Contrairement
à ce que l’on pourrait penser, La Reynière n’était pas grand amateur de
Restaurants. D’ailleurs, il en parle peu dans ses Almanachs, et surtout pas pour leur attribuer des notes : Dans la nomenclature qu’on va lire, nous
n’avons prétendu établir aucun rang, soit entre les professions, soit entre les
individus. En revanche, les Tables d’Hôte allient le plaisir de la chère et
ceux de la conversation, et pour cela sont le rendez-vous de tout gastronome
qui se respecte.
Paris était autrefois renommé pour
l'agrément de ses Tables d'Hôte. C'est là que se réunissaient beaucoup d'hommes
aimables qui, économes de leur temps, et n'ayant point de ménage, préféraient à
des dîners en ville (…), la liberté d'une Table d'Hôte bien composée, comme il
en existait alors plusieurs. On citait, surtout, l'hôtel Notre-Dame, rue de
Grenelle-Saint-Honoré ; l'hôtel de Picardie et l'hôtel d'Angleterre, rue
Saint-Honoré; l'hôtel de Bourbon, rue de la Croix-des-Petits-Champs, etc. Des
habitués en assez grand nombre, presque tous anciens militaires, rentiers ou
Gens de Lettres, formaient le noyau de chacune de ces Tables, composées en
général de douze personnes. Le reste des couverts était occupé par les
survenants ; mais un homme sans éducation s'y serait trouvé déplacé, et
n'aurait pas osé s'y venir asseoir ; car on avait encore alors quelque
sentiment des bienséances, quelque pudeur; l'argent n'établissait pas seul les
distinctions sociales, et chacun savait rester à sa place.
Ces Tables étaient servies avec
assez d'abondance et de goût ; et pour peu que l'on mangeât avec activité, on
était à peu près sûr de n'en pas sortir l'estomac vide. Les habitués
s'emparaient ordinairement du centre de la Table, et s'adjugeaient les meilleurs
morceaux; mais ils prenaient volontiers la peine de servir, et faisaient en
général les frais de la conversation ; en s'imposant ce double devoir, il était
assez juste qu'ils fussent les mieux partagés.
La conversation de ces Tables d'Hôte était presque
toujours agréable et piquante. Elle roulait sur la nouvelle du jour, la
Littérature, les spectacles; et comme on s'occupait alors, très-heureusement,
fort peu de politique, on pouvait se livrer sans danger à toute la liberté d'un
entretien animé. Il s'y formait même des liaisons agréables et utiles, et plus
d'une amitié solide y a pris naissance.
Source : Almanach des Gourmands
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