Le Faisan de la mer
Nous l’avons dit pour fêter Novembre : c’est le
mois de la Marée. Et parmi tous les bienfaits qui nous viennent de l’Océan, il en
est un qu’Alexandre affectionne particulièrement, c’est le Turbot. Pas de
Tubot ? Alexandre est désespéré, au point d’en faire une phrase parmi les
plus connues de sa littérature gourmande.
…pendant les années désastreuses de la Révolution, il
n’est pas arrivé un beau turbot, ni un esturgeon, ni un saumon à la
Halle.
Mais personne, à notre connaissance, n'a relevé qu'Alexandre ment. Il suffit de lire son
journal intime pour le confondre. Portons-nous à la journée du 15 novembre 1794 :
À 10 (heures) halle, turbots, merlans à 30 s(ols). viande,
bœuf à 22 s. mouton à 20.
Certes, c’était la disette, souvent, pas de pain …
souper par cœur… rats de cave … Mais tout de même, il y avait bien des turbots à Paris, ne serait-ce que pour fournir les plus prestigieux restaurants, comme Very, où Robespierre avait ses habitudes jusqu'à privatiser un cabinet particulier face aux terrasses des Feuillants, ou Méot, la cantine de Saint-Just, de Barrère (celui qui conseillait la frugalité civique) et de Camille Desmoulins qui, entre autres plates bouffonneries (Barnave) s'est fendu de celle-là : Je veux célébrer la République, pourvu que ses
banquets se fassent chez Méot ! Voilà les fondements de la République, en marche ou pas, portée par des hommes (et femmes) nouveaux, pendant que le peuple est à la diète.
Alors, que faire d'un turbot et quand on s’appelle Alexandre
Grimod de La Reynière, rentier désargenté, et qu'on ne va pas chez Very, ni chez Méot ?
Le turbot, surnommé, à cause de sa beauté, le Faisan de
la mer, et qui mérite, par sa majestueuse amplitude, le titre de Roi du carême,
se sert ordinairement au court-bouillon (…). Mais le lendemain de sa première
apparition, c’est autre chose : on peut le déguiser (...). Le meilleur de
ces déguisements, c’est de le mettre en Béchamel.
Je ne vous ferai pas l'affront de vous expliquer comment se fait cuire un poisson au court-bouillon, aussi : pas de recette aujourd'hui.
Mais simplement un conseil datant de l'époque d'Alexandre, et plus précisément
de M. Vincent de La Chapelle : servez votre turbot avec une sauce au beurre de
homard. Bien meilleur qu'avec une sauce hollandaise ou
une sauce blanche au raifort épicé.
Pilez avec du beurre fin les œufs qui se trouvent dans
l'intérieur ou
sous la queue d'un homard, passez-les à travers un tamis de
soie ; ramassez sur une assiette votre beurre, qui se trouve d’un beau
rouge.
Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter un bon appétit!
Sources : Almanach 1ère et 6ème année; Néo-Physiologie du goût.
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