mercredi 14 mars 2018

Pour égayer votre Carême : une sole frite à la Villemessant ?

Aujourd’hui, point de La Reynière. Relâche. Mais pas tout à fait, cependant.

Connaissez-vous Hippolyte de Villemessant (1810-1879), autre journaliste & gastronome ? C’est le fondateur du Figaro, en avril 1854, dont je suis en train de lire ses épouvantablement volumineux Mémoires d’un journaliste... en six tomes de 350 pages imprimées serré. Le Figaro était alors un hebdomadaire culturel et parisien – un feuilleton parisien dans lequel : Toute vérité est bonne à dire, à la condition d’être formulée avec courtoisie et loyauté. Le Télérama de l'époque, sans télé, ni radio, ni cinéma, mais avec le théâtre, la littérature et tous les potins parisiens, sur tous les sujets - culture, politique, économie .... et, pour la première fois, un courrier des lecteurs (des vrais, pas des faux, comme dans le Censeur dramatique ou l'Almanach gourmand de notre ami Alexandre). Moyen de fidélisation d'une grande efficacité.

Car ce n'est pas sans arrière-pensées que Villemessant a voulu faire du Figaro un salon où on discuterait polimentchacun y trouverait plus ou moins l’occasion de parler de soi-même ; et comme ce n’est pas généralement pas par la modestie que brille l’espèce humaine, et que, pour employer l’argot dont nous nous servons quand il s’agit de réclame, tout le monde aime assez la confiture, je voyais chaque jour arriver quelque affamé de publicité, muni d’une lettre petite ou longue, bien travaillée, bien ciselée et toute prête à être imprimée. Un succès ! Et de nouveau, des recettes dont se sont peut-être inspirés le pères dominicains lorsqu'il créèrent Radio Loisir en 1947 (devenu Télérama en 1960, avec son célèbre Courrier des lecteurs, qui permet de multiplier les ventes par tout ceux qui écrivent au journal puis l'achètent rien que pour savoir si leur lettre a été publiée).

Aujourd’hui plus oublié encore qu’Alexandre, Villemessant est l’un des fondateurs de la presse telle qu’elle existe encore. A une époque où les rédacteurs en chef publiaient les articles un peu en vrac, ou, plutôt selon la renommée du journaliste, il prétend avoir inventé le rubriquage par thème. Les confères, dans les mois qui suivirent, copièrent cette idée qui allait durer. Villemessant disait que l’ordre est aussi nécessaire dans un journal que sur une table. Car la table était sa deuxième passion, d’où sa présence dans notre blogue. Son portrait suffit à témoigner de la sincérité de sa dévotion à la chère :



Ses plats favoris : le pot-au-feu, le potage au potiron, et la sole frite.

Sa recette de sole frite contient un détail qui fait toute la différence entre une bonne sole et une sole divine, et ce détail est très facile à réaliser. C’est pour cela que je vous le donne, dans l’espoir que cette recette égayera ce long Carême, que vous respectez tous, bien sûr.

Une fois la sole frite, servez-la sur un réchaud. Ayez soin d’ouvrir votre sole en deux, enlevez complètement l’arête, détachez délicatement les quatre filets et mettez sur chacun d’eux un petit morceau de beurre ; la chaleur le fera fondre immédiatement. Salez un peu, poivrez beaucoup, exprimez un jus de citron entier remettez vos filets l’un sur l’autre comme ils se trouvaient avant le désossement ; pressez-les légèrement, arrosez votre sole avec le jus qui en sort ; mangez et dites-moi, si vous voulez bien, ce que vous pensez de mon procédé.

Alors? Qu’en dites-vous ?

PS : Villemessant est un homme du XIXème Siècle. Cette recette eût-elle été écrite par La Reynière, il aurait dit : mettez sur chacun d’eux un bon morceau de beurre.

A bientôt!



Source : H. de Villemessant, Mémoires d’un journaliste, tome 3, p. 114

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