an II (8 septembre 1794) ; 
*********Roch-Henri Prévost de Saint-Lucien (1740-1808) : Imprimeur-libraire ; juriste et homme de lettres. - Reçu avocat au parlement de Paris en fév. 1767. Polygraphe et notamment auteur de pièces de théâtre, d'ouvrages élémentaires de grammaire, d'art, de droit et de diverses brochures. Se qualifie d'homme de loi. Imprime et commercialise essentiellement ses propres ouvrages. Publie aussi sous les raisons : "À la Réunion des arts" (ans VII et VIII) ; "Imprimerie du Boulevard de la porte Martin à celle Denis" ; "Imprimerie de la Réunion des arts" (an VIII) Source : Notice de la BNF).


Mercredi 5
Séjour à Paris – Jambes dans l’eau – Lettr. Prix fixe rue de Richelieu n°1223 – M. Petit – visite à M. Cornillon, sorti – Poste aux lettres – Halle, drap à poil en ¾ 32 –  Singe Vert, jetons, toise, aune ; Bourses à jetons, Baguenaudier* &c. – Boucle raccommodée quai de Gesvres – M. Armet – Palais, M. Aze – Rencontre de Rousseaux rue S. André – Prix fixe rue S. André au coin de la rue de l’Eperon – Drap de Sedan teint en fil à 85. Drap à poil à 14. Belle toile de coton de Troyes, fabrique de M. Viard, drapée à 8 et 9. Marchand fort honnête et fort accommodant – retour au logis – Dîner avec mas, M. Aze, M. Gay l’aîné – et M. Georges Bouvet non prié, humeur – Visite de M. Daigremont – Après dîner, mad. va au théâtre de la République avec M. Gay l’aîné – Seul, Perruq – Projet de voyage avec M. Aze – Visite à ma mère avec M. Aze – en haut avec le même – seul. M. Trianon – retour au logis – préparation – Lecture en haut – Visite à ma mère, j’y trouve mad. arrivée de la Comédie – Souper avec mad. jambes dans l’eau – en haut avec mad. - seul id. lecture – Coucher à 3 heures.
*Le drap à poil est un drap rustique, non cati
** Le baguenaudierest un arbrisseau dont les fruits, les baguenaudes, ont la forme d’une gousse qui enfle à maturité et deviennent translucides, d’où son nom d’arbre à vessies. Il a donné son nom à un casse-tête inventé par Jérome Cardan(1501-1576, mathématicien, philosophe, astrologue, médecin, inventeur tout à fait extravagant : voir ici,et encore .
*** la fabrique Legendre-Viard de Troyes était effectivement réputée pour ses étoffes en coton.

Jeudi 6
Séjour à Paris – Cour de l’Orangerie*, manchon marchande. 72 – Visite à M. Chauchollet, rue de Verneuil n°87, sorti – Visite à M. Augier**, malade en campagne – Bottes d’Huzard à 6 et 8. Rue S . André – M. Maradan***  facture de bons livres de 200 – M. Maille, commission de vinaigre, préparée – Vallée****, oie grasse et jolie dinde – retour au logis – Dîner avec mad. M. Santerre***** et M. Cornillon – Visite de MM. Daigremont, de Verneuil, Mlle Bouvet, Mme Bouvet, M. Portaillier et M. Neveu – Mad. sort avec les dames Bouvet – moi avec Portaillier Théâtre du Vaudeville  où on joue L’Héroïne de Mithier******(…) Parquet – M. Petit – retour au logis avec mad. que nous trouvons, M. Dubois, M. Santerre – Pieds dans l’eau – Lecture en haut – nuit blanche déclamation Papiers rangés, méprise épistolaire – Coucher à 6h ¾
* Cour de l’Orangerie des Tuileries.
** Augier est le gendre d’Edme Restif de la Bretonne, qui dénonçait celui-ci quand lorsqu’il écrivait des grafitis sur les ponts de Paris (ses Inscriptions).
*** Claude François Maradan : Entré en apprentissage en mars 1787, il est reçu libraire dès le 22 déc. 1787. En faillite une première fois en août 1790 puis une deuxième en nov. 1803, sans doute sauvé par le succès de la première édition de l’Almanach des Gourmands. Fut l’éditeur et l’ami de La Reynière, et même son exécuteur testamentaire – mais La Reynière mourut après la mort de Maradan. De nombreuses références dans le du GRIHLà partir de la page 271.
**** Marché de la Vallée : situé quai des Grands-Augustins sur l’emplacement du couvent et du cloître des Grands-Augustins, c’était le concurrent de la Halle sur la Rive gauche de la Seine pour ce qui était de la volaille et des gibiers.
*****Probablement Nicolas-Philippe Santerre (1733-1796), avocat au Parlement de Paris, notaire royal à Magny, à moins qu’il ne s’agisse de son fils Hugues-Philippe (1763-1829) notaire royal et maire de Magny. M. Santerre écrivait des vers (voir 18 octobre)
****** L'héroïne de Mithier, vaudeville en 1 acte, par le citoyen Decheaume et le citoyen Barral. Représenté pour la première fois le 3 Fructidor an 2 (20 août 1794) au Théâtre du Vaudeville. Trait de courage qui a eu lieu lorsque les brigands s'emparèrent de Mithier (Saint-Mithier est un village de Vendée). Une jeune femme, assise dans sa boutique, entourée de ses enfants, un pistolet ajusté sur un baril de poudre, menace les scélérats de faire sauter la maison, s'ils ne se retirent.(Almanach des Muses, 1795).

