lundi 20 novembre 2017

Le Faisan de la mer                                                      

Nous l’avons dit pour fêter Novembre : c’est le mois de la Marée. Et parmi tous les bienfaits qui nous viennent de l’Océan, il en est un qu’Alexandre affectionne particulièrement, c’est le Turbot. Pas de Tubot ? Alexandre est désespéré, au point d’en faire une phrase parmi les plus connues de sa littérature gourmande.

…pendant les années désastreuses de la Révolution, il n’est pas arrivé un beau turbot, ni un esturgeon, ni un saumon à la Halle. 

Mais personne, à notre connaissance, n'a relevé qu'Alexandre ment. Il suffit de lire son journal intime pour le confondre. Portons-nous à la journée du 15 novembre 1794 :

À 10 (heures) halle, turbots, merlans à 30 s(ols). viande, bœuf à 22 s. mouton à 20.

Certes, c’était la disette, souvent, pas de pain … souper par cœur… rats de cave … Mais tout de même, il y avait bien des turbots à Paris, ne serait-ce que pour fournir les plus prestigieux restaurants, comme Very, où Robespierre avait ses habitudes jusqu'à privatiser un cabinet particulier face aux terrasses des Feuillants, ou Méot, la cantine de Saint-Just, de Barrère (celui qui conseillait la frugalité civique) et de Camille Desmoulins qui, entre autres plates bouffonneries (Barnave) s'est fendu de celle-là : Je veux célébrer la République, pourvu que ses banquets se fassent chez Méot ! Voilà les fondements de la République, en marche ou pas, portée par des hommes (et femmes) nouveaux, pendant que le peuple est à la diète.

Alors, que faire d'un turbot et quand on s’appelle Alexandre Grimod de La Reynière, rentier désargenté, et qu'on ne va pas chez Very, ni chez Méot ?

Le turbot, surnommé, à cause de sa beauté, le Faisan de la mer, et qui mérite, par sa majestueuse amplitude, le titre de Roi du carême, se sert ordinairement au court-bouillon (…). Mais le lendemain de sa première apparition, c’est autre chose : on peut le déguiser (...). Le meilleur de ces déguisements, c’est de le mettre en Béchamel.

Je ne vous ferai pas l'affront de vous expliquer comment se fait cuire un poisson au court-bouillon, aussi : pas de recette aujourd'hui. Mais simplement un conseil datant de l'époque d'Alexandre, et plus précisément de M. Vincent de La Chapelle : servez votre turbot avec une sauce au beurre de homard. Bien meilleur qu'avec une sauce hollandaise ou une sauce blanche au raifort épicé.

Pilez avec du beurre fin les œufs qui se trouvent dans l'intérieur ou 
sous la queue d'un homard, passez-les à travers un tamis de soie ; ramassez sur une assiette votre beurre, qui se trouve d’un beau rouge.

Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter un bon appétit!

Sources : Almanach 1ère et 6ème année; Néo-Physiologie du goût.




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