Octobre n’est plus ce qu’il était, et c’est tant
mieux (presque pour tout le monde)
Souvenez-vous de ce qui
nous disions du mois de septembre :
la plupart des animaux à poils ou à plumes sont encore trop jeunes pour atterrir
sur nos tables, à part les grives, les guignards
et quelques autres. Il fallait donc attendre octobre pour que tout ce beau
monde ait achevé, ou presque, sa croissance.
Les levrauts sont devenus tout à fait lièvres, et les
dindonneaux ont fait place aux dindons. Les poulets de grain présentent un
satisfaisant embonpoint, et tout est en activité, de l’étable jusqu’à la
basse-cour, pour stimuler et satisfaire l’appétit du Gourmand.
Mais ne voilà-t-il pas qu’une
série d’obstacles s’élève sur le chemin du paradis des Gourmands
parisiens !
Cependant, ce mois est peut-être à Paris celui où l’on
voit le moins de rassemblements nutritifs. C’est celui où les vacances de
Tribunaux et des Collèges, la stagnation des affaires, le soin des vendanges,
la stérilité des spectacles, éloignent presque tous les gens riches et les
propriétaires de la Capitale. Il ne reste guère que les malheureux Rentiers,
qui ne connaissent la bonne-chère que par souvenir, et qui sont réduits à
jeuner, quand ils savent se respecter assez pour ne pas exercer le métier
honteux de Parasites.
Ce petit passage nous
apprend ainsi comment l’on vivait à Paris en 1806. Heureux temps que
ceux-ci, quand magistrats et législateurs reposaient leurs mitraillettes à
projets de loi; quand le bourgeois paraissait dans ses meilleurs atours, songeant à
ses affaires tout en les faisant; le paysan se livrait dans la joie aux
vendanges; le propriétaire profitait des derniers beaux jours dans sa villégiature
plus ou moins lointaine. Et soyons sûrs que le rentier - ce personnage si
présent dans la littérature de La Reynière, puisque lui-même l’est - ne
connaissait pas le sort ici décrit, car le potage aux exagérations fait partie de
tous les repas de La Reynière. Et que ne faut-il pas faire pour décocher ses pointes
en direction des Parasites, ces pique-assiettes dont il est la victime quotidienne …
Mais ces temps ne sont
plus – sauf que la race des rentiers va bientôt s’éteindre, après de longues vies d’épargne et de gestion avisée, accablée par les
Édits de Finances de notre bon roi Macron 1er – et nous pourrons honorer sans retenue aucune
tous les bienfaits que la Nature nous accorde en ce beau mois d’Octobre.
C'est juré !
Source : Almanach des Gourmands, 1ère
année.
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