Vendredi 7 
Séjour à Paris – Nourrice, dej avec elle – Sortie ensemble – M. Vilenne dégraisseur – M. de Presle, Tailleur, mesure du pantalon – Je rejoins la nourrice Pilliers de la tonnellerie* – velours de coton imprimé rue de la Cordonnerie**, à 14,10 – halle, viande de bœuf et mouton à 22. - Marchande Prie – céleri, salsifis, citrons, raie, moule – Marchande Prie, raisin de Fontainebleau, nèfles, Pomme d’apis – la nourrice fait mener le tout au logis – Seul. M. Caffard, doreur*** rue de la Ferronnerie, boutons Sur dorés à 8. La douzaine – M. de Presle, je reprends mon panier – M. Chardon****, chapeau ½ castor*****, commis, 40 – conversation sur cette partie avec son 1erclerc, homme doux, et instruit – Marchand d’habit rue Dauphine, je laisse le Porte-Manteau à raccommoder – Chandelière****** rue Mazarine, bougie moulée, des 6, des 8, des 10 et 12 à 8 la douzaine – retour au logis – Dîner avec mad. et M. Mercier******* (et M. de Verneuil). Tendresses amitiés réciproques – perruq avant – Visite avec M. Mercier à ma mère qui l’accueille très bien – Sorti seul, tour aux Tuileries – Epicier rue S. Honoré – près celle du dauphin encre d’argonne – M. Rousseau, Coutel. Rasoir ordinaire fin 6. – un davier coûte 10 – visite à M. Lecocq, malade, conversation avec Mme Lecocq – retour au logis – Visite à ma mère avec mad. Souper avec mad. – ensemble en  haut &c. – Lecture, déclamation, - coucher à 3h.
* La rue de la Tonnellerie a disparu en 1866 lors de la reconstruction des Halles par Victor Baltard (voir une photo ici). Parfois aussi appelée rue des Grands Piliers des Halles. Les “piliers des Halles” étaient des boutiques sous arcades, à l’abri des intempéries, caractéristiques de l’architecture commerçante du quartier des Halles. Leur construction aurait remonté à la fin du XIIIe siècle pour les plus anciens piliers, comme on peut le voir sur cette photode Charles Marville - avec en outre une notice très détaillée sur la rue de Tonnellerie.
** Larivière, drapier rue de la Cordonnerie au n° 364.
*** Beaugrand, doreur rue de la Ferronnerie au n° 190 ;
**** Chardon, chapelier rue de la Monnaie n° 24.
*****À l'origine le demi-castor était un chapeau d'homme où le poil de castor était mélangé à de la fourrure moins chère. A la fin du XIXème siècle, l’expression s'appliquera à toute personne suspecte, équivoque, puis aux femmes de moeurs légères : Le demi-castor est une femme qui souvent, a été du monde, qui a toujours l'air d'en être et qui, en réalité, n'est plus qu'une industrielle ou une industrieuse de l'amour, comme il vous plaira(L’amour à Paris – Nouveaux mémoires – Les industries de l’amour, par Goron, ancien chef de la Police de Sûreté, 1899) 

