Novembre, mois gras
et de la volaille
Vous qui me suivez depuis maintenant huit mois, ce mois de
novembre va vous occuper plus que jamais par les plaisirs de la chair.
Car Novembre est, par excellence, le mois des Gourmands et
des Gourmandes adorateurs du dieu Comus, qui se foutent comme de l’an 40 du
trop sucré, du trop salé, du trop gras, du trop sec, du trop arrosé, des modérations en tout
genre, des équilibres supposés rendre libre.
S’y ajoute toutes celles et ceux qui, par conviction ou par
nécessité, trouvent dans ce blog les plaisirs qui ont déserté leur assiette, après
avoir refusé de participer aux orgies
des intermédiaires qui s’en foutent plein les poches ; aux turpitudes des
éleveurs qui élèvent pour expédier direct aux abattoirs dont les pratiques font pâlir les manieurs de gégène et autres instruments de torture ; à la
gloutonnerie des multinationales qui suppriment les matières trop grasses, trop
sucrées, trop salées, trop trop, et les remplacent par d’autres bien plus
dangereuses pour la santé physique et mentale. Et qui, pour compenser tant
de privations, lisent avec avidité le Dictionnaire
Gourmand et Animalier de Monsieur La Reynière, ouvrage dont le succès croit
chaque jour grâce à sa drôlerie et aussi au commentaire élogieux, bien que
spontané, d’une certaine Isabelle L. qui pourrait bien être une cousine aussi Gourmande
que fine de taille et à la plume alerte : je me suis goinfrée, écrit-elle, sans modération dans ce dictionnaire gourmand.
Écrit avec beaucoup d'humour, il nous fait découvrir ce qu'étaient les plaisirs
de la table à cette époque.
Ce délicieux opuscule a échappé à la Censure du Ministère de
l’Asanté et est encore en vente libre sous forme d’ouvrage imprimé pour la
modique somme de 5,99 euros dont 20% de taxes. Et faites comme ma cousine, qui
fit comme le préconise ma réclame. Prenez-en plusieurs exemplaires : la
prochaine fois que vous êtes invité(e) à diner, vous allez, c’est certain, crier
Et zut, qu’est ce que je vais
apporter ? Alors, vous bénirez le ciel d’avoir fait une provision de ce
Dictionnaire Gourmand et Animalier de
Monsieur de La Reynière, car grâce à lui, vous aurez sous la main le cadeau
idéal !
Il servira en outre de précieux complément à ce blog, dont
le billet d’aujourd’hui consacré au Mois de Novembre ainsi loué par La
Reynière, premier Poète de la Gastronomie :
Les campagnes se dépeuplent ; les vents, les pluies
et les gelées qui commencent, et les feuilles qui tombent, ramènent
insensiblement tout le monde à la ville, et dès la Saint-Martin tout ce qui
appartient à la classe respectable des Gourmands s’y trouve réuni. Cette fête
est vraiment celle de la bonne-chère. C’est le patron des festins, et le Saint
le plus généralement invoqué par tous les hommes de bon appétit. Nous ignorons
si ce célèbre évêque de Tours était de son vivant un mangeur distingué, et
d’après son ardente charité nous serions tentés de le croire ; car un
Gourmand jugeant de l’appétit des autres par le sien a presque toujours bon
cœur ; mais ce que nous savons positivement, c’est que l’anniversaire de
sa mort est la cause, l’origine et le témoin d’un grand nombre d’indigestions.
Et pour prévenir ces indigestions, La Reynière ne vous
laisse pas démuni. Il conseille en premier lieu les prières à Saint-Crevaz,
martyr local et lorrain de la gourmandise, mort de saisissement à l’aspect du
carême, vénéré jusqu’à Marseille sous le nom de Saint-Crapazi : il préserve
d’indigestion tous ceux qui l’invoquent avec ferveur. Il est aussi recommandé
par Rabelais.
C’est tout dire.
Outre les prières, il est attesté qu’Alexandre se bourrait
de « tartre-stibié »,
potion étrange à base d’antimoine aux grandes vertus purgatives, et faisait
consommation courante d’éther par quelques gouttes sur un morceau de sucre, un remède
de cheval !
Quant aux artistes de l’indigestion, il citait M. Folloppe,
apothicaire porte Saint-Honoré réputé pour son élixir de Garus et ses excellentes liqueurs, idéales pour précipiter la digestion et disposer à
recommencer un bon dîner, si
favorable à la digestion qu’il a été adopté dans un grand nombre de maisons
opulentes soit pour le Coup d’avant, soit pour celui du milieu, et beaucoup
plus agréable que le rhum ou que la crème d’absinthe. Alexandre, très au
fait de la question, citait encore les Grains de santé du Docteur
Franck, beaucoup plus agréables à l’usage ; ou plus simplement,
le Sirop de groseilles blanc de la Vve. Martin, apothicaire rue
Croix-des-champs ; et encore la Vve Pelletier, rue Jacob… Il y avait
beaucoup de Veuves dans le sirop !
Ces préambules étant faits, vous n’avez plus aucune excuse
pour redouter les excès gourmands de Novembre !
Au prochain billet !
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