Juin, mois végétal et aussi du marasquin aux truffes
Il n'en est point de Monsieur Bouscarat comme de ces vulgaires Artistes, à qui un succès obtenu par hasard, une honorable mention accordée dans cet Almanach, à qui un heureux coup d'essai dans quelques parties du grand art alimentaire, suffit; et qui, se reposant sur ce premier avantage, cessent de travailler pour en mériter de nouveaux.
Tous les gourmands, gourmets, gastronomes et gastrophiles le
savent : récoltées à partir du mois de novembre, c’est en janvier qu’elles
sont les meilleures. Cette saisonnalité truffaldienne a fait germer dans
l’esprit de La Reynière un de ces aphorismes dont il a le secret :
On ne mange de
truffes que pendant quatre mois de l’année, et l’on en passe huit à les
regretter.
Et que dire d'une poularde truffée, par exemple, (même si un
Poulet de Bresse aux morilles, c’est pas mal non plus) ?
De toutes les manières de manger les volailles, la plus
succulente, la plus recherchée et la plus honorable, c’est de la manger aux
truffes : le parfum de la truffe donne à la viande un goût merveilleux, et
lui communique une vertu vivifiante ; elle inspire au Gourmand une énergie
extraordinaire ; et fût-il de l’appétit le plus vulgaire, elle en fait un
Milon de Crotone*.
* Célèbre athlète athénien
(VIème siècle avant JC), réputé pour sa voracité.
Alors, en ce joli mois de juin, mois végétal s’il en est, serions privés de
truffes ? Que non, mais d’un genre un peu spécial :
Ce que l'on avait jusqu'ici jugé impossible, un
distillateur de Clermont-Ferrand*, non seulement l'a entrepris, mais l'a fait
avec succès. La liqueur, qu'après un grand nombre d'essais, il est parvenu à
composer, est non seulement très singulière, mais elle est encore excellente.
Il a su marier le goût de la Truffe avec celui du Marasquin, de manière ce que
tous deux se font également sentir sans que l'un absorbe l'autre. On croit
manger des Truffes en buvant du Marasquin, en sorte que l'effet de cette
liqueur est de vous transporter en un clin-d'œil de l'entremets au dessert, et
de vous reporter du dessert à l'entremets.
* Les plus érudits de
nos lecteurs, surtout s'ils sont Clermontois, auront reconnu sans peine
M.Bouscarat, qui vendait son Marasquin 8 francs la bouteille.
À mes chers lecteurs qui craignez que mes billets de juin,
consacrés aux fruits et légumes, pour la plupart, manquent de sel, je réponds :
détrompez-vous, le lyrisme de La Reynière s'accroit à mesure que ces dons de la
Nature s'approchent de l'Alambic. Un exemple? Le portrait qu'il a fait du
Distillateur clermontois, Monsieur Bouscarat :
Il n'en est point de Monsieur Bouscarat comme de ces vulgaires Artistes, à qui un succès obtenu par hasard, une honorable mention accordée dans cet Almanach, à qui un heureux coup d'essai dans quelques parties du grand art alimentaire, suffit; et qui, se reposant sur ce premier avantage, cessent de travailler pour en mériter de nouveaux.
À suivre, donc.
Sources : Journal des Gourmands et des Belles,
1807 ; et Almanach, 1808 et
1810.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire