Mai, le mois des maqueraux
Ce n'est pas moi qui le dit : c'est Alexandre, dans son Calendrier gustatif de la Première année revue et corrigée en 1810 de l'Almanach des Groumands. Le mois de Mai est le mois des maquereaux.
Leur présence est à Paris l’un des plus grands charmes du printemps. Ce poisson a cela de commun avec les bonnes femmes qu’il est aimé de tout le monde. Devenu nécessaire à tous, il est bien reçu partout.
Dans la Première année originale (1803), il était question de "bonnes gens", et non de "bonnes femmes". La révision de 1810 comporte d'ailleurs nombre de modifications de ce style, signe que La Reynière s'adaptait à son lectorat fait de rentiers en quête de sensations et de nouveaux riches pas vraiment raffinés, qu'il fallait servir de virgules grivoises. Mais continuons :
C’est surtout à Paris que les maquereaux jouent un grand rôle, et sont généralement aimés. Leur apparition devient le signal d’une véritable fête : on se rassemble autour d’eux, on les met à l’enchère, on les cite dans les invitations, sinon comme les rois de la fête, au moins comme les plus chers amis du prince ; et comme leurs vertus naturelles peuvent se passer de parure, et qu’on les aime en général pour eux-mêmes, on les préfère dans leur plus grande simplicité.
Bonus : recettes du Maquereau à la maître d’hôtel et des filets de maquereau (deux recettes originales d'Alexandre Grimod de La Reynière)
Les Maquereaux, l'un des plus doux présents que la Nature nous fasse pendant les mois de mai et de juin, s'apprêtent de diverses manières : à l'anglaise, à l'espagnole, à la genevoise, glacés, bardés à la broche, à la braise, à la provençale, en hâtelettes*, à la flamande, en caisse, à la Périgord, en fricandeau, et même en papillotes. Mais on a reconnu que ces divers assaisonnements n'ajoutaient rien à la bonté d'un poisson qui peut se passer d'ornements étrangers, l'on a fini par y renoncer ; en sorte que ce n'est plus qu'à la maître-hôtel, c'est-à-dire fendus par le dos et cuits sur le gril, avec un bon morceau de beurre frais manié de fines herbes, que les Maquereaux se présentent aujourd'hui dans les maisons les plus opulentes ; ils y sont toujours reçus à bras ouverts.
Mais si le Maquereau, dans son entier, n'a pas besoin de parure, il n'en est pas de même de ses filets ; et nous pensons qu'on ne sera pas fâché de trouver ici une façon peu connue de les faire paraître avec avantage sur une table distinguée. Vous commencez par les faire cuire à moitié dans une casserole avec du bouillon, un demi-verre de vin de Champagne et un peu d'excellente huile d'olive ; ensuite vous les mettez dans un plat avec du beurre manié de persil, ciboules, échalotes, sel, poivre, et un peu de muscade ; mettez vos filets dessus, et remettez encore par-dessus du même appareil. Couvrez le plat, et le posez sur des cendres chaudes pendant dix-huit minutes ; ensuite égouttez le beurre, et mettez-y un peu de blond de veau ; faites mijoter pendant quelque temps, et n'oubliez pas, en servant, l'expression d'un jus d'orange, dont l'acide bénin s'accommode très bien avec le caractère naturellement doux et flexible du Maquereau. Ce petit ragoût, fait avec soin, et peu dispendieux, offre, dans cette saison, une excellente entrée d'une confection facile.
Pour finir, allez chez votre fromager prendre de l'Epoisse. Il vous dira peut-être, comme le mien, que le mois de Mai, c'est le mois de l'Epoisse. Je vais tout de même vérifier demain, histoire de savoir si l'habile commerçant ne décrétera pas le mois de mai, mois du Crottin de Chavignol, et après demain celui du Coulommiers...
Source : Almanach 1èreannée
Source : Almanach 1èreannée
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire