De La Reynière, des bus et de l'electricité
OUI FM ne manque pas d’humour :
« Passez à l’électricité » est-il placardé sur nos bus parisiens à hydrocarbure !
Quel rapport avec La Reynière, et la gourmandise ?
Eh bien, tous ceux qui ont lu la 2ème année de l’Almanach
des gourmands, (1804, voir pages 210 et ss.), ce qui est certainement votre cas, le
savent : La Reynière est un fervent défenseur de l’électricité dans l'art de faire franchir le styx au porc. Il est temps d’y passer, aurait-il pu
dire en s’adressant tant à ses lecteurs, qu’aux bouchers et à tous ces bœufs,
ces veaux, ces moutons et ces agneaux qui sont bien meilleurs encore quand ils y passent, justement, par la machine qu'il a découverte un jour en se baladant côté rue de Clichy !
C’est dans cet Almanach, en effet que La Reynière évoque la magnifique
machine de M. Beyer, une mise en boite de la foudre à fins domestiques, en
quelque sorte, qui permet en un instant de priver de vie même les animaux les
plus robustes, une technique moderne beaucoup moins barbare que nos méthodes
encore actuelles, et aux vertus culinaires incontestables.
Une batterie de soixante pieds de circonférence suffit
pour tuer un bœuf en moins d’une seconde. Il en faut une infiniment moins forte
pour le tout gros gibier, et une très-ordinaire pour toute espèce de volatile.
Aussitôt que l’animal a été mis à mort, il acquiert un degré de tendreté
vraiment admirable. Il faut même se hâter de le faire passer de la machine
électrique à la broche, car sa mortification deviendrait bientôt telle que
l’Amphitryon lui-même en aurait honte… Comme il semble être de la nature des
Parisiens d’adopter toujours beaucoup plus tard que les autres peuples les découvertes
vraiment utiles, ce procédé était connu et pratiqué en Amérique avant même
qu’on y songeât à Paris.
Ah oui, les Parisiens ont l'art adopter
beaucoup plus tard que les autres des découvertes utiles, qu’il s’agisse du bus
électrique ou de machine à électrocuter nos amies les bêtes
comestibles !
La magnifique machine de M. Beyer pourrait tuer un
éléphant…
Ah non ! (si je puis ainsi dire sans vexer nos jeunes amis
asinés), l’éléphant, ce n’est plus possible, et heureusement d’ailleurs. Mais
continuons….
…un dindon n’est
donc qu’un jeu pour elle ; et nous invitons tous ceux qui voudront opérer
en un instant la mortification des habitants de leur basse-cour à les lui
porter en vie. En sa qualité de Gourmand lui-même, il perçoit en nature son
droit mortuaire ; enfin, il se charge de faire établir pour les amateurs
des machines électriques disposées de manière à attendrir toute une basse-cour
en un clin d’œil.(…)
M. Beyer demeure, rue de Clichy, n° 33, dans sa propre
maison, l’une des plus curieuses de Paris à visiter pour un homme jaloux de
d’instruire en s’amusant. Il en fait les honneurs tous les dimanches matin,
avec une politesse et une complaisance à laquelle on ne saurait donner trop
d’éloge.
Alors s’il y avait des gens de la trempe de M. Beyer à la
tête de la Marie de Paris, on aurait des bus électriques plein nos rues. Mais
voilà, nous avons Mme Hidalgo. Imaginez-vous notre mairesse inventer un magnifique machine à tuer les bêtes comme
a su le faire M. Beyer ? Peut-être l’aurait-elle testée sur elle-même,
après tout, et ça aurait fait une belle maire mortifiée à point…
A bon entendeur, Salut !
Source : Almanach, 4ème année.
PS un peu long :
M. Beyer n’a pas fait qu’inventer la machine à tuer les
bêtes. En effet :
Le même M. Beyer, auquel la physique et les arts doivent
une foule de machines ingénieuses, a perfectionné les briquets phosphoriques,
au point de les garantir pendant très longtemps de l’humidité, et de les faire
durer pendant plusieurs années en bon état. C’est un meuble indispensable aux
Gourmands qui, forcés quelquefois de se relever au milieu de la nuit, sont plus
intéressés que personne à se procurer sur le champ de la lumière. On voit que
M. Beyer n’a rien négligé pour s’acquérir des droits à leur gratitude et sa
modestie extrême, qui relève en lui les talents, a laissé ignorer jusqu’à ce
jour combien nous lui avions d’obligation.
Pour vous, comme pour moi, qui ne savez pas ce qu’est un briquet phosphorique, eh bien il s’agit
d’un petit flacon rempli de phosphore dans lequel on plonge une allumette soufrée qu'on frotte ensuite sur un
bouchon, afin d'obtenir de la lumière. Cette invention fut-elle le fait de
monsieur Beyer ? Rien de moins sûr, en fait, si l’on en croit le Sieur de
Colondon (Joseph & Cie), rue Greneta, qui revendique l'ingénieux procédé et met en garde contre ces soi-disant fabricants sans
fabrique, qui trompent le public par un charlatanisme insoutenable :
Pour ceux qui ont la vue basse :
LE PHENIX Briquet DE
SURETE/ DOUBLE PATE ROYALE/ Oxigène [sic] et Combustible/ DE JOSEPH ET CIE/ SR
DE COLONDON/ Le Briquet de Sureté [sic] que nous offrons au public sous le nom
de Phénix, mérite veritablement [sic]/ toute son attention, sous le raport
[sic] de l'utilité et de la perfection dans l'amalgame des matieres [sic]
combustibles qui/ la composent./ La Confiance dont notre maison jouit depuis
1804 pour la confection des briquets phosphoriques en général,/ nous assure
d'avance de la réussite de cette nouvelle production de notre fabrique./ C'est
en quelque sorte pour justifier cette même réputation, et Surtout afin de
prevenir [sic] le public, contre ces soi-disants fabriquants [sic] sans
fabriques, véritables plagiaires, qui osant décréditer [sic] les véritables
inventeurs,/ cherchent a [sic] le tromper par un charlatanisme insoutenable,
que nous le publions aujourd'hui./ Le Phénix possede [sic] toutes les qualités
que l'on estime dans nos autres articles de ce genre; mais le raffinement/ et
l'épuration de chacune des matieres [sic] qui participent à sa confection, en
font un Combustible tel, qu'il ne peut/ craindre aucune comparaison, et dont
l'usage justifie l'excellence./ Notre Maison Continue toujours de fabriquer les
briquets ordinaires à des Prix plus modérés et dont nous garantissons les
qualités. L'entrepôt central est à Paris, chez JOSEPH & CIE Rue Grenétat
[sic], Nº11, et a [sic] la Fabrique à Belleville près Paris "
Une chose est sure, Colondon et l'orthographe, ça fait deux.
Une chose est sure, Colondon et l'orthographe, ça fait deux.
Source : Musée Carnavalet.
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