La Reynière, maître, et peut-être même inventeur,
du "brand content".
Ayant relu durant la nuit
les 2.999 pages de l’Almanach des
Gourmands, les cinq trimestres du Journal
des Gourmands et des Belles, et m’étant abstenu d’ouvrir le Manuel des Amphitryons – sachant que les
Saisons n’y sont pas évoquées - le constat est sans appel. Septembre n’inspire
vraiment pas La Reynière. Mois d’été, mois de rentrée, ce double motif met
le Gourmand à la peine.
Septembre
pourrait être le mois du retour du gibier? Oui, nous dit La Reynière:
Ce mois-ci nous offre toute
espèce de gibier déjà parvenu à une raisonnable grosseur, mais qui sera
meilleur encore dans les mois à venir.
Attendons, donc ! Il n’y a guère que les
grives et les guignards à consommer en septembre : nous y reviendrons dans
de prochains billets.
Et La Reynière, en plein
mois sans « R », de conseiller les huîtres ! Pourquoi ? La
réponse est dans la note de bas de page d’une petite et étonnante dissertation que
nous qualifierions aujourd’hui de « publi-reportage » (nom vulgaire)
ou « publicité contextuelle » (nom scientifique) mais plumage publicitaire,
tout de même, au ramage rédactionnel, que la gente journalistique drape au
surplus d’un voile pudique en recourant à la technique de l’anglicisme :
« native advertising » ou encore « brand content ».
Septembre est ainsi
l’occasion pour La Reynière, toujours en avance sur son temps, de faire du
brand content en faveur du Rocher de
Cancale (rue Montorgueil), grâce à cette technique, très en cours dans certaines professions, celle des petits caractères :
Malgré le proverbe, si connu à Paris, qui nous assure que
les huîtres y sont bonnes dans tous les mois dont le nom renferme une R, nous
ne conseillerons à personne d’en manger en Septembre ; elles sont alors ni
assez fraîches, ni assez grasses, ni mêmes assez dessalées pour piquer la
sensualité d’un Gourmand*.
* Ceci ne doit s’entendre que des huîtres vulgaires,
car on en trouve au Rocher de Cancale, rue Montorgueil, d’excellentes pendant
tous les mois de l’année.
Petit rappel : pour
La Reynière, les huitres se dégustent avec du Chablis.
Les huîtres ne se mangent jamais
qu’avec du Vin blanc de Chablis, mais comment revenir ensuite à de médiocres
vins ordinaires ? Il faut donc passer aux Vins fins dès la soupe ;
c’est ce qui fait qu’un dîner qui commence par des huîtres est toujours fort
dispendieux. Toutes ces considérations nous portent donc à conseiller de ne
manger des huîtres qu’à déjeuner.
Les huîtres sont la préface
ordinaire, et en quelque sorte obligée, de tous les déjeuners d’hiver. Mais
c’est une préface qui revient souvent fort cher, par l’indiscrétion des
convives, qui mettent presque toujours leur amour-propre à les engloutir par
centaines dans leurs estomacs sottement vaniteux. Jouissance doublement
insipide, en ce qu’elle ne procure aucun plaisir réel, et qu’elle afflige
souvent un Amphitryon estimable. Il est prouvé par l’expérience qu’au-delà de
cinq à six douzaines, les huîtres cessent bien certainement d’être une
jouissance.
Sources : Almanach, 1ère et 2ème année.
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