mardi 12 septembre 2017

Le Guignard, bête un peu peu bête, mais délicieux en pâté.                  
Le Guignard fait partie des gibiers que La Reynière admet pouvoir être consommés dès septembre, contrairement à ses autres amis gibiers, pour lesquels il conseille d’attendre Octobre.




C'est un oiseau débonnaire qui appartient à la famille des pluviers, ou « oiseaux de pluie » ainsi surnommés parce qu'ils arrivent chez nous en troupe à la saison des pluies. C’est un tout petit échassier de passage, à peine la taille d’un merle, dont la chair est très délicate. De plus, le Guignard, bête un peu bête, est facile à chasser  : 

Le guignard, originaire des pays chauds, les quitte à mesure que la terre se découvre et suit dans leur marche les moissonneurs parce qu’il est fort friand des grains qu’ils laissent tomber en sciant les épis. Il remonte donc ainsi la France, toujours en glanant, et c’est depuis le mois de septembre jusqu’à la mi-octobre qu’il traverse les plaines de la Beauce. C’est là qu’il se plaît mieux qu’en aucun autre lieu du Monde, et c’est aussi là que les chasseurs l’attendent avec impatience. 

La gourmandise de cet oiseau aide beaucoup à sa destruction, car dès que l’un d’eux est tombé sous le plomb meurtrier, tous les autres s’abattent sur place, croyant que celui qui est tombé s’est précipité sur un tas de grains. Cette illusion*, dont les chasseurs profitent, fait qu’il en succombe un très grand nombre.
* illusion d'optique qui expliquerait l'étymologie du substantif "guignard", dérivé du radical du verbe "guigner", qui signifie "qui cligne de l'œil". A ne pas confondre avec l'adjectif "guignard", malchanceux, qui n'est apparu dans notre vocabulaire que très postérieurement à la classification du guignard, dans les années 1880. Ce qui n'empêche pas de considérer à bon droit que le guignard le soit, guignard.

Le problème est que la chasse au guignard est interdite en France depuis 2008. Il faut donc attendre qu’il tombe tout seul du ciel, par mort naturelle, étourdissement ou lassitude, sur Chartres, ou dans la Beauce. Et les autres suivront.

Si vous avez la chance de tomber sur des Guignards tombés du ciel, vous pouvez en faire des pâtés, La Reynière le recommande ainsi. 

Ayez huit douzaines de guignards ; après les avoir flambés et épluchés, fendez-les par le dos ; ôtez tout ce qu'ils ont dans le corps; séparez de ces intestins les gésiers ; prenez les intestins ; hachez-les ; ajoutez-y du lard râpé et des fines herbes ; pilez le tout ; formez-en une farce ; remplissez-en les corps de vos guignards ;  moulez et abaissez votre pâte, et sur le fond de votre abaisse*, où vous aurez étendu un peu de farce, rangez vos guignards ; assaisonnez-les à fur et à mesure, et enveloppez-les chacune, si vous voulez, d'une petite barde de lard ; mettez dessus une couronne de beurre, deux ou trois demi-feuilles de laurier et un peu de fines épices ; couvrez-le tout de votre seconde abaisse ; dressez votre pâté, soit carré ou rond ; faites-le cuire environ deux heures et demi ; laissez-le refroidir et servez-le.
* Une abaisse est une pièce de pâte aplatie, généralement au rouleau à pâtisserie En cuisine, le terme culinaire de cette action est « abaisser ».

Bon appétit !

Sources : Néo-Physiologie du goût par ordre alphabétique (1839) ; Almanach des Gourmands, 1ère année.





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