1er février : un grand jour de la
vie d’Alexandre
Le 1er février
est une date clé de la vie d’Alexandre car c’est le 1er février 1783 - date qui, précisons-le en passant, marque les noces d’argent du mariage de ses
parents - qu'Alexandre donne un Souper extraordinaire ! Il a vingt-quatre ans, mène
une vie de patachon (tout en poursuivant des études brillantes).
Ce Souper a
fait scandale, un scandale qui a traversé les siècles et qui fait aujourd’hui
encore sa réputation. Le déroulement, mais non le menu, en est connu grâce à
quelques compte-rendu dont le plus célèbre est celui de Grimm (c’est là). Le cérémonial employé par Alexandre singe celui de la Cour, sous les yeux
d’une bande de gueux installés sur une balustrade qui surplombe l’immense pièce
où se déroule ce Souper – cela, naturellement, les invités ne le découvrent
qu’une fois pris au piège. L’immense Salon est tout drapé de noir et illuminé
par 365 bougies (1785 n’étant pas une année bissextile). Mille détails
fourmillent, qui transforment les invités en acteurs convoqués à une pièce
macabre par un carton sous forme d’un immense faire-part de décès (tellement étonnant que Louis XVI lui-même, pourtant pas réputé pour donner dans la franche rigolade, s'en est fait procurer un exemplaire). Les dix-sept convives
ont été triés sur le volet, composés en partie de joyeux débauchés, tous mâles,
à l’exception de Françoise de Loyson, sa
maitresse, sans doute, travestie en homme ; et pour l’autre partie, de
quelques personnalités tout à fait honorables
– avocats, magistrats – qui ont, après coup, fort regretté de s’être
embarqués dans cette galère, et surtout que tout cela se sût : Je vous prie en mon particulier, Monsieur,
de ne point donner au public le détail de votre fête et encore moins les noms
de ceux qui y ont assisté, suppliera l’un d’eux, rongé par les angoisses
d’une mauvaise réputation fatale à son rang et à sa carrière. Grand seigneur,
Alexandre n’écrira rien de ce Souper mémorable.
Que lui apporte ce
Souper ? Une réputation de jeune homme scandaleux dont tout Paris
s’entiche, qui lui permet de donner un sérieux coup de pouce à sa carrière
littéraire. Car il vient d’écrire ses Réflexions philosophiques sur le plaisir, par un célibataire, (dans sa Troisième Edition revue avec soin, corrigée avec docilité, et augmentée de cinq ou six morceaux qui n'avaient point encore paru). Cet opus commis à la
va-vite dans le raffut de ses orgies avec ses amis de la Société des Gobe-Mouches, n’est que petite littérature, et Grimm le dit sèchement : cette brochure ne contient que des lieux
communs à la morale la plus vague, et une critique de nos mœurs aussi frivoles
qu’insipides. Et pourtant, grâce à la notoriété acquise en ce 1er
février 1783, on se les arrache, ces Réflexions qui n'ont vraiment rien de philosophiques, et au-delà des espérances de l’auteur et de son
éditeur : trois éditions seront épuisées avant la fin de l’été.
Mais ce premier succès d’édition est de circonstance et n’a rien de quoi assurer une postérité. Il en est de même d’autres ouvrages des années 1780, tout aussi futiles que bâclés mais aux titres toujours plein de drôlerie : sa Lorgnette philosophique trouvée par un R. P. capucin sous les arcades du Palais-Royal (1785) en est un exemple. Même Peu de chose, idées sur Molière, Racine, Crébillon, Piron, etc. (1788), et Moins que rien, suite de Peu de chose, ouvrage d’un genre assez neuf et plus moral qu’on ne pense (1793), sont reçus avec amusement, qui pourtant comportent des propos non sans intérêt sur l’Art dramatique français du XVIIIème siècle.
Mais ce premier succès d’édition est de circonstance et n’a rien de quoi assurer une postérité. Il en est de même d’autres ouvrages des années 1780, tout aussi futiles que bâclés mais aux titres toujours plein de drôlerie : sa Lorgnette philosophique trouvée par un R. P. capucin sous les arcades du Palais-Royal (1785) en est un exemple. Même Peu de chose, idées sur Molière, Racine, Crébillon, Piron, etc. (1788), et Moins que rien, suite de Peu de chose, ouvrage d’un genre assez neuf et plus moral qu’on ne pense (1793), sont reçus avec amusement, qui pourtant comportent des propos non sans intérêt sur l’Art dramatique français du XVIIIème siècle.
A partir de ce 1er
février 1783, et jusqu’à son départ en exil dans une abbaye au fin fond de la
Lorraine, la vie d’Alexandre est faite des rébellions et des dérèglements dont
une grande part reste à jamais ignorée : L’histoire de tout ce qui s’est passé dans mon âme, depuis le 2 février
1783, jusqu’au 10 avril 1786, aurait de quoi vous surprendre ! écrit-il
à Restif, son Bien aimé, pourtant premier témoin de ses
frasques. Avec ce départ chez les moines, commence une nouvelle vie pour Alexandre. En compagnie des
Frères, il devient monarchiste, fuit les scandales, se réconcilie avec la
gastronomie, n’écrit plus : Onze moi de
ce séjour en Province m’ont absolument rouillé dans l’art d’écrire. Il se
dit prêt à accepter les volontés de sa mère à un point tel que personne, et
elle la première, ne le croit sincère. Malgré toutes les assurances
possibles, on craint de nouveaux scandales, même à distance. En vérité, cela dégoûterait de bien faire,
écrit-il amèrement.
La Suite ? Dans ce
roman passionnant dont je vous ai déjà parlé, qui se bonifie avec le temps et attend encore d’être publié. Mais gardons espoir : Le Désespoir n’est que Folie, de vos jours
connaissez le prix, comme on chantait à l'époque!
Quiconque trouvera de quel
opéra cet aphorisme profond est tiré recevra un exemplaire du Dictionnaire Gourmand et Animalier de La Reynière, avec une dédicace admirative de l'Auteur.
Bonne journée à toutes et
à tous !
Sources : trop diverses.
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