****** Gueux, chandelière rue Mazarine au n°1717
******* Voir note au 1er novembre.


Samedi 10
Séjour à Paris – Porte de l’Orangerie – manchon pour mad. 65 – Librairie sur la Terrasse des Feuillants, brochures curieuses – Molière 1734 6. Vol. in quarto rel. Peau 140* – Porte de Dazincourt Lettr. – Rue S. Honoré, M. Dugué** – Épingles hors de prix – M. de Presle – Marchande de porcelaine pont neuf – Vallée, mauviettes, perdrix – 2 cochons chez M. – Marc d’argent à 55. 2 superbes lapins 20 – cochon de mer et autre lapin par dessus le marché, le tout chez lui rue de l’hirondelle – ensemble vin du marché rue id. – seul M. Cochois patissier au Puits Certain, tête de veau à 25. – Mme Duchesne*** – Porcelaine – M. Dumoulin****, drapier rue de la Monnaie, beau louviers mélangé à 75 – original malhonnête – M. de Presle – dégraissage apportés – Tuilerie Molière à 140 manchon pris – retour au logis – animaux apportés – dîner avec mad.  M. Portaillier et M. des Fraiches, V. ny.t de Rouen – Mad. va avec lui à la Comédie – seul avec M. Portaillier, visite de sa chambre – de l’entrepôt de Jacquemin, futaine trouvée – visite à ma mère – je lui présente Portaillier – souper avec mad ; - (visite de M. Neveu) – lecture et coucher en haut à 3h.
* Ces œuvres complètes de Molière (6 volumes grand in-4, plein veau fauve marbré, triple filet doré encadrant les plats, dos à nerfs richement ornés de fleurons dorés, pièces de titre et de tomaison en maroquin rouge et citron, double filet or sur les coupes) furent publiées en 1734 chez Joly, éditeur ….Cette édition, donnée par M. Joly, contient un Avertissement de  lui, et des Mémoires sur la vie et les ouvrages de Molière, par La Serre, dont le travail fut préféré par l’éditeur à celui de Voltaire. Elle fut somptueusement illustrée par Boucher, et considérée comme un des plus beaux livres de la première partie du XVIIIème siècle (voirici)François-Antoine Jolly (1662-1753) était Censeur royal, dramaturge et librettiste. La Reynière fera l’acquisition de cet ouvrage (voir plus bas). Pour lui-même ou pour le revendre, il ne le précise pas. 
** Dugué est répertorié comme mercier rue S. Honoré au n° 88 (section des Halles)
*** Jean Nicolas Duchesne (1757-1845), Reçu libraire le 22 déc. 1787, dit alors âgé d'environ 30 ansrue S. Jacques n°47. Son fonds aurait été repris vers 1791 par Jean-Nicolas Barba.En 1793, Il était probablement commissionnaire en librairie. C’est chez sa mère, la Vve Duchesne que La Reynière fit la connaissance de Restif de la Bretonnele 22 novembre 17882, à l’occasion de la publication de L’AndrographeIl était le fils de Bonaventure Duchesne (1710?-1765) libraire. - Originaire de Saint-Maurice-en-Cotentin (Manche) et fils de laboureur. D'abord employé chez l'imprimeur-libraire parisien Pierre Prault, il commence vers 1744 ou peu avant à exercer la librairie sans avoir été reçu maître. Gendre de l'imprimeur-libraire André Cailleau (168.-1751) à partir de 1747, il est reçu officiellement libraire le 6 nov. 1751, sur ordre du chancelier, malgré l'opposition de toute la communauté des libraires et imprimeurs de Paris. D'après l'"Historique des libraires..." de l'inspecteur Joseph d'Hémery, à la date du 1er janv. 1752, il est âgé de 41 ans. A pour commis et associé Pierre Guy, originaire de Montpellier. Mort accidentellement le 4 juillet 1765 à Paris. L'inventaire après décès du 9 juillet suivant décrit un fonds de librairie évalué à plus de 260 000 l. Sa veuve Marie-Antoinette Cailleau (17..-1793) lui succède, assistée de son premier commis P. Guy, puis de son fils Jean-Nicolas Duchesne (1757-1845). 
Adresses : Rue Saint-Jacques (n° 48) [1787-1790]. - Rue Saint-Jacques, n° 47 [1790-1794]. - Rue Saint-Jacques, n° 40 [1796]. - Rue des Grands-Augustins  n° 30) [1797-1804]. - Rue des Grands-Augustins, n° 20 [1808]. - Rue Serpente (n° 12) [sept. 1810 - 1829]. - Enseigne(s) : Au Temple du goût [1787-1790].
**** Dumoulin est répertorié comme drapier rue de la monnaie au n° 22 (section du museum). 
Cochois, pâtissier rue des Déchargeurs au n0 240, section des gardes françaises.

Dimanche 9
Séjour à Paris – Dej. Avec mad. et M. Gay – marchand de sabots rue Dauphine, porte manteau – Marchand de fourneaux* rue Mazarine, fourneaux buchet de bois non raccommodé rue Dauphine – magasin de draps rue de l’Éperon, bas de soie cravates – draps – M. Armet**, marché conclu de sa boite d‘outils à 320. Je lui donne 70. d’arrhes – Palais***, Mme Aze, Pot à eau d’argent haché avec sa cuvette 70. – M. Gorcher fils, quai de l’Horloge, crayons – M. Chardon, chapeau castor ½ payé 40. Emporté – retour au logis – Perruq – Diner chez mad. la mère avec M. Lecocq, M. Mercier et Dazincourt (qui montent chez nous avant) Mme d’Ourches. M. Donnezan et MM. Gay – Dîner assez gai au jardin – conversation avec M. Lecocq sur Lyon, dont il arrive – Avec M. Mercier chambre en haut. Conversation sur les gens de lettres de Paris – Il s’en va – Rendez-vous demain avec lui au museum – Seul, chambre, lapins – Visite de M. Gay – Mad rentre avec M. Santerre et M. Gay l’aîné – en haut, avec M. Gay, puis chez ma mère – Souper avec mad. et M. Santerre – coucher en haut à 12h ¾.
* Courtois, répertorié comme chaudronnier rue Mazarine au n°1541
** Voir le 4 novembre. La Reynière a souvent visité M. Armet en octobre et novembre. 
***


