vendredi 1 septembre 2017

La Reynière, maître, et peut-être même inventeur, du "brand content".

Ayant relu durant la nuit les 2.999 pages de l’Almanach des Gourmands, les cinq trimestres du Journal des Gourmands et des Belles, et m’étant abstenu d’ouvrir le Manuel des Amphitryons – sachant que les Saisons n’y sont pas évoquées - le constat est sans appel. Septembre n’inspire vraiment pas La Reynière. Mois d’été, mois de rentrée, ce double motif met le Gourmand à la peine.

Septembre pourrait être le mois du retour du gibier? Oui, nous dit La Reynière: 

Ce mois-ci nous offre toute espèce de gibier déjà parvenu à une raisonnable grosseur, mais qui sera meilleur encore dans les mois à venir.

Attendons, donc ! Il n’y a guère que les grives et les guignards à consommer en septembre : nous y reviendrons dans de prochains billets.

Et La Reynière, en plein mois sans « R », de conseiller les huîtres ! Pourquoi ? La réponse est dans la note de bas de page d’une petite et étonnante dissertation que nous qualifierions aujourd’hui de « publi-reportage » (nom vulgaire) ou « publicité contextuelle » (nom scientifique) mais plumage publicitaire, tout de même, au ramage rédactionnel, que la gente journalistique drape au surplus d’un voile pudique en recourant à la technique de l’anglicisme : « native advertising » ou encore « brand content ».

Septembre est ainsi l’occasion pour La Reynière, toujours en avance sur son temps, de faire du brand content en faveur du Rocher de Cancale (rue Montorgueil), grâce à cette technique, très en cours dans certaines professions, celle des petits caractères :

Malgré le proverbe, si connu à Paris, qui nous assure que les huîtres y sont bonnes dans tous les mois dont le nom renferme une R, nous ne conseillerons à personne d’en manger en Septembre ; elles sont alors ni assez fraîches, ni assez grasses, ni mêmes assez dessalées pour piquer la sensualité d’un Gourmand*.
* Ceci ne doit s’entendre que des huîtres vulgaires, car on en trouve au Rocher de Cancale, rue Montorgueil, d’excellentes pendant tous les mois de l’année.

Petit rappel : pour La Reynière, les huitres se dégustent avec du Chablis.

Les huîtres ne se mangent jamais qu’avec du Vin blanc de Chablis, mais comment revenir ensuite à de médiocres vins ordinaires ? Il faut donc passer aux Vins fins dès la soupe ; c’est ce qui fait qu’un dîner qui commence par des huîtres est toujours fort dispendieux. Toutes ces considérations nous portent donc à conseiller de ne manger des huîtres qu’à déjeuner.

Les huîtres sont la préface ordinaire, et en quelque sorte obligée, de tous les déjeuners d’hiver. Mais c’est une préface qui revient souvent fort cher, par l’indiscrétion des convives, qui mettent presque toujours leur amour-propre à les engloutir par centaines dans leurs estomacs sottement vaniteux. Jouissance doublement insipide, en ce qu’elle ne procure aucun plaisir réel, et qu’elle afflige souvent un Amphitryon estimable. Il est prouvé par l’expérience qu’au-delà de cinq à six douzaines, les huîtres cessent bien certainement d’être une jouissance. 

 Bonne dégustation ! Si vous arrivez à manger six douzaines d'huîtresN prévenez-moi!

Sources : Almanach, 1ère et 2ème année.








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