Deux recettes de
Dinde pour aujourd'hui et demain
Suivant les conseils de notre dernier billet, vous êtes allé
chez votre meilleur Fournisseur et avez utilisé votre index à bon escient. La
Dinde est prête, et vous attendez la recette qui en fera un plat succulent.
Pour vous remercier de votre patience, ce n’est pas une
recette, mais deux que nous vous donnerons.
La première est celle, très classique, de la Dinde
aux truffes. Vous y apprendrez comment faire une bonne farce à la Truffes.
Quand ce n’est pas la saison des truffes, vous pouvez avantageusement la
remplacer par des morilles fraîches. Cette recette est simple à faire, il
suffit d’un peu de patience et d’un bon rôtisseur, si vous en avez un, ou d’une
bonne rôtisseuse, ce qui est plus probable, la plupart de nos fours modernes en
étant équipés (remarquons en passant, comme nous le remarquions encore
dans notre dernier billet, le sexisme de langue française, pour qui les rôtisseurs
sont des hommes et les rôtisseuses des ustensiles).
Dinde aux truffes et à la broche
Ayez une jeune et belle poule d'Inde,
bien grasse et bien blanche ; épluchez-la, flambez-la, videz-la par la
poche, prenez garde d’en crever l’amer et d’en offenser les intestins ; si
ce malheur-là vous arrivait, passez-lui de l’eau dans le corps : ayez
quatre livres de truffes ; épluchez-les avec soin ; supprimez celles qui
seraient musquées*, et hachez une poignée des plus défectueuses (pour la
forme) ; pilez une livre de lard gras, mettez-les dans une casserole avec
vos truffes hachées et celles qui sont entières ; assaisonnez-les de sel,
gros poivre, fines épices et une feuille de laurier ; passez le tout sur
un feu doux ; laissez-le mijoter pendant trois quarts d'heure ; et puis retirez vos truffes du feu, remuez-les bien, et
remplissez-en le corps de votre dinde jusqu’au jabot ; cousez-en les peaux, afin d'y contenir les truffes ;
bridez, bardez-la et laissez-la se parfumer pendant trois ou quatre jours, si
la saison vous le permet ; au bout de ce temps, mettez-la à la broche, enveloppez-la de fort papier, faites-la cuire environ
deux heures ; et puis, déballez-la pour lui faire prendre une
belle couleur. Servez-la avec une sauce faite sur son jus de cuisson où vous
ajouterez un léger hachis des mêmes truffes.
*
La Truffe musquée est la truffe noire, ou truffe d’hiver, qu’il ne faut pas
hacher.
C’est l’occasion pour les auteurs de La Néo-Physiologie du Goût par ordre alphabétique (1839) - soit une
femme de bonne compagnie, son Docteur, et son cuisinier qui avaient le souci
de surpasser La Physiologie du Goût - de souligner les limites de l’auteur de ce dernier ouvrage, pourtant à succès,
Jean-Anthelme Brillat-Savarin : le manque de goût, justement. Nous avons nous-mêmes souvent exprimé nos
réserves sur ce fils spirituel de La Reynière. Un fils bien indigne, qui a
souvent copié son père sans rarement l’égaler et jamais le signaler.
Nous n'avons pas besoin d'avertir
qu'il ne faudra la donner que pour grosse pièce au premier
service. Rien n'est
si lourdement bourgeois et si Chaussée d'Antin*
que de faire servir ou même
de laisser paraître une dinde aux truffes en guise
de
plat de rôt! On ne comprend pas comment l’auteur de la Physiologie du Goût a pu se tromper sur un pareil article. De la part
de M. Brillat de Savarin, c'est l'effet d'une légèreté singulière, ou bien d'une
illusion prodigieuse. L'estime qu'il avait méritée sous d'autres rapports et la
considération de son ouvrage en ont beaucoup souffert.
*
Cette expression semble venir du fait que la Chaussée d’Antin était alors
réputée pour être habitée d’une population bourgeoise ne craignant pas le
clinquant, et manquant d'éducation, culinaire tout au moins.
Comme l’indiquait La Reynière dans notre dernier billet, il
est bon de conserver les restes de la Dinde pour le lendemain et de les
accommoder à la sauce Robert. Rien de plus simple, et très rapide à faire. Un
peu de moutarde et quelques oignons, et le tour est joué.
Cuisses de dindon à la sauce Robert
Salez et poivrez les cuisses d'un
dindon cuit à la broche ; faites-y des incisions dans la longueur de toute
leur étendue ; faites-les griller sur un feu doux, et saucez-les avec une
sauce à la moutarde et à la purée d'oignons cuite au roux.
Bon appétit !
Source : Néo-Physiologie du goût par ordre alphabétique
(1839)
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