dimanche 15 juillet 2018

Cailles, alouettes et mauviettes : attention aux contrefaçons. En prime, la recette de la mauviette à la minute



Suite du dernier billet :


Parmi les nombreux conseils de La Reynière adressés aux riches du jour qui n’y connaissent pas grand chose en matière de gastronomie - comment recevoir, comment faire bonne chère à peu de prix - il en est un, précieux, qui consiste à ne pas se faire avoir par un de ces fournisseurs roublards, pêchant en eaux troubles. Ceux qui, par exemple, vous refilent des alouettes en prétendant qu’il s’agit de cailles. Faut le faire, où as-tu la tête, alouette !


Pour mieux illustrer le propos, voici une caille






Et voici une alouette


Rien qu'à la crête, on reconnaît l'alouette de l'étal du boucher trouble. Et une fois cuite.....


Dans la saison des alouettes (1), bien plus communes que les cailles, on trompe quelquefois notre appétit, en les apprêtant ainsi ; mais il n'est pas même besoin de ses yeux pour en sentir la différence ; un aveugle la saisirait dès le premier coup de dents, et quoique l'alouette ait des qualités fort estimables, il y a autant de distance entre elle et la caille, que le Public en met entre le grand Racine, et tel autre poète tragique* de nos jours, que nous nous dispenserons de nommer, ne voulant humilier personne.
(1) L’alouette s’engraisse par le brouillard avec une rapidité surprenante, et elle a cela de commun avec plus d’un Fournisseur pêchant en eaux troubles ; mais maigrit bien plus promptement qu’eux. (NdA)

* Il pourrait s'agir du poète et tragédien Marie-Joseph Chénier, frère cadet d’André, son cadet en tout, d’ailleurs. Alexandre disait de lui que ses vers étaient parfois bien tournés, que quelques-uns avaient même du mordant, mais que la plupart étaient creux. (NdE)

Et pour finir : la recette du jour ! Aujourd'hui, celle des Mauviettes à la minute (car, à Paris, les Alouettes sont appelées "Mauviettes" et les Parisiens, parce que oisifs, sont toujours pressés).


Recette des Mauviettes à la minute

Il faut d'abord
 sauter des mauviettes dans du beurre et du sel. Lorsqu'elles sont raffermies, on les fait encore revenir au beurre avec des champignons, des échalotes et du persil hachés ; mouillez avec un verre de vin blanc et du bouillon ; lorsque le tout commence à bouillir, on le retire, et l'on sert avec des croutons frits.

L'avantage de cette recette est qu'on peut sans peine apprêter à la chaine une douzaine de mauviettes par personne, ce qui en fait pas mal quand La Reynière organise, comme à son son habitude, des dîners à 17 couverts .
Sources : Almanach des Gourmands, 1ère année, et Néo-physiologie du Goût par ordre alphabétique, 1839.


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