Lundi 10
Séjour à Paris – M. Trianon, solde – M. Lauran, fe. pas gracieuse boutique qui dégénère* - Petite pâtés, biscuits – Tuileries, queues de Robespierre, recherche, et bonne volonté inutiles – Singe Vert Bilboquet de joueur, autre de 10 pièce, dévidoirs – articles conseq. Mis à part, rouets, beurr., coffres forts etc. Commission environ 500 – halle, M. Theurlot, je prends mon beurre et mon fromage – M. Chardon, mauvais chapeau laissé – retour au logis, groupes et fermentation sur la terrasse des Tuileries – retour au logis – Perruq – Dîner avec mad. MM. Portallier – de Verneuil, les 2 MM. Gay, M. Cornillon, M. Santerre, M. des Fraiches. Excellente tête de veau du Puits Certain – gigot, alouettes, macaronis, crème au chocolat, en tout le meilleur dîner que j’aie encore donné, et à proportion le moins coûteux – cochon en visite  fait l’admiration de la compagnie – Visite de M. Hennin – Hilarité de M. de Verneuil – Mad. va promener avec MM. Gay, Santerre et des Fraiches – Lettre que celui-ci me donne pour sa maison de Rouen – avec M. Portailler et M. Gay, visite à ma mère, cochon, dinde – souper avec mad. – Lecture et coucher en haut à 2h. ½.
* Effectivement, aucun M. ou Mme Lauren n’est répertoriée dans l’Almanach du Commerce de 1798.
** Tout comme avec M. Maille (voir 4 novembre) ; La Reynière est commissionné par le Singe Vert, dont on comprend désormais les nombreuses visites et les achats multiples de Bilboquets et autres jeux ou ustensiles en bois. 

Mardi 11
Séjour à Paris – Visite à M. Gay – à Mme Durand*, coupon de mouss. rendus d’assez bonne grâce –  Dej. Avec mad. et M. Cornillon –Visite de Mme de la Borde, amie de mad. – avec M. Gay Comité Civil de la Section des Champs-Elysées – Passeport – formalités à remplir – Seul, M. Goujon marchand de livres grande cour du Palais-Royal – Mairie, bureau de la contr. Patriotique***, n’ouvre que de 9. à 12 ½. – M. Armet, romaine à cadran pesant jusqu’à 100 à 42 pr. march. – Pony au change, petite brosse – M. Vaugeois****, solde de la facture de 528 compris l’escompte à 4p.cent et le rabais d’environ 20 à 22% pour marchands . – marchand agriministe***** rue aux Fers – Boutons de soie r. Carmagnole -  Prix arrêter du gros soie 3 12. pour 75. la de. – halle viande beau bœuf à 24 – M. de Presle, remise des Bout. – Palais-Royal patisserie sous les galerie ? pièce de 15. En gage pour 9. vaine recherche
* Durand est répertorié comme fourreur rue S. Honoré n°53.
** Les Romaines à cadrans sont des balances sans poids ni fléau et qui marquent le poids sur un cadran par le moyen d’une aiguille. (inventeur M. Hanin ?). Ici, La Reynière parle vraisemblablement d’une balance pouvant peser jusqu’à 100 livres, et qui est vendue 42 livres au prix marchands. Armet serait ainsi un autre commerçant qui aurait commissionné La Reynière.
*** Le Bureau de la contribution patriotique, au ministère des finances, rue Neuve des Petits-Champs (2èmesection, 1èredivision). La contribution patriotique a été créée par Necker, par un décret du 6 octobre 1789. Elle était conçue à l’origine comme une contribution volontaire d’au minimum 25% des revenus pour les citoyens ayant plus de 400 livres de revenus. Cette contributions serait remboursable – c’était en fait un emprunt sans intérêt. Les rentrée espérées (400 millions de livres) furent largement déçues : déclarations tardives, sous évaluations grossières, exemptions arbitraire : la course à l’évasion fiscale par les privilégiés (clergé, notables) était lancée, tandis que la perception de cette contribution donna lieu à une vague de dénonciations. En 1791, cette contribution patriotique fut transformée en impôt exceptionnel, dont le recouvrement durait encore en 1794 et même en 1798 si l’on en croit la persistance d’un beau de la contribution patriotique à Paris cette année là.
****M. Vaugeois est le propriétaire du Singe Vert. Cf plus haut notes au 3 et 10 novembre.
***** Un mercier agréministe est spécialisé dans les ornements des parures des femmes. Les belles dames, dont la fantaisie commande ces ouvrages momentanés, susceptibles de variations infinies ignorent sans doute que les ouvriers qui façonnent les agréments dont elles ornent leurs robes, se nomment agriministes.(Sébastien Mercier, Néologie ou Vocabulaire des mots nouveaux, t. 1, 1801, p. 18). Par une ironie du destin, il y a un M. Mercier, mercier-boutonnier rue aux Fers n°542.


Mercredi 12
Séjour à Paris – Dej. Avec M. Gay et M. Vaugeois, marchandises apportées par lui – solde – Tuileries brochures – M. Vilenne – Tailleur – M. Dupont – frippier – chandel. Rue S. Germain (M. Cordel – Pont au change – petit bonhomme à racommoder – M. Maille, commission de vinaigre préparée – M. Dessas. Sorti – Bureau du Moniteur renouvell. pour 3 mois –M. Dessas son commis prend la commiss. – M. Praule, Rose et Picard – Marchand Marc d’argent Vallée, dindon vif et gras 12 – M. Frippier rue S. Germain – M. de Presle, pantalon emporté – retour au logis – patronilles – Dîner seul à 6 heures vis à vis de mad. -  Visite de M. Santerre – Lecture en haut – Souper avec mad. – Lecture en haut – Coucher à 12h. ½.


Jeudi 13
Séjour à Paris – Visite de M. Prestat, ami du Singe Vert fabr. de portefeuilles maroquin déprisés* et il est vrai avariés – dej. avec lui, mad. et Portallier – rue de Grenelle S.G. - Bougie chez un tailleur, prix de ses façons, ouvrier allemand, paraît brave – Madame Dupont*** grainière rue de Viarmes n°26 vesce à 7.10 s. 6.10 fèveroles 8 lentilles 17.12 fécule de pomme de terre 45s. – M. Bignon****, dépôt de graines – rue Dauphine portemanteau raccommodé – M. Bourjot****** rats de cave à 7 et 10 – M. Dessaq. Libraire – Libr.  voutes du Louvre – M. Bignon – retour au logis – Dîner avec mad. M. des Fresches, M. Portallier, - Lecture en haut – mad. va aux Variétés avec M. Desfresches – visite à ma mère – Mad. y vient – Souper avec mad. point de pain – Chambre en haut – mad. s’y rend &c. (…) Lecture – Coucher à 2h ½.
* déprisé : évalué en-dessous de sa valeur
** A cette époque, une partie de la rue de Grenelle s’appelait « rue de Grenelle-Saint-Germain » et l'autre partie « rue de Grenelle-Gros-Caillou ».
*** Madame Dupont est répertoriée au n° 35 rue des Viarmes, quartier de la Halle au blé ; la vesce et la féveroles sont est une fève du genre vicia faba. 
**** M. Bignon est répertorié comme épicier rue du Fbg Montmartre, n°89 (Almanach du commerce de Paris pour 1798).
***** A l’époque, raccommoder signifiait refaire, remettre en bon état.
****** Le Rat de Cave est un bougeoir à double fonction : celle d'éclairer la cave, et ensuite, la couleur de la flamme indiquait s'il y avait des dégagements de gaz témoignant que le vin subissait une transformation chimique. On trouve la trace d’un M. Bourjot, marchand de fer, au 13 de la rue de la Grange Batelière. Peut-être fabriquait-il ou vendait-il des Rats de cave.
Il y a une famille desfresches manufacturiers de draps à Elbeuf
Ernest fournier de flaix la réforme de l’impot en ffrance sur gallica, pp 394 et ss.

Vendredi 14
Séjour à Paris – visite de M. ….. de Lyon –M. Portallier. Il me remet la quittance de ma contribution patriotique – section – Comité civil, M. Gillerond, Commiss. de Police me fait mon passeport très gracieusement – gracieuseté des commissaires – Cordonnier rue des Vieux augustins* prix courant des chaussures de femme et d’homme – visite à M.G. Bouvet, sorti – Épicier rue Montmartre, cassonade à 7.10, à 5.10 - halle, choux fleurs, artichauts – Beurre – Singe Vert – M. Duval marrons glacés à 8. – Agréministe rue aux Fers – Boutons non faits -  Halle, je prends le beurre – Vannier, marché aux fruits, panier à anse, soufflet de cuisine, spatules – halle, escarole, chicorée – parfumeur rue Montorgueil – poudre annoncée 25s. coûte 42 – Épicier rue Montmartre, je prends mes mises – M. Costel – dépôt du Panier – Sirop d’orgeat à 4 le….. – retour au logis- Dîner seul – à 5h mad. à la comédie avec M.Portallier – Visite de M. Neveu – de M. Santerre – Lecture en haut avec Lui – remise à lui des tab. Chinois – sorti à 8h ½ - Palais Royal – M. Petit – promenade autour, recherches longues – Rue de …. – retour au logis – Visite à ma mère, j’y trouve mad. – Souper avec mad. - Lecture en haut – coucher à 1h. ½.

