mardi 1 mai 2018

Mai : le Mois conciliateur


À tous mes ami.e.s gourmands, gourmets, gastronomes et gastrophiles : fini, le mois d’avril où l’on ne se découvre pas d’un fil, de même les haricots, voici le mois de mai où l’on s'est remis des privations du carême, où l’on se renoue avec les amours et les amourettes, car rien de mieux qu’une généreuse diète pour conter fleurette. Même les affaires de famille tournent à la réconciliation, c’est tout dire.

C’est le mois où les amants montrent le plus de tendresse, les maris le plus de ferveur, les parents le moins d’animosité. C’est aussi celui où l’appétit des Gourmands se réveille, et reprend en quelque sorte une nouvelle existence. Ils ont eu tout le temps de se reposer pendant le Carême des fatigues du Carnaval ; et les jambons de Bayonne, l’Agneau pascal et les œufs rouges ne les ont pas assez sérieusement occupés pour les empêcher de se livrer avec ardeur à la dégustation des maquereaux, des petits pois, et des autres bienfaisants acolytes du mois de Mai.

Ouf ! les petits pois, comme dira Rossini et comme dit Alexandre autrement :
Pois ramés, pois écossés ! c’est la chanson du mois de Mai, et cette musique plaît plus aux oreilles gourmandes que toutes ces savantes ariettes de l’Opera-buffa, qui ne disent rien à l’esprit ni au cœur.

Quant aux maquereaux…
Leur présence est à Paris l’un des plus grands charmes du printemps. Ce poisson a cela de commun avec les bonnes femmes qu’il est aimé de tout le monde. Devenu nécessaire à tous, il est bien reçu partout.

C’est surtout à Paris que les maquereaux jouent un grand rôle, et sont généralement aimés. Leur apparition devient le signal d’une véritable fête : on se rassemble autour d’eux, on les met à l’enchère, on les cite dans les invitations, sinon comme les rois de la fête, au moins comme les plus chers amis du prince ; et comme leurs vertus naturelles peuvent se passer de parure, et qu’on les aime en général pour eux-mêmes, on les préfère dans leur plus grande simplicité.


Le maquereau, dans sa plus simple parure ? Oui, dans son entier, mais pas en filets. Voilà les conseils que donne La Reynière.

Recettes du maquereau à la maître d’hôtel et des filets de maquereau

Les Maquereaux, l'un des plus doux présents que la Nature nous fasse pendant les mois de mai et de juin, s'apprêtent de diverses manières : à l'anglaise, à l'espagnole, à la genevoise, glacés, bardés à la broche, à la braise, à la provençale, en hâtelettes*, à la flamande, en caisse, à la Périgord, en fricandeau, et même en papillotes. Mais on a reconnu que ces divers assaisonnements n'ajoutaient rien à la bonté d'un poisson qui peut se passer d'ornements étrangers, l'on a fini par y renoncer ; en sorte que ce n'est plus qu'à la maître-hôtel, c'est-à-dire fendus par le dos et cuits sur le gril, avec un bon morceau de beure frais manié de fines herbes, que les Maquereaux se présentent aujourd'hui dans les maisons les plus opulentes ; ils y sont toujours reçus à bras ouverts.

Mais si le Maquereau, dans son entier, n'a pas besoin de parure, il n'en est pas de même de ses filets ; et nous pensons qu'on ne sera pas fâché de trouver ici une façon peu connue de les faire paraître avec avantage sur une table distinguée. Vous commencez par les faire cuire à moitié dans une casserole avec du bouillon, un demi-verre de vin de Champagne et un peu d'excellente huile d'olive; ensuite vous les mettez dans un plat avec du beurre manié de persil, ciboules, échalotes, sel, poivre, et un peu de muscade ; mettez vos filets dessus, et remettez encore par-dessus du même appareil. Couvrez le plat, et le posez sur des cendres chaudes pendant dix-huit minutes ; ensuite égouttez le beurre, et mettez-y un peu de blond de veau ; faites mijoter pendant quelque temps, et n'oubliez pas, en servant, l'expression d'un jus d'orange, dont l'acide bénin s'accommode très bien avec le caractère naturellement doux et flexible du Maquereau. Ce petit ragoût, fait avec soin, et peu dispendieux, offre, dans cette saison, une excellente entrée d'une confection facile.

C’est simple et c’est rapide à faire. Reste à trouver de bons maquereaux…

Sources : Almanach, 1ère année ; Journal des Gourmands et des Belles, 2ème trimestre 1806.



*Hâtelettes : Petits morceaux délicats que l’on fait cuire à la brochette avec un hâtelet. (Littré)

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