mercredi 14 juin 2017

Des liens entre l’éruption du Laki, la prise de la Bastille et le progrès de la démocratie française par la Table ou : Petite histoire de la Tomate   

Une fois encore, la lecture de la prose gourmande grimaldienne nous apprend bien plus que l’art de la Table. Elle témoigne de changements dans la société, comme ce fait souvent ignoré que les effets conjugués des dérèglements climatiques nés de l’Éruption dramatique du Laki (en Islande, 8 juin 1783) joints à ceux du bordel révolutionnaire, ont provoqué une Révolution beaucoup plus importantes : celle de l’arrivée, en abondance, des Tomates sur les Tables parisiennes.

Lisons ce que La Reynière écrit au sujet des Tomates, ou pommes d’amour :

Ce légume ou fruit, comme on voudra l’appeler, nommé par le vulgaire pomme d’amour, et lycopersicum par les Savants, est originaire d’Espagne…C’est à l’inondation des gens du Midi que la révolution a attirés dans la Capitale… qu’on doit de l’y avoir acclimaté. D’abord fort cher, il est ensuite devenu très commun, et dans l’année qui vient de finir*, on le voyait à la Halle par grands paniers, tandis qu’il ne se vendait auparavant que par maniveaux**.
* 1802
** Petit panier en osier utilisé pour vendre des comestibles.

Et maintenant, qu’en faire, de ces pommes d’amour, à part les sempiternelles Tomates à la Mozzarella ? Des tomates à la Grimod de La Reynière, bien sûr !

L’authentique recette des tomates à la Grimod de La Reynière

Après en avoir ôté les pépins, on les bourre d’une farce savante, ou même tout uniment d’une livre de simple chair à saucisse, maniée avec d’excellent beurre et pétrie avec un tiers de mie de pain rassis, dans laquelle on a mêlé une gousse d’ail (excipient nécessaire de la pomme d’amour), persil, ciboules, estragon hachés. On met le tout cuire sur le gril ou, ce qui vaudrait mieux encore, dans une tourtière, sous un four de campagne, avec une bonne redingote de chapelure. L’expression d’un jus de citron (au moment de servir, dans la tourtière même) couronne cet entremets qui, en telle quantité qu’il soit servi, n’est jamais assez abondant. Comme ce plat est assez nouveau à Paris, la recette ne s’en trouve dans aucun ancien dispensaire, et nous croyons ajouter au mérite de cet Almanach, et acquérir quelques droits à la reconnaissance de nos gourmands concitoyens, en la consignant ici.



Sources : Almanach, 1ère année


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