Samedi 15
Séjour à Paris – Département – ne point les passeports – Fayancier rue S. Honoré* – assiettes anglaises à 12 et 15. autres façon d’Angleterre à 10 – halle turbot, merlans à 30s., viande bœuf à 22. Mouton à 20 – M. Dupont** – Morc. de tapiss. laissé, il se charge de me faire porter la viande – M. de Presle, solde -  M. Vilenne – fayancier, solde des assiettes 6. douz. dont 5 à 12. 1 à 15.- retour au logis – Dîner avec mad. qui ne mange point - Perr. - papillottes – lecture en haut – visite à ma mère, j’y trouve mad. – Souper avec mad. -  Lecture en haut – coucher à 1h. ½.
* Collot, fayancier rue S. Honoré au n° 1440 ou Duval au n° 335 ou Lagarrigue au n° 280 ou Paris au n° 1413 ou Vernet au n° 13.
** Il s’agit peut-être de Dupont, marchand de meubles, dont la boutique était rue de la Tonnellerie au n° 627 (Almanach du commerce de Paris pour 1798).


Dimanche 16
Séjour à Paris – Livres marchandés quai des… - M. Huguenet, rue S. André – M. Batilliot – M. Maille – M. Armet – M. Aze au Palais – Pont au change, petit bonhomme raccommodé, et cassé dans ma poche – M. Cordel, coins et merlin- M. Dupont gal. non - Épicier rue Montmartre, plus de belle cassonade, plus de glû – Pruneaux fleuris à 38s. – retour au logis – Dej. avec mad. et M. Santerre – Visite de M. de Verneuil, de Mme d’Ourches – Perruq – Solde – Dîner chez ma mère avec mad. Mme d’Ourches, M. Neveu, MMs. Poissonier, M. Gay – Salon – remontée à 5h ½. – mad. ne veut plus aller au spectacle – Lecture en haut bonne séance – descendu chez mad. vers 11h. – Souper par cœur – en haut, pain, limonade – Lecture et coucher à 1 heure ½.
·      Cely, cordonnier rue des Vieux-Augustins n° 4-56, section du Mail.

Neveu, instituteur en matière de dessin d’art  à Polytechnique, au titre de « modèle à copier ».


Lundi 17
Séjour à Paris – M. de Presle –M. Dupont – Vallée mauviettes – M. … n’a pas le temps d’auner* les velours – Visite à Mme Sainville** sortie – Poularde, rue des Francs-Bourgeois. 7. Erreur de 5, réparée - Visite à M.Mercier, dej – M.Dessaq – Vallée, je prends les mauviettes – Vitrier rue S. Germain*** - Glu rue S. Jacques de la Boucherie*** à 6. la… - Vitrier M. Dupont ….. brûlée rapp. 3 … 1. 4. gr. à 132 – halle cresson – Halle au bled, vesce noire , son, -retour au logis – Diner avec mad. et M. Mercier, puis M. Portallier – visite de M. Hennin – de M. Dazincourt – de M. Desfreisches – avec M. Mercier – visite à ma mère – Livres – collationnés – visite à ma mère avec mad. – Souper avec mad. – et M. Gay l’aîné – Lecture en haut - coucher à 1 heure ½.
* Pourtant, en 1793, le système métrique décimal avait abolit « pour toujours » cette « aune de Paris de quatre pieds romains ». Il est vrai que l’aune fut réintroduite en 1812, alors équivalente à 1,20m.
** Madame Sainville est citée dans le GRIHLpage 252, quand elle intervint auprès de Collot d’Herbois, puis de Danton pour faire libérer son frère, Fleury, emprisonné comme les autres comédiens de la Comédie française. Le premier lui répondit :Les temps sont bien changés. Maintenant, tu viens me supplier, mais n’espère rien ; ton frère est un aristocrate, il dansera comme les autres.  Et le second : On ne m’attendrit pas, vous demandez l’impossible.
*** Defond, vitrier rue S. Germain au n°16, section du Muséum. La rue S. Germain (l’Auxerrois) commençait rue S. Denis et s’achevait rue de la Monnaie et place des trois Maries.
**** La rue S. Jacques de la Boucherie a disparu lors du percement de l’avenue Victoria.


