Éloge du Poulet (de
grain)
Dans le monde où nous vivons, qui produit le poulet à la
chaine, nous n’en nous en apercevons plus, mais ceux qui habitent la campagne
le savent bien. A la Saint Bienvenue, bienvenus les poulet de grain! Fin
octobre, les jeunes poulets sont bien gras, bien tendres, il commencent à ré-apparaitre sur les
étals, et dans quelques jours, pour la Saint-Martin, on lui fera vraiment sa
fête. Nous y reviendrons.
Et en cette fin octobre, voici comment La Reynière chante
les vertus du poulet.
Le poulet est le fils du coq et de la poule ; mais
c’est un enfant que l’on préfère à ses parents ; la poule, surtout quand
elle est d’un certain âge, ne trouve sa place que dans le pot pour donner de la
force au bouillon ; et le coq ne paraît jamais sur nos tables que
lorsqu’il est vierge : c’est alors un manger très délicat, d’un goût
particulier ; et si l’on en croit un fort habile médecin*, grand
connaisseur en bonne-chère, c’est même une viande très aphrodisiaque ; ce
qui prouve que non seulement la mort n’éteint point dans cet animal son tempérament
tant envié, mais que sa force est telle qu’il communique une partie de ses
bonnes qualités à ceux qui les mangent.
*M. le Docteur Gastaldy,
l’un des premiers guérisseurs et des plus fins gourmets de la capitale. Heureux
le gourmand qui, après avoir été son commensal pouvait, à la suite d’une
indigestion, devenir son client !
Il est mort depuis victime de son zèle pour les progrès du grand art
gastronomique. (Note G.D.L.R.)
Et le poulet, aimable compagnon de nos basses-cours, se prête
de mille façons aux jeux de la cuisine, flatte l’imagination des maitres-queux,
et participe au concert des Nations. Il serait donc justice de faire du poulet
l’animal emblématique de l’Europe, d’autant qu’Europe, cette poule, en est la mère
prolifique.
Il faudrait un livre tout
entier pour décrire les différentes métamorphoses qu'on lui fait subir sur nos
tables. Même à la broche, il y a plus de vingt façons de le servir, telles qu'à la Choisy, à la
chia, à la ciboule, à la Cracovie, à la génoise, à la hollandaise, à la
Dantzick, à l'espagnole, à la rocambole, à la perce-pierre, à l'ivernoise, à
l'allemande, à l’italienne ; d'où l'on voit que presque toutes les nations de
l'Europe se sont réunies pour nous enseigner la manière de faire rôtir un
poulet. Mais si de la lèchefrite nous sautons dans la casserole, ce sera bien
autre chose encore. Sans parler des fricassées de poulets, la manière la plus
simple et peut-être l’une des meilleures de les manger en ragoût, nous y
verrons les poulets à l’ivoire, au beurre-vert, à maître Lucas ; les poulets en
bouteille, en culotte, en chauve-souris, à la Beaubourg, à la Caracalla ;
les poulets en surprise, en hochepot, en boudin blanc, etc., etc.
On voit que l'imagination
des hommes de l'art a varié sans fin ces combinaisons savantes.
Devant une telle abondance, que faire ? Laissons agir
le hasard qui, hop hop, s’arrête sur le
poulet à l’italienne.
Poulet à l’italienne
Fendez le dos d’un gros poulet,
et aplatissez-le comme pour le mettre à la tartare ; passez-le au beurre ;
mouillez avec moitié vin blanc et moitié bouillon ; ajoutez un bouquet
garni, une demi-gousse d'ail, deux clous de girofle, sel et gros poivre ;
faites cuire à petit feu ; retirez le poulet lorsqu'il est cuit ;
passez la cuisson ; faites-la réduire ; liez-la avec un morceau de
beurre manié de farine ; versez la sauce sur le poulet et couvre-le tout
de deux cuillerées de fromage de Parme râpé ; mettez le plat sur un feu
doux, couvrez-le, jusqu'à ce que le
poulet ait pris une belle couleur et que la sauce soit presque entièrement
réduite.
E viva il pollo all’italiana !
Sources : Almanach des Gourmands (1ère
Année) ; Néo-Physiologie du goût par
ordre alphabétique (1839)
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