Pourquoi n’y-t-il pas de Cochon pascal ? La
faute à Moïse !
À vous qui ne le savez
pas, le Carême a pris fin il y a trois jours, jeudi dernier, juste avant la
messe de la Cène du Seigneur (à laquelle vous n’êtes pas allé, je suppose, moi
non plus d’ailleurs…) À cette heure précise, les cloches achèvent leur long
voyage de Rome, le maigre fait place au gras (c’est à nouveau "charnage") et pour
La Reynière, c’est vraiment un moment de grâce. Il peut de nouveau convoquer à
sa table le plus chéri de ses compagnons : le Cochon et toutes ses
variations, notamment le Jambon de Bayonne. Tout de suite ? Non, il va
devoir attendre lundi. La faute à Moïse, qui a eu peut-être des qualités, mais
certainement pas celle d’être un Gourmand.
Si la loi de Moïse n’avait pas élevé entre les
Juifs et les Porcs un mur d’airain, nul doute que les premiers n’eussent mieux
aimé faire la Pâques avec un jambon de Bayonne plutôt qu’avec un Agneau de
Bethléem.
C’est une évidence :
la Chrétienté aurait bien plus d’attrait si elle faisait la promotion du Jambon
de Bayonne plutôt que de l’Agneau de Bethléem car cuisiner l’Agneau, c’est
faire acte de barbarie dans les pâturages et preuve de mauvais goût à table…
Le meilleur quartier d’Agneau n’est qu’un fade
madrigal, comparé surtout à ces savoureux jambons de Bayonne pleins d’esprit et
de sel, et que l’on peut comparer à une épigramme excellente… N’est-il rien de
plus barbare que d’arracher cette innocente bête des bras de sa mère, dont elle
suce encore le lait, pour en faire un insipide rôti ? Attendons au moins
qu’il soit devenu mouton : sa destinée, comme nous l’apprend un vieux
proverbe, est alors d’être croqué, mangé, et nous lui ferons alors cet
honneur.
… tandis que le
Cochon ! Ah, le Cochon !
Le mérite du cochon est si généralement
reconnu ; son utilité en cuisine est si profondément sentie, que son
panégyrique est ici superflu. C’est le Roi des animaux immondes : c’est
celui dont l’empire est le plus universel, et les qualités les moins
contestées ; sans lui, point de lard, et par conséquent, point de
cuisine ; sans lui, point de jambons, point de saucisses, point
d’andouilles, point de boudins noirs, et par conséquent, point de charcutiers.
Les médecins ont beau dire que sa chair est indigeste, pesante et
laxative ; on laisse crier les médecins, qui seraient bien fâchés qu’on
les écoutât, car le cochon est, sous le rapport des indigestions, l’un des plus
beaux fleurons de leur couronne.
Conséquence
pratique : comme on se goinfre d’agneaux pendant quatre jours, il va
falloir attendre demain (lundi) pour que les charcutiers soient à la fête. Mais
quelle fête !
Alors, à demain, si vous
le voulez bien…
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