Mardi 18 
Séjour à Paris -  M. Vilenne japon dégraissé -M. de Presle pantalon arrangé – M. Chardon – M. Mercier Boutonnier rue aux Fers – Marché des Innocents, drap noir - M. de Presle – Visite à M. Aze – restant des arrhes du départ donné – Palais, adieux à Mme Aze – Librairie Mme Maille, facture non encore arrangée – Épicier rue S. André – riz – M. Daguet* solde du velours 530. 15. – Marchandise en échange 5_7 – (après M.Aze, M. Harreux, bas de Coton) – Epicier rue S. André – Riz, pris – frippier rue 
Dauphine sac de nuit en tapisserie 11 – M. Chardon, chapeau raccommodé gratis – retour au logis – dîner avec mad. – elle va à l’opéra avec M. des fresches – Visite de M. Santerre- Commis de M. Daguet – Je lui remets 21. ½ velours à 28 ; - Paquets avec M. Portaillier – visite à ma mère, j’y trouve mad. adieux à ma mère – Souper avec mad. et M. Gay – Coucher en haut à 1h.
*Daguet, drapier rue S . André des Arts au n° 37, section du Théâtre Français

Mercredi 19
Excursion aux environs de Paris – Porte manteau sac de nuit – adieu à mad. – et M. Portaillier – cher M.Aze, déjeuner ensemble – chair – aut. Rue S. Denis, fr. d’Italie – Bur. des Voitures S.S.Denis – Guinguette* à 6 places – Départ avec M. Aze pour son château de Montmélian – Voiture bien composée, arquebusier du f.R. Déjeuner à Louvre, arrivée à Montmélian**, visite au maire***, meunier C. …. entrée dans la tour - Paquets défaits - Dîner avec M. Aze à 6h. Souper au lait – fromage d’Italie – histoire de son fils aîné – coucher à 8h ½
* Guinguette : voiture des postes à deux roues, à six ou à huit places conduites par un ou deux chevaux. Elles partaient de Paris tous les jours du 1eravril au 1ernovembre, et deux fois pas semaines du 1ernovembre au 1eravril. Pour plus de détail sur le fonctionnement des guinguettes, voir ici le décret du Conseil d’Etatdu Roi qui organise tout cela. Ainsi appelées parce que, comme les cabriolet, elles sautaient à la manière d’une chèvre (capra – qui a donné cabriole, cabriolet, tandis que guinguette serait dérivé de gigue, la jambe, et de giguer, puis guinguerdanser).
** Château de Montmélian : Ancien château royal du XIème siècle, en bordure de la forêt d’Ermenonville. (Saint-Louis y séjournait, paraît il, lors de son départ pour la 7eme croisade, qui dépérit au 17eme siècle, ainsi que le village au profit du château de Mortefontaine. Pillé pendant la révolution, son propriétaire, Louis Le Peletierde Mortefontaine, vendit la seigneurie au banquier Joseph Duruey en 1790. Celui-ci, pour avoir géré la fortune de la du Barry, fut exécuté en mars 1794. Il ne restait à l’époque qu’un petit monticule où s'entassent et se cachent quelques vestiges du passé, recouverts de terre, et où les hautes herbes, les ronces et les taillis reprennent leurs droits. Au nord-est, les ruines du pont-levis, ainsi que la Tour Carrée, une habitation avait pu être aménagée en son sein(voir ici). Le château de Mortefontaine fut racheté par Joseph Bonaparte en 1798 et les autres parties du domaine vendues séparément. . M. Aze ne figure pas dans le la liste des propriétaires du domaine, et d’ailleurs on ne trouve aucune trace, nulle part, de M. Aze, à croire que ce personnage, pourtant très présent dans l’œuvre et la vie de La Reynière, est une invention de sa part.
Louvres : à 28 km du relais de poste de la rue S. Denis. La distance entre Louvres et la butte de Montmélian est d’environ 11 km.
*** Il s’agit du maire de Mortefontaine. Le village de Montmélian avait disparu au cours du 17ème siècle. 



http://maquettes-hippomobiles.over-blog.com/2017/01/grelot-de-poste-et-l-histoire-de-la-poste-article-2/2.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Le_Peletier_de_Mortefontaine
https://www.persee.fr/doc/pica_0752-5656_2009_sup_1_1_3380
Jeudi 20 
Séjour à Montmélian – dej. avec M. Aze – café au lait excellent – promenade seul dans le bois, Lecture idem – Dîner avec M. Aze, avant promenade dans toute la maison, visite de chaque pièce en particulier – après dîner lecture dans le salon – au foin - Lecture dans la cuisine – Riz au lait – Souper avec M. Aze – histoire des ventes – argot des revendeurs – j’en mange, la canne pond, comment se font les révisions – Détails sur sa fortune présente – coucher à 10h.

Vendredi 21
Séjour à Montmélian – déjeuner avec M. Aze chocolat- Ensemble Parc de Morte-Fontaine joli canal et jardin à l’anglaise, rochers – château, très beaux appartements, tous démeublés, prodigieuse quantité de chambres, jolie distribution, concierge jolie et honnête Jardins, kiosques, bosquets de Pins, tombeaux, pyramides, colonnes, rivière, fruitiers, belle orangerie – Visite à l’ex-curé de Morte-Fontaine – à Plailly Boucher – Marchande de fruits- retour à Montmélian – dîner avec M. Aze à 5h. en maigre – histoires de sa jeunesse, comment il a perdu sa fleur, pour 12 s. rue Maubuée à 13 ans ½ - Coucher à 11h ½.

