samedi 25 novembre 2017

Bon anniversaire Alexandre ! Bon anniversaire Balthazar ! Bon anniversaire Laurent !                                                   

Il y a 259 ans, le 25 novembre 1758, naissait Alexandre Balthazar Laurent Grimod de La Reynière. Il a trois prénoms, il eut trois vies. Il a deux noms, et n’en voulait qu’un : Grimod, tout au moins dans sa première vie, quand il se prétendait Républicain de cœur alors que sa mère était aristocrate jusqu’au bout des ongles.

C’est donc l’occasion de lui souhaiter aujourd’hui un excellent anniversaire, ainsi qu’à tous les Alexandre nés un 25 novembre et, en passant, aux Balthazar, aux Laurent. Et, pas de jaloux ni de jalouses, à toutes celles et ceux né un 25 novembre.

Alexandre n’a rien écrit sur sa naissance. A défaut, voici un extrait de l’Essai, puisqu’il s’agirait d’un Essai plutôt que d’un Roman, que j’ai écrit à son propos et qui devrait paraître bientard ou peut-être bientôt, ne soyons pas sombre, car Le désespoir n’est que folie, De vos jours connaissez le prix… N'est-ce pas?


En deux mots : dès sa naissance, Alexandre a semé un sacré désordre dans la famille La Reynière ! Voilà comment les choses se sont passées, le 25 novembre 1758, rue de la Grange Batellière.

Les relations entre madame de La Reynière, née Suzanne de Jarente, et son fils ont toujours été tendues. Tout a commencé le 25 novembre 1758. Suzanne a un spasme d’horreur en découvrant le bout de chair infirme qu’elle vient d’accoucher : l’enfant est né sans mains ! Un moignon s’achevant en une sorte de crochet à gauche, et un autre surmonté de deux excroissances en forme de pince, à droite. Elle se dit que ces malformations sont le résultat de la mésalliance avec ce pauvre Laurent de La Reynière – un richissime bourgeois à particule, certes, mais un bourgeois tout de même. Son confesseur lui fait remarquer que la naissance ayant eu lieu plus tôt que prévu, le Saint-Esprit n’a peut-être pas eu le temps de finir les bras. La marquise de Genlis, une habituée de la maison, insinue que la haine que Suzanne ressent pour son époux l’habite à ce point qu’elle a rongé les mains du pauvre enfant. L’oncle Malesherbes, vu son nom, Lamoignon, donne sa langue au chat. C’est à croire que tout ce grand monde ignore les méfaits des unions consanguines qui émaillent l’arbre généalogique de la famille de Jarente…

La naissance d’Alexandre fait tomber Suzanne en maladie. Pendant trois mois, elle ne quitte pas sa chambre. Laurent ne sait que faire, toutes les bonnes intentions dont il témoigne à son égard restent sans effet. Arrive alors un nouveau fait incroyable : Suzanne attend un deuxième enfant ! Comment, dans son état de faiblesse, a-t-elle pu s’accoupler à cet homme qu’elle méprise à ce point ? On se pose inévitablement la question : de quel père est cet enfant ? Pas de réponse, même de madame de Genlis, privée du plaisir de médire. Par mauvaise fortune ou de bon cœur, M. de La Reynière pense que la deuxième naissance va arranger tout cela. Pour un temps, oui. Mais, hélas, l’enfant, un autre garçon, est de faible constitution et ne passe pas l’année. Nous sommes en 1760, Alexandre a deux ans.

Comment Suzanne survit-elle à ce second malheur? Fort bien, et grâce à Alexandre, le survivant ! Il n’était jusqu’alors qu’une victime de la nature, il est désormais le monstre survivant, celui qui aurait dû mourir plutôt que l’autre. Adieu la morale, adieu les scrupules ! Alexandre n’est encore qu’un enfant, qu’elle l’appelle le « Monstre », le « Cochon niais », l’« Avorton que la nature n’a pas achevé ». Plus tard, elle en fera un sujet littéraire quand, imitant Suétone à propos du César né à Lyon, Claude, elle caractérisera la sottise de quelqu’un en le traitant de « plus stupide que mon fils ». Elle était dévote ; elle se fait incrédule. Devenue femme libre, Suzanne découvre les plaisirs. Et comme souvent quand ils ont été si longtemps refreinés, l’excès se mêle aux maladresses. Elle accumule les amants : M. de Lugeac, le beau Lugeac, comme l’a surnommé Voltaire, le premier à vaincre les dernières résistances de Suzanne, bientôt suivi de M. de Caze, puis du chevalier de Méra. Avec celui-là, Suzanne monte en grade, elle s’approche de la Cour ! Suzanne apprécie leur physique, à tous, mais ne porte guère intérêt à leur esprit. Et pour cause : ils sont de ceux dont la vacuité donne une idée de l’infini.

Pauvre Suzanne, elle ne fait que suivre la mode. Veut-on d’agréables amours, il faut changer toujours, chante-t-on encore à l’époque. Celle où les militaires désertent les champs de bataille pour les salons, les auberges et les chambres de filles publiques. Quelques temps en campagne, quelques mois à Paris : ces amants à temps partiel sont très recherchés. La société est à l’image du couple royal, un mélange de mollesse d’âme et de tolérance sans bornes. Cette excessive tempérance est le signe d’un désintérêt en tout et envers quiconque. On se lasse de tout et de tout le monde, et, enfin, comme on se lasse même de l’ennui, on déblatère. Les Orléans, les premiers, contre les Bourbons, et leurs clans respectifs à la suite. Suzanne et ses soi-disant amis creusent ainsi, lentement et sûrement, le tombeau de leur société.

La suite vaut vraiment le coup d’être lue, bientôt, ou bientard.

A bientôt !


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