lundi 10 avril 2017

Histoire d’Œufs (2)                                               

L’Œuf est vraiment l’ami de l’homme, qu’il soit Gourmand ou Homme de lettre,« Et qu’Alexandre était heureux de l’être ! » tous deux.

L’Œuf est l’ami docile par excellence, facile à accommoder et à apprêter, sauf du Vendredi Saint au Lundi de la passion – les quatre jours les plus noirs du Calendrier Gustatif d’un Gourmand. Alors voilà, et autrement bien dit par Alexandre, quelques aphorismes à propos des œufs, de la poêle à la salle à manger et de la salle à manger au salon, suivis de la Recette des œufs à la polonaise à la manière de Monsieur de La Reynière. Plusieurs lecteurs assidus nous ont fait remarquer que le Blog de La Reynière était bien alléchant mais manquait cruellement de recettes. Nous faisons droit à leur critique bienveillante.
L’œuf est La liaison nécessaire de la plupart des sauces, de tous les ragoûts maigres, de presque tous les entremets*… en un mot, il est la base de tout ce qui appartient au grand comme au petit four, voire au four de campagne. Sans lui donc point de crèmes, point de pâtisseries, points d’entremets sucrés ; et surtout point d’omelettes.
*Au XVIII et XIXe siècles, les entremets sont servis après le rôti (« Second service ») et avant le dessert. Ils sont salés (viandes marinées, en terrines, en gelées ou en galantines ; fritures de poisson ; légumes…) ou sucrés (biscuits, gâteaux, gaufres, crèmes, glaces…) 
La société offre encore des Liaisons, et même de plus d'une sorte : les Liaisons de parenté, qui sont si froides ; les Liaisons de plaisir, qui sont si peu durables ; les Liaisons d'intérêt, qui sont si suspectes ; les Liaisons d'amour, qui sont si fragiles ; enfin les Liaisons d'amitié, qui sont si rares.
Les œufs joignent à toutes leurs autres propriétés celle d’être accommodés en très peu de temps, et d’offrir une ressource instantanée dont les avantages sont inappréciables ; car avec leur secours l’on est jamais pris au dépourvu. C’est un ami chaud toujours prêt à s’immoler pour nous, et qu’on trouve au besoin et dans tous les instants de la vie.
Dans son Dictionnaire général de la cuisine française (1839), enrichi de plusieurs menus, prescriptions culinaires, et autres opuscules inédits de M. de La Reynière, Auteur de L'Almanach des Gourmands, Maurice de Courchamps livre le secret des

Œufs à la polonaise (recette de M. de La Reynière)

Faites durcir un quarteron d'œufs; épluchez-les; fendez-les en deux; séparez les jaunes des blancs; mettez les jaunes dans un mortier; pilez-les; ajoutez-y du beurre à peu près gros comme deux œufs, du sel, des fines épices, un peu de muscade râpée, et cinq à six jaunes d'œufs crus : lorsque votre farce sera bien mêlée et sans grumelots, mettez-y un peu de persil haché très fin ; incorporez-y deux ou trois blancs d'œufs fouettés : prenez le plat que vous devez servir ; garnissez-en le fond de votre farce, à peu près de l'épaisseur de trois ou quatre lignes; remplissez vos moitiés d'œufs de cette farce, en leur donnant la forme d'un œuf entier; dressez-les sur votre plat de la manière la plus agréable; dorez-les; mettez-les au four ou sous un four de campagne, avec feu dessous et feu dessus; faites qu'ils aient une belle couleur; nettoyez le bord de votre plat, et servez.


Pour être absolument honnête, il n’est pas certain que cette recette soit d’Alexandre lui-même. Il est probable qu’elle ait été retrouvée dans les archives de l’hôtel de La Reynière, et il est possible que son véritable Père soit Laurent ou son cuisinier, le Grand Mérillion. Mais nous dirons d’Alexandre et de cette recette ce qui fut dit de Zeus pour Antiope, "Que l’ayant élue, elle devint sienne."

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