lundi 25 septembre 2017

De la pratique des soupers en 1806                                                            

Continuons dans la série des repas au début du XIXème siècle (ici et ) et abordons le sujet délicat du Souper. Si vous avez bien lu notre billet sur les déjeuners, vous aurez pu noter que La Reynière prétend que, sous la révolution, le dîner fut considérablement reculé, le souper disparut.

Il semble que La Reynière soit victime d'une émotivité toujours excessive dès qu’il s’agit d'évoquer des bouleversements induits de la révolution française sur l'ordonnancement de la Table et autres sujets de Société. Car malgré tout, les soupers ne sont pas perdus pour tout le monde :

Si le déjeuner [à la fourchette] est le repas des amis, si le dîner est celui de l’étiquette, et le goûter celui de l’enfance, le Souper appartient principalement à l’Amour. Son heure, la plus voisine de celle du berger, son moment, qui est celui du repos et de la cessation des devoirs et des affaires, enfin le doux éclat qu’il reçoit des bougies, tout concourt à le rendre favorable aux amants. Ajoutons que les femmes sont plus aimables à souper qu’à toute autre époque du jour ; on dirait que plus le moment d’exercer leur inévitable empire s’approche, et plus elles deviennent tendres et séduisantes. La nuit est pour elles le temps de la souveraineté et de l’irrésistible séduction, et elles le savent si bien que plusieurs d’entre elles ont fait divorce total avec le soleil. 

La perpétuation de cette tradition pré-révolutionnaire est même obligée pour les Gourmands amateurs de théâtre, comme La Reynière, car les nouveaux horaires de repas plongent le Gourmand dans un dilemme affreux :

Il y a vingt-cinq ou trente ans l’on dînait généralement à Paris à deux heures, et les Spectacles commençaient à cinq heures et demie*. Cela mettait environ deux heures d’intervalle entre la sortie de la table et le lever de la toile : cette proportion était raisonnable.

Aujourd’hui l’on dîne assez régulièrement à quatre heures ; beaucoup de gens même à cinq, et les Spectacles commencent à six heures précises. Ainsi le dîner a été reculé de deux heures, et les Spectacles seulement de trente minutes : on sent que ceci est hors de toute mesure.
* depuis les règlements de 1720 et 1746, les représentations de la Comédie-Française, de la Comédie-Italienne et de l’Opéra étaient fixées à dix-sept heures l’été, dix-sept heures trente l’hiver. Ces horaires ont peu changé sous la Révolution.

Faudrait-il choisir entre mourir de faim ou renoncer aux attraits de Melpomène ? Eh bien non, et ce, grâce à ces galants soupers, alliance de Comus et Aphrodite, récompense de ceux qui ont dû renoncer au diner pour honorer Corneille. Notons qu’il s’agit là d’une supposition de notre part car La Reynière n’est pas explicite à ce sujet. Mais l’hypothèse est séduisante : plus le Gourmand va au théâtre après un copieux déjeuner à la fourchette, plus le Souper s’impose. Il gagne sur tous les plans : un bon déjeuner, une agréable pièce de théâtre, et un charmant souper ! Elle n'est pas belle, la vie? 

Bonne journée à tous !

Sources : Almanach des Gourmands, 5ème année ; Le Censeur Dramatique, Tome I, page 448.

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