Les mystères des Œufs de Pâques
La tradition des « œufs de printemps » remonte à l’antiquité. En Égypte et en Perse, au retour de la saison du renouveau, on s’offrait des œufs de poule en guise de porte-bonheur. Une fois de plus étant coutume, l’Église a récupéré cette tradition sympathique en transformant les œufs de printemps en Œufs de Pâques qui cachent des réalités qui le sont beaucoup moins. Quelques patrons de l’Église, comme Saint Benoît, n'ont pu s'empêcher d'emmerder tout le monde catholique avec un Carême pendant lequel la consommation d’œufs fût interdite, puis tolérée sauf entre le Vendredi saint et le Lundi de la Passion (voir notre chronique du nœuf avril) - avec comme conséquence une envolée du prix des œufs dès le le retour du "gras". Elle a inventé une histoire de martyrs sortis de nulle part, tués à coup d’ova ignita (« œufs brûlants » comme un four à pain ou « œufs ardents » comme un buisson) dont on ne sait strictement rien, preuve que les privations ont un effet débilitant sur le cerveau.
Du
temps de La Reynière, il n’y a pas d’œufs en chocolat, il n’en parle donc pas.
C’est parce qu’il a fallu attendre 1847 pour que des Anglais futés de Bristol, les
trois frères Fry, s’aperçoivent qu’en mélangeant à feux doux du sucre, du beurre de cacao et le
chocolat en poudre de monsieur Van Houten (invention qui date elle-même de
1828), on obtient une pâte toute chaude que l’on peut mouler. Avant cette
invention, qui allie la benoite simplicité au génie le plus doux, la tradition était celle
des "Œufs rouges", et leur dérivé, les "Œufs peints" que l'on offre ou que l'on s'échange dès le jeudi de Pâques, c'est à dire aujourd'hui. Et là, de nouveau, sous la
plume de La Reynière, Culture et Gastronomie convergent en un flot unique de
pensées savoureuses qui appellent à notre curiosité. Il nous apprend que la
tradition des Œufs peints est morte avec la Révolution. La Reynière est ainsi
témoin d’une période unique sur laquelle les historiens feraient bien de se
pencher : après les Œufs rouges ou peints, mais avant les Œufs en
chocolats… Mystère, mystère…
Nous abandonnons aux Savants le soin de remonter à
l’origine des Œufs rouges, et d’expliquer par des monuments antiques le motif
de cet usage presque immémorial, qui consiste à donner dans la semaine de
Pâques des œufs teints de cette couleur. Comme l’usage des œufs est défendu
pendant le Carême, et que si l’Église nous permet d’en manger depuis le
Mercredi des Cendres jusqu’au vendredi de la Passion, ce n’est qu’une simple
tolérance, et pour compatir à notre faiblesse, il se peut que cette couleur
donnée aux premiers œufs qu’il soit licite de manger en sortant du Carême soit
un signe d’allégresse : ce qu’il y a de sûr, c’est que les œufs seraient
moins chers, et les poulets bien plus communs, si l’Église était moins
indulgente
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