Samedi 22
Séjour à Montmélian – déjeuner avec M. Aze, thé – Cuisine - promenade dans le bois, et lecture – avec M. Aze, visite au maire, nous l’invitons à dîner pour demain – Promenade dans le bois – Dîner avec M. Aze – Pot au feu, chou au lard – Histoire des amours de M. Aze, et de son mariage, obstacles à cette union, son aventure avec la veuve Gabion, et autres histoires – souper à 11heures – coucher à 12h ½.

Dimanche 23
Séjour à Montmélian – déjeuner avec M. Aze chocolat – grands préparatifs pour recevoir le maire – chien du voisinage, nous mange 2 plats – Promenade à l’entrée du bois – compote miroton – salade, cuisine, toutes de ma façon - Dîner à 3h ½ avec le maire et M. Aze – contentement du maire – hilarité – Lecture au salon – conversation avec M. Aze sur divers sujets – coucher à 9h. Lecture jusqu’à 9. ½.

Lundi 24 
Séjour à Montmélian – déjeuner avec M. Aze  - café – cuisine - promenade dans le bois – à Plailly, choux navets – Point de beurre – Promenade, lecture et selle dans le bois – retour à la maison – cuisine – Dîner avec M. Aze, miroton réchauffé – Promenade et lecture dans le bois – retour à la maison – lecture sur la tour puis à la cuisine – M. Aze epeu en train, histoire des maîtrises et des jurés – Soupe au lait tournée Souper avec m. Aze – coucher à 10 heures – Lecture

Mardi 25
Séjour à Montmélian – déjeuner avec M. Aze, chocolat - promenade dans le bois, brouillard humide – retour à la maison, cuisine, chou au lard, navets soupe au lait compote - Dîner avec M. Aze – Brouillard – chien attrapé – lecture – conversation avec M. Aze – détail sur l’état de fondeur, sur la fonte de la statue de Louis XV ( ?) &c. – Super avec M. Aze coucher à 9 heures – Lecture.

Mercredi 26
Séjour à Montmélian – déjeuner avec M. Aze café – promenade dans le bois – cuisine, choux réchauffés, riz au lait – dîner à 4h. ¾ - Lecture – Conversation avec M. Aze – sur le caractère de Mme Aze, sur divers événements du temps passé – souper par cœur – coucher à 9h ½ - Lecture

Jeudi 27
Départ de Montmélian – déjeuner avec M. Aze adieux – Route de Montmélian à Senlis , à pied, le S. Varlet qui porte mon paquet – environ 3 lieues – arrivée à Senlis Hôtel de la Licorne – Point de voiture publique pour Clermont et Beauvais – Souper dans ma chambre – 

Vendredi 28
Route de Senlis à Clermont – remise de mon bagage à un marchand Lanternier de Senlis qui devait aller à la foire de Clermont – route de Senlis à Clermont à pied avec un marchand forain – Déjeuner dîner à Creil – en charrette de Rinqueville à Clermont – arrivé à Clermont vers 7 heures du soir – auberge de mon compagnon, vrai taudis et pleine – Il me conduit au Croissant, assez bonne auberge – Souper en chambre.

Samedi 29
Séjour à Clermont – foire – vaine attente du lanternier chargé de mon bagage. Promenades dans la ville et dans le bois au-dessus de la principale Eglise – Dîner et souper en chambre.

Dimanche 30
Séjour à Clermont –vaine attente de mes effets – promenade dans la ville et aux environs beau pays – ennui – Dîner et souper en chambre – l’hôte m’envie le compte sans que je le demande, je le paie – et prend la résolution de retourner à Senlis – 

Lundi 1erdécembre
Route de Clermont à Senlis – Départ de Clermont à 8 heures – route à pied – Déjeuner – Dîner sur l’herbe avec une poire – à Creil – Arrivée à Senlis vers 2 heures à La Licorne – chez le lanternier, j’apprends qu’il est parti l a veille avec mon porte manteau – résolution de revenir à Paris – Lettre – Poste Souper en chambre.

Mardi 2 
Route de Senlis à Paris – recommandation de mes effets à M. Baudoin, maître de La Licorne – Route à pied de Senlis à paris. Départ de Senlis vers 9 (?) heures – Dîner à Louvre, ratafia – arrivée à Paris vers 6 heures du soir.

Voilà pour le mois de novembre 1794.

D’ici décembre, si vous ne l'avez toujours pas fait, vous pourrez lire Grimod de La Reynière, Itinéraires d’un homme libre, en vente ici, en version papier et en version numérique pour une somme dérisoire. Il est vrai, j'insiste, mais c'est pour votre bien.



ou bien son délicieux Dictionnaire gourmand, en vente .

































Et si vous avez envie de découvrir un personnage nouveau, lâchez tout et lisez La femme sans prénom, c’est ici! Distractif et instructif !
 



Bonnes lectures!



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